C’est la fille à suivre, et pas seulement sur les terrains. À 34 ans, Megan Rapinoe est la sportive la plus engagée, à coups de gueule comme à coups de pied.
« Il est de mon devoir de vous dire cela : nous devons être meilleures, nous devons aimer plus, haïr moins. C’est de notre responsabilité de rendre ce monde meilleur. (…) Oui, on fait du sport. Oui, on joue au football. Oui, on est des femmes athlètes… Mais on est beaucoup plus que ça. » Entourée de son équipe avec laquelle elle vient de remporter la Coupe du monde, en juillet dernier, Megan Rapinoe se lance dans un discours émouvant et engagé, sous les hourras de fans rassemblés à New York pour les applaudir.
L’attaquante de l’équipe américaine, titulaire du Ballon d’or féminin depuis décembre dernier, est en passe de devenir une référence en matière d’engagements sociaux. Une figure. Un exemple.
Megan Rapinoe : son (atout) majeur
Si elle n’avait rien d’autre à faire, elle se promènerait sans doute toute la journée avec les « middle fingers » levés en signe de grand « fuck » adressé aux injustices, aux inégalités et à celles et ceux qui les encouragent. Au lieu de ça, elle boycotte, lance des punchlines et provoque. Titulaire d’un diplôme de sociologie et sciences politiques, elle sait comment donner écho à ses colères.
Son adversaire le plus évident : Donald Trump. Elle l’avait prévenu avant le coup d’envoi de la Coupe du monde : pas question de se rendre à la « p* de Maison-Blanche » en cas de victoire.
« J’invite mes coéquipières à réfléchir au sens de la sélection et du bienfait de ce genre de cérémonie face à une administration qui ne partage pas notre chemin. » Plutôt crever que de fêter ça aux côtés du président américain : « (…)Je n’irai pas, je ne vais pas faire des courbettes devant le président qui, clairement, est contre tout ce en quoi je crois. »
Lorsque l’hymne américain retentit dans le stade, elle s’agenouille et/ou reste muette. Un statement qu’elle reproduit depuis 2016, en soutien à Colin Kaepernick, joueur de football américain et activiste qui, pour dénoncer le racisme et les violences policières, avait la même année posé un genou à terre dès les premières notes du chant patriotique.
Une partie de l’opinion publique américaine la crucifie, mais elle s’en cogne, soutenue par ses coéquipières et par des hordes de fans reconnaissants. Taclant au passage ses collègues masculins, elle déclare à la presse : « J’ai envie de crier “Cristiano (Ronaldo), Leo (Messi), Zlatan (Ibrahimovic), aidez-moi !” Ces grandes stars ne s’engagent sur rien alors qu’il existe tant de problèmes dans le football masculin ! Ont-ils la hantise de tout perdre ? Ils le croient, mais ce n’est pas vrai… Qui va rayer Messi ou Ronaldo de la planète football pour une déclaration contre le racisme ou le sexisme ? »
Megan Rapinoe : son salaire (inégal)
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Quelques mois avant la Coupe du monde féminine, elle portait plainte contre la Fédération américaine de football, avec 27 autres sportives, pour discrimination en raison de leur genre. Pourquoi ? Pour inégalité salariale (pour Mégan : 280.000 € par an avant la Coupe du monde) par rapport aux joueurs masculins, avec un palmarès pourtant bien meilleur aux États-Unis où le foot féminin est bien plus populaire que le foot masculin. Et Megan de lancer : « C’est comme si les hommes avaient dirigé le monde pendant toutes ces années, peut-être qu’ils devraient juste prendre quelques centaines d’années de congé ! »
Megan Rapinoe : sa vie privée (très publique)
« C’est mon boulot de dire que je suis homo. C’est ce que je suis. » En 2012, à l’âge de 27 ans, elle faisait son coming out dans les pages du magazine sportif « Out ». « En tant qu’homosexuelle américaine, je sais ce que signifie regarder le drapeau et sentir qu’il ne protège pas toutes vos libertés. »
Avec sa compagne, la basketteuse Sue Bird, elles cumulent cinq titres olympiques et quatre titres de championnes du monde, faisant de chacune de leur apparition publique ou sur leurs IG de véritables messages d’amour et de tolérance.
Une véritable libération, quand on sait d’où elle est originaire : Redding, l’une des villes les plus conservatrices du nord de la Californie. « Je n’ai pas grandi dans un foyer super libéral », dira-t-elle.
Ses parents ont pourtant challengé leurs a priori et sont fiers de soutenir celle qui, selon eux, mérite plus que quiconque ses succès actuels. Une famille sportive et unie de six enfants, dont les jumelles Megan et Rachael. Et puis Brian, le grand frère, celui qui a insufflé à Megan sa passion pour le foot et qui, dès l’adolescence, a plongé dans la drogue. Ce frère adoré multipliant les séjours en prison et qu’elle soutient, encore et encore, allant jusqu’à lui attribuer l’origine de sa prise de conscience de la dureté du monde et de la nécessité d’agir et de se démarquer.
Megan Rapinoe : son style (parfait)
Corps sain et musclé, 1 m 68 de tonicité, cheveux platine ou lavande, coupe inspirée de celle de son idole, l’actrice Tilda Swinton, Megan Rapinoe devient, il y a quelques semaines, la nouvelle égérie de Loewe.
Pour la première fois dans l’histoire de la mode, une footballeuse devient le visage d’une marque de luxe. JW Anderson, directeur artistique, la met en scène dans un décor ultra-coloré et dans des poses décalées, toutes grimaces dehors.
Le luxe feutré, tout comme le monde entier, vient d’être touché par la grâce de « Pinoe ».
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