Elle a 66 ans et n’est pas près de s’arrêter. Il y a exactement 25 ans, Paula Begoun lançait sa marque Paula’s Choice. Aujourd’hui, elle semble plus que jamais animée par une passion communicative pour les soins de la peau et les ingrédients qu’ils contiennent. Comment la papesse du skincare a-t-elle assuré le succès de son entreprise? Et quelles tendances beauté l’irritent ?
Cette année, Paula’s Choice devait célébrer son quart de siècle lors d’une grande fête, mais le coronavirus en a décidé autrement. Alors sa fondatrice a décidé de fêter cet anniversaire en partageant sa passion et ses connaissances, même si elle doit se contenter des moyens numériques. Depuis Hawaï, elle nous raconte les hauts et les bas de l’entrepreneuriat, les leçons qu’elle a tirées de ses années d’expérience, et les tout derniers ingrédients qui ont fait leur entrée sur la scène des soins de beauté.
Il y a 25 ans, vous avez créé une marque en ligne, alors que personne ne connaissait vraiment Internet. La crise sanitaire a contraint de plus en plus de marques à franchir ce pas. Saviez-vous depuis le début que l’avenir de la beauté se trouverait sur la Toile ?
“J’ai en effet lancé l’un des premiers sites web beauté. À l’époque, on n’utilisait pas encore le mot Internet et le HTML n’existait même pas. C’était donc une plateforme totalement nouvelle, mais mon objectif n’a jamais été de devenir une grande maison de luxe. Guidée par ma passion pour les formules cosmétiques, je voulais avant tout rassembler mes recherches, mes articles et mes livres. Internet m’a semblé l’endroit idéal. Je ne me voyais pas former des centaines de commerciaux à mon approche personnalisée de la cosmétique. Le web m’a permis de construire un réseau mondial à travers lequel je partage mes produits, mais aussi les résultats de recherches scientifiques. Il est parfaitement adapté à ma mission.”
Au départ, Paula’s Choice ne proposait que 10 produits. Aujourd’hui, la gamme est très large. Vous vous attendiez à ce que votre entreprise prenne autant d’ampleur ?
“J’ai d’abord formulé des produits pour d’autres marques. Je pense avoir créé environ 300 références au cours de ma carrière, dont au moins 150 pour Paula’s Choice. Bien sûr, tous n’ont pas été lancés sur le marché, et certains ont été reformulés par la suite, mais développer de nouveaux soins a toujours été mon activité principale. Je n’aurais jamais imaginé un jour que mes produits seraient vendus en Amérique, en Asie et en Europe. Et j’ai toujours du mal à y croire à l’heure actuelle.”
Il y a quelques années, vous avez nommé Tara Poseley au poste de PDG de Paula’s Choice. C’était important pour vous qu’une femme soit aux commandes ?
“Paula’s Choice a toujours été dirigée par une femme : moi-même. J’ai toujours accordé de l’importance à la diversité. Nous sommes une société très riche en œstrogènes depuis le début (rires). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je voulais engager plus d’hommes, mais notre PDG devait partager la même passion et la même mission que moi : faire en sorte que chacun se sente beau. Tara le comprend parfaitement, et elle assume également toutes les tâches que je déteste, comme les aspects commerciaux, financiers et juridiques…”
De nos jours, les nouvelles marques de beauté se multiplient à la vitesse grand V. Selon vous, se lancer dans l’entrepreneuriat aujourd’hui, c’est plus facile ou plus difficile qu’il y a 25 ans ?
“Je n’en ai aucune idée, mais je sais que lancer son activité n’est jamais simple. Aux États-Unis, la plupart des nouvelles entreprises ne tiennent pas plus de cinq ans… L’avantage de l’époque actuelle, c’est l’accès aux innombrables études et recherches. Les ressources dont nous disposons sont incroyables, ce qui les rend aussi plus difficiles à traiter. On se sent parfois submergé par toutes ces informations.”
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs qui se lancent dans l’industrie de la beauté ?
“Apprenez et étudiez ! Détrompez-vous si vous pensez que les blogueuses et influenceuses détiennent tous les secrets des produits de beauté. Les soins de la peau relèvent de la science avant tout. Sans ces connaissances, votre activité se résume à du marketing. On attend d’un cardiologue qu’il soit expert du cœur, non ? Il faut se montrer tout aussi compétent avec la peau, le plus grand organe du corps humain.”
Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait jamais donné ?
“Depuis des années, je garde dans mon bureau un morceau de papier où il est écrit : Ceux qui pensent qu’il est impossible d’agir sont généralement interrompus par ceux qui agissent. Je pense toujours à cette citation de James Baldwin dans les moments difficiles.”
Paula’s Choice est unique, parce que vous n’avez pas peur de vous remettre en question. Vous êtes la première à dire que ce que vous avez écrit dans les années 80 ne tient plus la route. C’est compliqué pour vous d’admettre vos erreurs ?
“C’est justement ce que je préfère dans mon travail ! Je me renseigne constamment sur les produits ou ingrédients qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas. Par exemple, il y a des années, on ne connaissait rien aux dommages causés par les U.V., la pollution, etc. Aujourd’hui, on a trouvé des solutions. C’est génial, non ? Je n’ai pas l’impression d’avoir commis des erreurs, je me dis juste que je ne détenais pas toutes les connaissances nécessaires. Les temps et la recherche évoluent. Et moi aussi. C’est clairement ma principale source de motivation.
Parallèlement, c’est super bon pour mon égo quand un point de vue que je défends depuis des années se révèle finalement pertinent. Cela fait 40 ans que j’affirme qu’il faut éviter d’irriter sa peau. Aujourd’hui, les inflammations s’avèrent encore plus néfastes que je ne le pensais.”
Toutes ces fausses informations qui inondent Internet ne vous fatiguent pas ?
“Si, et depuis 40 ans ! La situation n’était pas différente au début de ma carrière, bien que les fake news se répandent aujourd’hui encore plus vite par le biais des influenceurs. Toutes ces absurdités sur les huiles essentielles, le bronzage sans danger…”
Quel est le produit ou le mythe le plus absurde que vous avez découvert récemment ?
« Le Gua Sha et le rouleau de jade : en tirant à ce point sur la peau, on accélère justement son vieillissement. On dit aussi que les rayons du soleil sont une source de vitamine D, ce qui est non seulement absurde, mais aussi très dangereux. Sans oublier la tendance du dermarolling, qui explose en ce moment. La pratique consiste à perforer le visage avec de minuscules aiguilles. Cette mode est potentiellement dangereuse aussi, parce qu’elle détruit la barrière cutanée. »
Quel ingrédient de soin vous a le plus convaincue à ce jour ?
“Dans nos produits, on ne considère pas les ingrédients de façon isolée, mais on s’intéresse plus aux formulations. Prenons l’exemple du nouveau soin Paula’s Choice au rétinol et au bakuchiol : de nombreuses études ont confirmé l’efficacité de ce puissant antioxydant et démontré qu’il renforce l’action du rétinol. Même après avoir créé le produit, j’ai lu des études plus récentes qui appuyaient cette thèse.”
“Je suis également convaincue des bienfaits des peptides, car il en existe des variantes de plus en plus efficaces qui forment des liaisons saines et éliminent celles qui sont mauvaises pour la peau.”
Votre top 3 des meilleurs produits de beauté ?
“Tout d’abord, un produit doux pour nettoyer le visage. Cette étape est cruciale pour éliminer le maquillage et les impuretés. Puis un exfoliant liquide à base de BHA ou d’AHA, car ils améliorent la structure cutanée. Enfin, une protection solaire.”
Que devraient savoir toutes les femmes à propos de leur peau ?
“Arrêtez de bronzer ! Le soleil est très nocif pour la peau, il faut s’en protéger. En Asie, ils l’ont déjà compris, alors je leur dirais : ne perdez pas votre temps et votre argent dans une routine de soins interminable, profitez de la vie. (rires)”
Quel est votre souhait le plus cher pour votre avenir et celui de Paula’s Choice ?
“Je suis vieille (rires), j’ai donc besoin de ralentir un peu la cadence. J’espère que Paula’s Choice ne perdra jamais de vue le vrai sens de la beauté, et que la science primera toujours sur les tendances et le marketing. Si les soins de la peau ne font pas partie de vos préoccupations, pourquoi travailler dans l’industrie de la beauté? Mon plus grand souhait est que l’entreprise ne s’éloigne jamais de cette vision.”
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