Véritable best-seller, l’ouvrage de la thérapeute Isabelle Nazare-Aga “Les manipulateurs sont parmi nous” nous aide à identifier un manipulateur et à nous en protéger.
Avez-vous déjà ressenti un sentiment de malaise vis-à-vis d’une personne, sans explication rationnelle ? Le doute et le stress vous envahissent en sa présence. Vous parlez souvent d’elle et vous l’avez souvent à l’esprit. Au quotidien, votre manque de confiance en vous s’accroît et vous commencez à douter de vos capacités et même de vos qualités. Vous ressentez un sentiment d’infériorité accompagné de troubles physiques (acné, maux de tête, problèmes de sommeil,…).
En tant que psychothérapeute et formatrice, Isabelle Nazare-Aga a souvent été frappée par un constat : de nombreux patients qui vivaient un mal-être majeur face à une personne de leur entourage ont découvert par la suite qu’il s’agissait d’un manipulateur. Sur la base d’une enquête de plus de 7 500 témoignages, elle a donc décidé de consacrer un ouvrage intitulé “Les manipulateurs sont parmi nous : Qui sont-ils ? Comment s’en protéger ?” afin d’aider les personnes qui en sont victimes.
« Statistiquement, il est évident que nous rencontrerons tous un manipulateur dans notre existence »
Pour ce faire, celle qui a exercé plus de trente ans en cabinet et dirigé des stages d’affirmation, d’estime de soi et de gestion du stress dresse une liste de 30 caractéristiques qui permet d’identifier un manipulateur. Si vous obtenez au moins 14 critères sur 30, la personne à laquelle vous pensez est sans doute une manipulatrice. Précisons que cette liste concerne aussi bien les hommes que les femmes.
Comment reconnaître un manipulateur ?
Avant tout, il n’y a pas d’étude scientifique sur le profil du manipulateur, nous avertit Isabelle. “Ce sont des personnes dans le déni, qui ne consultent pas. Elles ne font donc pas partie d’échantillons d’études”. Les caractéristiques des manipulateurs sont donc établies à partir du vécu des victimes, et de leurs témoignages. Plusieurs grandes caractéristiques émergent.
Premièrement, le manipulateur culpabilise l’autre de sorte à ce qu’il se sente coupable de fautes imaginaires, perde toute confiance en lui et se mette à douter de ses propres valeurs. C’est d’ailleurs uniquement ainsi qu’il existe, en sachant que l’autre a la tête sous l’eau. Par contre, ce n’est jamais de sa faute. Le manipulateur craint d’endosser ses responsabilités. Il fuit face aux engagements, promesses ou tâches qui lui incombent. Sa stratégie principale est l’évitement. Il annule au dernier moment, trouve des prétextes, reporte le sujet à plus tard. Il ne se rendra jamais disponible pour régler des difficultés. Son but est d’échapper à toute confrontation afin d’éviter de devoir se positionner ou résoudre un problème.
Souvent, il reste flou, il ne communique pas clairement ses opinions, évite de prendre part à une décision. Il préfère utiliser des intermédiaires pour faire passer ses messages, qu’ils soient physiques ou matériels : un post-it ou un coup de téléphone par exemple, ou un collègue, un conjoint, un ami ou un membre de sa famille. Le messager devient alors le seul responsable de ce qu’il transmet, comme s’il cautionnait le message du manipulateur.
« La scission dans votre groupe suite à l’arrivée d’un nouveau membre doit vous mettre la puce à l’oreille »
Le manipulateur s’approprie les résultats positifs obtenus par son entourage. À l’inverse, lorsque les choses vont mal, il reporte la responsabilité sur autrui. Autre trait majeur, il ne communique pas de façon claire et directe ses demandes, sentiments et opinions. “Il adore en revanche les demandes détournées”, nous avertit Isabelle. “‘Qu’est-ce que tu fais en fin de semaine?’ devient une question implicite pour l’aider dans son déménagement, ‘Tu prends ta voiture samedi’ signifie qu’il risque de la monopoliser ce jour-là.” Il prêche le faux pour savoir le vrai. Quand un sujet de conversation n’est pas assez familier pour lui, ne le fait pas briller ou devient “dangereux”, il détourne la conversation : ”Ce n’est pas le moment”, “nous n’avons plus le temps d’en parler”, “je ne pense pas que cela soit primordial”,…
Mais par dessus tout il sème la zizanie, souvent en introduisant la suspicion. “La scission dans votre groupe suite à l’arrivée d’un nouveau membre doit vous mettre la puce à l’oreille”, déclare la thérapeute. Le conjoint manipulateur fait souvent le vide autour de son épouse ou époux. Le manipulateur dévalorise, afin de donner l’illusion de sa supériorité. Il déstabilise votre confiance en vous en relevant le moindre défaut ou la moindre erreur. Il utilise des généralités, souvent beaucoup de préceptes, ainsi qu’une ironie blessante.
Finalement, la seule personne qui intéresse le manipulateur est lui-même. Il est indifférent aux besoins des autres. Il interrompt une conversation pour parler de lui, il n’écoute plus les conversations qui ne le concernent pas. Il ne prend pas en considération les demandes d’autrui, même s’il dit y être attentif.
Sommes-nous tous des manipulateurs ?
Le piège est de penser que les manipulateurs sont partout. C’est faux. Ils sont même peu nombreux en réalité, deux à trois personnes sur 300 en moyenne. Le manipulateur est invisible, seul le temps et la fréquence permettent de le reconnaître, et il appartient à tous les milieux sociaux. Selon les statistiques, près de 100% d’entre nous devraient rencontrer au moins un manipulateur au cours de sa vie.
Peut-être vous êtes vous reconnu ou avez-vous reconnu l’un de vos proches dans certaines des caractéristiques citées. Cela ne veut pas dire pour autant que vous êtes un manipulateur ou qu’il ou elle est un manipulateur/manipulatrice. Selon Isabelle, “il ne faut surtout pas confondre la manipulation, qui peut être un comportement passager, et la personnalité manipulatrice”. Nous utilisons tous le chantage ou la ruse de temps en temps, avec notre conjoint ou nos enfants par exemple : “Tu es vilaine avec maman”. Nous sommes parfois égoïstes, parfois égocentriques, parfois malveillants, mais ces défauts ne sont pas intrinsèques à notre personnalité. Il faut bien distinguer le “faire” de l'”être” dans ce cas précis.
« Le manipulateur utilise la manipulation comme moyen de survie »
Nous l’avons vu, le manipulateur est flou, dévalorisant, méprisant, sème la zizanie, ignore les demandes des autres. Il est aussi jaloux, sournois, menteur, égocentrique,… Souvent, il agit ainsi par manque de confiance en lui. Il ne sait pas exprimer clairement et sincèrement ses opinions. Il ne peut exister sans la présence de l’autre, et a un besoin viscéral de se comparer à autrui. “Il ne peut survivre sans prendre appui sur la tête de l’autre, sinon il se noie”, écrit Isabelle. Ainsi, il cible les défauts des autres pour s’en démarquer lui-même. Le manipulateur utilise la manipulation uniquement comme moyen de survie. “La manipulation est un mécanisme de défense qu’il développe dès l’enfance. Très jeune il excelle à trouver les points vulnérables des autres pour exercer son pouvoir et se rassurer. Il systématise son comportement (ton, regard, tournure,…) dès l’enfance chez son parent le plus vulnérable”.
Qui sont les victimes du manipulateur ?
90% d’entre nous sommes vulnérables à la manipulation, les 10% restants sont imperméables aux stratégies du manipulateur, la thérapeute les surnomme pour cela “les indifférents”. La grande différence entre ces deux types de personnes ? Leur affirmation de soi et leur rapport à l’autre. Les victimes des manipulateurs sont avant tout des personnes timides qui s’affirment peu, manquent de confiance en elles et répondent en priorité aux besoins d’autrui. Elles s’attardent souvent peu sur leurs propres besoins et font tout pour que l’on ait une image positive d’elles.
“Nous portons en partie la responsabilité des manipulations que nous subissons”, déclare Isabelle, qui a elle-même été victime d’un manipulateur au sein de sa famille. Elle résume ainsi une leçon de vie que l’on pourrait finalement suivre dans n’importe quelle situation : “Le manque de discernement et notre présumé besoin du jugement d’autrui pour favoriser notre épanouissement sont les causes principales de notre naïveté. Un bon nombre d’entre nous ne semblent vouloir vivre qu’à travers le regard et le jugement des autres. Or, il nous faut apprendre à exister pour nous-mêmes, tout en incluant les autres dans notre vie. Ainsi, l’influence des autres ne s’exerce pas de façon permanente et systématique”.
« 90% d’entre nous sommes vulnérables à la manipulation »
Elle ajoute également dans un passage très censé : “L’art de manipuler est très subtil, il ne faut pas juger le manipulé. Le manipulateur dépasse l’éthique, celle que nous portons en nous au sein de nos sociétés judéo-chrétiennes (celle qui dit qu’une mère ne peut pas faire de mal à son enfant, qu’un médecin ne peut pas exploiter financièrement ses patients ou qu’un mari ne peut pas détruire moralement la femme qu’il aime,…). Nous ne pensons pas que nos proches puissent nous nuire. Pourtant les manipulateurs le font”.
Comment se protéger d’un manipulateur ?
“Les manipulateurs sont des rongeurs d’énergie”. Un contact prolongé avec eux entraîne de nombreux dégâts psychologiques et somatiques : sentiment de culpabilité, agressivité, anxiété, peur, tristesse, maux de tête, troubles digestifs, boule à la gorge ou à l’estomac, manque d’appétit, boulimie. Votre enthousiasme et votre humeur changent. La maladie peut s’installer à long terme, parfois jusqu’à la dépression nerveuse. Plus le contact est régulier plus les symptômes s’intensifient.
Déceler un manipulateur est donc la première étape pour regagner sa liberté ou sa sérénité. Mais cela prend du temps. En se basant sur son expérience de thérapeute, elle estime qu’il faut entre trois mois et trois ans, selon notre lien affectif avec le manipulateur. Pour le repérer, la liste des 30 caractéristiques élaborée par Isabelle est un premier pas. Il s’agira de cocher à l’aide d’un crayon toutes les caractéristiques que vous retrouvez chez la personne en question.
« Les manipulateurs se détachent rapidement des gens insensibles à leur pouvoir »
Une fois que vous l’avez identifié/e, la première étape est d’apprendre à contre-manipuler. Pour ce faire, Isabelle a créé en accompagnement de son livre un petit jeu de cartes contenant sur une face les attaques du manipulateur et côté pile les réponses pour les contrer. “Les manipulateurs se détachent rapidement des gens insensibles à leur pouvoir”, avertit-elle. Voilà pourquoi elle a élaboré la technique dite du “brouillard”, en se basant sur l’observation de ce qui fonctionnait le mieux. Cette technique consiste à s’adapter aux comportements du manipulateur pour apporter la réponse adéquate : ironie, humour, refus sec,…
“Je suis sûr que vous ne le faites pas parce que vous avez peur”
- “Exact !”
- “Pourquoi prendre des risques inutiles.
“Tu es trop sévère avec tes enfants”
- “Il faut savoir l’être parfois”
- “Cela s’appelle ‘éduquer'”
“Tu ressembles à ta mère”
- “Je vois bien que tu essaies de me blesser, mais ça ne fonctionne pas”
- “Non. Et tu le sais bien.”
Cela demande de la concentration et de la persévérance. Il s’agit de répondre de façon plus assurée et moins émotionnelle. Vous pouvez même apprendre ces petites phrases toutes faites par coeur. Cependant, les résultats de votre nouvelle attitude seront visibles uniquement après quelques mois. C’est l’accumulation de situations où le manipulateur perçoit votre résistance passive qui l’amène inconsciemment à se détacher de vous. Vous pouvez vous entraîner en jouant avec un partenaire qui prend le rôle du manipulateur, par exemple.
Deuxièmement, sachez refuser. N’acceptez pas tout de peur d’être jugé égoïste, de blesser, de perdre un ami ou de ne plus être apprécié. Vous pouvez également utiliser le disque rayé. Comme le manipulateur n’a pas l’habitude de vos “non”, il va répéter sa demande en utilisant la culpabilisation, les principes moraux, la dévalorisation ou la menace. Restez ferme et répondez par les phrases-types conseillées plus haut.
Les autres attitudes à adopter consistent à :
- Stopper d’urgence tout système aliénant déjà établi entre vous. Ne plus partir ensemble en vacances par exemple, ou ne plus répondre aux coups de téléphone chaque jour. Déconditionnez-vous.
- Ne plus raconter les détails de votre vie, qu’il interprètera de toute façon de manière négative
- Ne plus répondre aux demandes non formulées clairement.
- Tout noter. Notez tout ce que vous convenez ensemble, si possible devant le manipulateur. Vous pourrez ainsi reformuler ses propos devant lui, et il ne pourra plus dire que vous n’avez rien entendu ou rien compris.
- Refuser d’être son intermédiaire. Laissez-le assumer ses responsabilités.
- Répondre prudemment à la flatterie. La flatterie, contrairement au compliment, comporte un but. Le manipulateur veut faire de vous un allié. Ne soyez pas dupe, soyez poli et sobre. Pas besoin d’exprimer votre doute.
Faites le deuil d’une communication idéale avec les manipulateurs
Seulement 20% des manipulateurs sont conscients de leur état. “Jusqu’à présent, je n’ai rencontré que cinq personnes qui remettaient en question leur caractère manipulateur”, déclare Isabelle. Au-delà de quelques exceptions, ils ne sont pas conscients de leur attitude dévastatrice. “Leur égocentrisme est trop puissant pour ça”.
« Seulement 20% des manipulateurs sont conscients de leur état »
Il vous faudra donc accepter l’idée qu’on ne communique pas normalement avec un manipulateur. Et c’est là que le bât blesse. Le comportement du manipulateur est impossible à soigner ou à modifier. Il est donc inutile d’attendre un déclic miraculeux de sa part. La seule solution reste donc d’admettre que la personnalité manipulatrice relève d’une pathologie. Le processus du deuil dure plusieurs mois minimum, plus la relation est forte plus le deuil est long à faire. C’est lorsque vous n’attendez plus qu’il guérisse que le deuil est terminé. Vous devenez alors insensible à ce que dit ou fait le manipulateur.
À l’inverse, et cela peut-être difficile à entendre également, le manipulateur se détourne des personnes insensibles à son pouvoir. On ne devient tout simplement plus intéressant pour lui. Il faut s’y attendre et apprendre à vivre avec : ‘Elle ne m’appelle plus’, ‘elle ne me propose plus de venir à Noël’. Il ne faut pas se rendre malade. Le manipulateur se détourne tout simplement des gens qui lui ôtent le pouvoir qu’il a. En couple, le divorce est la seule solution. Il s’agit de ne plus laisser l’autre nous détruire davantage. Il faut cesser d’espérer que le couple se reforme sur une base de communication et d’amour. La contre-manipulation doit être une solution temporaire. Le but ultime est de couper tout contact physique. Les seules exceptions sont un parent ou encore un conjoint avec lequel nous partageons des enfants. “Il faut minimiser les contacts physiques, se retenir de contre-attaquer et anticiper ses attaques”, raconte Isabelle.
Pour conclure, il ne s’agit pas de devenir méfiant vis-à-vis de tout le monde, mais davantage de parvenir à discerner les individus manipulateurs en se fiant à ses émotions et aux avertissements de ses proches de confiance. Finalement, ne jamais hésiter à faire appel à des professionnels de la santé mentale en cas d’emprise.
“Les manipulateurs sont parmi nous”, Isabelle Nazare-Aga, 288 pages
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