Depuis un an, Johanne Riss diffuse la lumière de ses créations dans un nouvel atelier – galerie, à deux pas de la place Stéphanie, pour cultiver l’art du chic, sous toutes les coutures.
Adepte des beaux espaces, Johanne Riss a déroulé le fil de collections oniriques et pratiques pendant 35 ans dans une belle boutique du centre- ville de Bruxelles. Désormais, son studio de création s’installe dans un bâtiment moderne, construit autour de deux maisons anciennes rassemblées. Un vaste espace dégagé articule différentes ambiances de création-exposition, au cœur d’une clairière urbaine de 850 m2. Sur trois niveaux, ce grand loft tout en transparence, murs et mobilier blancs abrite à la fois toute la fabrication des collections, une longue table de réception, et un musée vivant d’art contemporain signé d’artistes cotés. Au centre de la boutique, tel un chakra évolutif, un jardin japonais présente les thèmes forts des collections, sorte de vitrine intérieure poétique. Entre autres accessoires pointus et exclusifs – les pièces sélectionnées ne sont pas de celles disponibles partout à chaque coin de clic – Johanne Riss expose (et vend) les créations de Jay Ahr, un concept arty de sacs Louis Vuitton et Hermès vintage, brodés à la main, par thèmes : tapis persan, monde du sport, célébrités, ou Kama-sutra (avec des modèles censurés !) Une épopée créative aux multiples possibilité.
Une histoire de voyages
Créatrice et entrepreneuse autodidacte, Johanne Riss a quitté Paris en 1977, pour s’installer à Bruxelles. Son projet de l’époque : l’importation de chemises de confection française. Rapidement, elle a lancé sa propre collection de maille. De fil en aiguille, ses clientes, déjà fidèles, ont commencé à lui commander des robes habillées, sur mesure et par désir de porter des modèles qui n’existaient nulle part ailleurs. Johanne a affûté son style, privilégiant toujours l’artisanat haut de gamme, et s’est fait un nom, notamment grâce à ses robes de mariée avant-garde, qu’elle a eu, la première, l’idée de composer dans une étoffe performante destinée au sport et aux maillots de bain : un tissu près du corps, qu’on n’avait pas besoin de doubler. Cette technique l’a menée à sa robe signature, un fourreau de sirène, ultra confortable et galbant, dans une matière technique « sensitive » et anti transpirante. Très facile à laver en machine, qui sèche sur cintre : « c’est important, que mes pièces soient pratiques à entretenir et à emporter en voyages. » On le voit dans son décor épuré : Johanne Riss n’aime pas s’encombrer. À cette base de matières techniques simplissimes et sophistiquées, elle a progressivement ajouté de la mousseline de soie, et du tulle : « j’ai toujours adoré la danse, je l’ai beaucoup pratiqué enfant. » Toutes ses créations résultent de ses expériences personnelles : « je ne crée que ce que j’ai envie de porter ! »
Se faire belles « pour la galerie »
Depuis longtemps, Johanne est collectionneuse d’art contemporain. De la mode, elle glisse à l’art, et développe son propre studio. Agencée en harmonie avec l’espace boutique, la nouvelle galerie d’art contemporain expose des œuvres sélectionnées en collaboration avec la « Galerie des multiples » de Paris à l’occasion d’Art Brussels. Outre les collections de la styliste, on admire des peintures, sculptures, et bijoux d’artistes. Dans ce concept pluriculturel, qui comprend un piano pour inviter bientôt des musiciens, l’espace pourra aussi accueillir des événements, des vernissages. Le fil conducteur de la première série ? Le dessin de mains, qui signent des messages de paix ou de sagesse. Johanne Riss a voulu concevoir un lieu de partage artistique, « où l’on va créer des pièces uniques, brodées, peintes, personnalisées », à exposer… ou à enfiler.
Art et artisanat
La Maison produit des petites séries tous les deux mois environ, pour des clientes très attentives à ses nouvelles créations. De fait, la boutique gère très peu de stock, et peut réagir rapidement aux besoins de saison. Le propos de la marque : concevoir des vêtements pratiques et sports, pour courir les red carpets. La signature de Johanne Riss évolue avec la mode, grâce notamment à une capsule loisirs, une nouvelle collection de jeans ultra confortables, en Lycra, avec une coupe pantalon, et des modèles uniques en toile de denim, parfois brodée. Elle relance aussi ses sacs fabriqués en Belgique, et les chaussures, non doublées et super confortables, conçues en Espagne. Et bien sûr, elle développe pour cet été ses maillots de bain, épurés, essentiels, évidemment pratiques : des bandeaux que l’on peut rouler pour bronzer, des dos nus, que l’on peut ensuite mixer pour déjeuner en terrasse. Chaque une pièce est assortie de son bikini, pour multiplier les possibilités. Cohérente à sa démarche de travail à la main, Johanne Riss sélectionne ses fournisseurs de matières premières selon ces mêmes valeurs ; fidèle à sa clientèle comme à ses collaborateurs, la créatrice travaille avec la même équipe depuis parfois 20 ans, et vient de redynamiser son e-shop grâce aux inspirations de nouveaux jeunes collaborateurs.
Entre création et affection
« Mes créations me ressemblent, elles viennent de l’intérieur, juste l’essentiel au service de la féminité. Je viens d’une famille de commerçants, des gens simples, mais ma mère et ma grand-mère étaient toujours très élégantes, en talons aiguilles par tous les temps. J’ai bénéficié d’une éducation saine, où le travail était une valeur. Ma grand-mère m’a appris à tricoter, ma mère à coudre à la machine. Quand j’ai eu 15 ans, j’ai créé ma première silhouette complète – pour moi-même ! -, un short assorti d’un maxi manteau. Je ne me suis jamais arrêtée. Ma passion pour la fabrication des vêtements s’est développée, et quand mon fils était petit, et que je n’avais pas beaucoup de moyens, je lui tricotais des pulls ouvragés magnifiques. Mes deux enfants ont grandi dans mon atelier, et quand ma fille a commencé à sortir dans des réunions de famille, je lui confectionnais des petites robes de princesses. Au goût du jour, avec des jupes longues, en taffetas, avec rubans assortis dans les cheveux ». De même avec sa clientèle, Johanne Riss insuffle toujours de l’affection et de l’attention dans ses créations : « pour moi, le rapport direct avec les clientes est inestimable. Avec le temps, on devient toujours un peu amies. Elles me font confiance, et ça devient un échange. J’aime les recevoir et m’occuper moi-même de définir leurs besoins avec elles. Je suis une grande voyageuse, donc je comprends bien les impératifs des élégantes qui bourlinguent ! Pour ma créativité, j’ai besoin de bouger, de m’inspirer du monde qui évolue ». Logiquement, de cet apprentissage empirique des évolutions des aspirations féminines, Johanne Riss intègre ses impératifs dans ses collections : « en déplacement, il est facile de se composer une valise légère : on mélange les pièces et sans que ça prenne beaucoup de place, on multiplie les combinaisons pour composer une infinité de silhouettes ». Loin de la création désincarnée qu’on rencontre de plus en plus au hasard de la surproduction industrielle, la styliste belge fabrique logique.
Red Carpet Sport
Parmi ses fans, on compte Isabelle Huppert, Stéphanie Crayencour, Yolande Moreau, Dani Klein (Vaya Con Dios), la chanteuse d’opéra Sonya Yoncheva, ou Virginie Efira. Créatrice de grande élégance mais jamais d’un style engoncé, proche du milieu artistique, Johanne Riss a à cœur que ses collections soient accessibles à tout le monde, pour tous les modes de vie. C’est pourquoi en boutique, sa palette de couleurs en noir, blanc et rouge, basiques essentiels, peut se décliner dans une grande gamme de coloris au choix, sur commande. Dans l’esprit de la confection sur mesure, on peut adapter un décolleté, modifier un tombé. On connaissait Johanne Riss pour ses robes de mariées ultra-seyantes et anti-conformistes, et ses robes du soir qui garantissent une allure bluffante à chaque morphologie – lavables dans le lavabo d’une chambre d’hôtel et impeccables le lendemain – on (re) découvre désormais ses cachemires, ses étoles, ses bijoux contemporains entre punk-fantaisie et éthique- chic. Et la sensualité de l’art sans artifices.
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