Conserver l’entièreté de ses déchets dans un pot en verre pour réduire son empreinte carbone ? Si le défi des adeptes du mode de vie zéro déchet « trash in a jar » semble un peu trop beau pour être vrai, c’est peut-être parce que c’est le cas.

Vous en avez probablement entendu parler, né aux États-Unis il y a quelques années, le défi “trash in a jar” (ou déchets dans un pot) est un challenge zéro déchet qui surfe sur la vague écologique montante. Il consiste à minimiser son empreinte écologique, en réduisant à l’extrême sa production de déchets ménagers. Ceux qui ne peuvent pas être évités sont conservés dans un pot en verre. Ainsi, de nombreuses personnes qui y participent exposent fièrement leur pot de déchets en prétendant que l’équivalent des dernières 3, 4 ou même 7 années de déchets y sont conservés. Et si c’était un mensonge ?

Une bonne idée au départ

Ce défi, qui sert également à sensibiliser la population sur l’importance de faire sa part pour l’environnement, est évidemment une initiative positive. Il est nécessaire de le souligner et de ne pas minimiser les efforts qu’il représente. Cependant, derrière ce pot en verre, se cachent toute une série de réalités dérangeantes que les personnes porteuses du mouvement se gardent bien souvent d’aborder.

Selon Belgique Environnement, le Belge produit chaque jour un kilo de déchets ménagers. Ces déchets comprennent les restes de nourriture, les plastiques recyclables, les cartons, etc. Ce sont les déchets physiques desquels nous nous débarrassons personnellement. Mais à cela, il faut également ajouter 9,5 kilos de déchets industriels par jour. Cela représente 3 500 kilos de déchets par an que nous ne voyons jamais. Ils proviennent de la production des biens que nous achetons et ne peuvent donc pas rentrer dans le fameux pot en verre du défi “trash in a jar”. Comment dès lors les comptabiliser ?

Une réalité biaisée

Ce mode de vie zéro déchet est limité. Et sa principale limitation tient dans le fait que de nombreuses situations de la vie de tous les jours sont hors de notre contrôle. Que se passe-t-il si notre téléphone ou notre frigo tombe en panne ? Si l’on est contraint, pour une quelconque raison, d’acheter un nouvel appareil électronique, il serait impossible de faire rentrer l’ancien dans notre pot symbolique. Cela compte aussi pour les plus petits déchets que nous ne pouvons pas éviter. Lors d’une soirée dans un bar, le serveur nous sert un cocktail avec une paille en plastique alors qu’on l’avait spécifiquement demandé de ne pas en mettre ; au magasin, la caissière imprime notre ticket de caisse sans notre accord, etc. Peu importe que l’on rende la paille ou refuse le ticket, ce déchet existe. S’il ne rentre pas dans notre pot en verre, il terminera tout de même dans une poubelle. Et ce n’est pas grave, car cela fait partie du monde dans lequel on vit. Il est loin d’être parfait, tout comme nous.

Le réel problème survient au moment où des personnalités qui profitent d’un suivi important sur les réseaux sociaux présentent leur mode de vie zéro déchet comme dénué de ces imperfections. En choisissant de cacher les incidents de parcours, les déchets qui, pour une quelconque raison, ne sont pas rentrés dans le pot, ils propagent un idéal irréalisable. Des personnes qui voudraient changer leurs habitudes risquent alors d’abandonner avant même d’avoir essayé, démotivées par la peur de ne pas être parfait.

Ce que l’on ne nous dit pas non plus, c’est que ce mode de vie reste l’expression d’un certain privilège et n’est pas accessible à chacun avec le même degré de facilité. Tout le monde n’a pas le même accès à des magasins qui vendent leurs produits en vrac, par exemple. De plus, si sur le moyen et long terme, limiter ses déchets permet d’économiser de l’argent, adopter ce mode de vie demande inévitablement un certain budget que tous les ménages ne sont pas capables de débourser.

Un outil éducationnel plus qu’un mode de vie

Le défi “trash in a jar” n’est certainement pas à jeter à la poubelle (on ne voudrait pas polluer…). Au contraire, il invite à établir un changement positif dans sa vie et pour l’environnement. Il peut tout à fait être utilisé comme outil éducationnel, un défi personnel temporaire à se lancer pour définir d’où viennent nos déchets les plus courants et comment les réduire. Il prendrait alors la forme d’une sorte de mémo de la cause pour laquelle on se bat. Le risque, c’est que le pot de déchets devienne à terme une finalité et non plus un moyen vers une finalité.

Avant tout, il est nécessaire de se détacher de l’idée que mener une vie zéro déchet signifie de ne plus jamais produire un seul déchet. Cette mentalité toxique découragerait même les plus engagés et ne peut mener qu’à un sentiment malsain de culpabilité à la première erreur. Vivre zéro déchet, au final, c’est peut-être d’accepter qu’il est illusoire de penser que l’on peut être parfait, mais faire de son mieux néanmoins. Il suffit d’un geste vers un style de vie plus écologique pour commencer. Il en accueillera un deuxième, puis un troisième et ainsi de suite.

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