Célibataire, célibattante, amoureuse au régime sec, pyjama en jachère, vous avez le cœur en quarantaine. Si cela vous convient, mais pas tant que ça, deux expertes vous conseillent pour enjailler vos oreillers. Du moins, la prochaine fois.
« Il y a la réflexion préliminaire : qu’est-ce que ça veut dire être seule, finalement ? Selon le dictionnaire, c’est être séparée des autres. Du point de vue du psy, cela mène directement à la question : qu’est-ce qui nous sépare des autres ? » Aurélie Mahieu a d’abord travail- lé comme juriste, puis elle s’est formée à la médiation familiale, avant de devenir psychothérapeute systémique. « Passer une soirée seule, même si c’est un réveillon, n’est pas un problème en soi. Là où ça peut devenir préoccupant, c’est quand ça se cristallise. Si on n’est pas toujours responsable de ce qui nous arrive, on peut, en revanche, décider de la réaction que l’on veut adopter et commencer par accepter que ce soit difficile. » Autrement dit, ce lit vide, on l’a sans doute drapé ainsi, plus ou moins consciemment. Et si ça se trouve, pour l’instant, ça nous arrange. Les fêtes 2021, vu qu’on va avoir du temps, on les prépare dès aujourd’hui.
1. Il n’y a plus de place sur vos oreillers à cause de vos piles de dossiers
Au moins ce que vous semez pendant vos insomnies, vous savez ce que ça va vous rapporter : non pas des fleurs de soucis, mais du blé. Workaholic épanouie, vous vous adonnez à la jouissance de la comptabilité. Qui ne vous a jamais déçue. Mais dormir la tête sur des fardes, parfois, ça donne mal au crâne.
L’AVIS DE LA PSY : pour Aurélie Mahieu, il faudrait commencer par se demander « quand tout cela a commencé, pourquoi et à quoi on a renoncé pour tout miser sur le boulot. Le surinvestissement mène à un déséquilibre, qui peut se traduire par un manque de liens qualitatifs avec les autres. De liens amoureux, notamment ».
LE CONSEIL : dessiner un camembert. « Quelles sont les parts non occupées par le travail ? Y a-t-il encore une petite place pour le rêve ? Souvent, pour ce qui est de reformer un couple, on veut sans vouloir. Le meilleur moyen de neutraliser ses réticences, c’est d’oser ! Et pour commencer, oser passer un soir de fête en tête-à-tête avec soi-même. »
2. Célibataire car hypocondriaque ? Quand on a peur de la maladie (d’amour ou virale)
Le contexte de ces derniers mois nous a appris que le risque est partout, que l’Autre peut être cause de fièvre (et pas seulement érotique), et que la sécurité avance masquée. Du bon sens sanitaire, mais qui n’arrange pas nos affaires.
L’AVIS DE LA PSY : Charlotte Ledent est Gestalt thérapeute et sexologue. Pour elle, « aujourd’hui plus que jamais, on a conscience que l’immunité est fondamentale. Or, rencontrer l’autre, câliner, sociabiliser, c’est une forme d’immunité, virale, mais aussi sociale. Et c’est le grand paradoxe de notre époque. On souffre de solitude, parce qu’on veut soigner son immunité, alors que ce sont les échanges qui la favorisent. Le piège à éviter ? Croire qu’on est plus safe quand on est seule ».
LE CONSEIL : « Arrêter de n’interagir que sur les réseaux sociaux, et rencontrer de vraies personnes. »
3. Vous êtes seule dans votre lit mais depuis peu
Appelons ça les fantômes des Noëls passés : séparation récente, vous êtes encore en train d’encaisser. On n’a pas encore pris l’habitude de dormir dans la position de l’étoile du sapin, radieuse et bien étalée.
L’AVIS DE LA PSY : Aurélie Mahieu nous soulage de la pression de faire bonne figure. « Faire semblant que tout va bien est énergivore, de même que vivre dans le passé. Il faut parfois en faire moins pour faire mieux... Alors, on s’autorise l’appel à un ami, et on accepte sa vulnérabilité, qui est une richesse énorme, parce qu’elle permet de créer du lien. » C’est toute l’importance de la juste mise à distance : intégrer que c’est la relation qui n’a pas fonctionné, et que se remettre en question ne rime pas avec se juger. Et pour l’année prochaine ? « On a rompu avec l’autre, on ne rompt pas avec soi-même. Il faut remettre cette relation en perspective, y compris ce qu’elle nous a apporté de bon et en quoi elle nous a appris quelque chose de nous-même. » Un cadeau à se faire, même si on a clairement encore du mal à l’emballer.
LE CONSEIL : « On ôte les photos de l’ex qui envahissent la chambre et le salon, et on les classe (dans un tiroir ou une poubelle, si ça nous fait du bien). Symboliquement, c’est l’occasion de faire le point. D’accepter ce qu’on ressent, et si on bute sans arrêt sur la même pierre, il est sans doute temps de se faire aider. La pratique clinique démontre par ailleurs que le nombre élevé de séparations dérive directement des attentes trop lourdes qui pèsent sur le couple. En prendre conscience, ça permet de réajuster. » La distanciation, c’est l’Alka Seltzer de la gueule de bois amoureuse. « Prenons une chaise : elle a quatre pieds, comme on peut avoir des piliers (emploi, couple, passion sportive...). Si l’un des quatre pieds d’une chaise casse, on tombe. C’est pourquoi il en faut au moins cinq ou six. » Utilisez cette soirée pour réfléchir à vos pieds. On se comprend.
4. Seule car il n’y a pas de place symbolique dans votre chambre ? Réaménager votre vie (et votre lit)
Vous avez très joliment décoré votre chambre. Cadres dorés avec photos de vos parents, de vos grands-parents, de vos ex- beaux-parents. Une ravissante table de nuit copie de Napoléon III qui appartenait à votre oncle, et dans l’armoire Art déco de votre mère, les vêtements de vos enfants, qui sont partis à l’université. On peut vite se retrouver à vingt-huit dans une chambre. Un grand nettoyage s’impose : on profite d’être seule pour être enfin... seule.
L’AVIS DE LA PSY : Aurélie Mahieu propose de se poser la question magique à propos de notre passé : « Est-on en train de réfléchir ou de ruminer ? Si on a l’impression d’avancer, c’est qu’on réfléchit et on continue. Sinon, c’est qu’on rumine et on arrête. »
LE CONSEIL : Marie Kondo des cœurs encombrés, Aurélie Mahieu préconise de composer « une boîte à trésors, où l’on range toutes les traces des uns et des autres, et qu’on conserve n’importe où sauf au pied du lit. Sortez de votre chambre tous ceux qui n’ont rien à y faire. Et réfléchissez à qui peut jouer un rôle dans cette solitude dans le lit. Est-on loyale à une sœur célibataire ? Un père qui n’a jamais accepté notre petit ami ? On fait le point, et on trie. Ne pas faire de choix, c’est un choix ». Et ressortez les photos de vous que vous aimez. Un peu de narcissisme ne nuit pas à l’érotisme.
5. Le cercle vicieux des trop vertueux : vous avez tant attendu que vous n’osez plus
Cela semble étonnant à notre époque où tout se consomme avant maturation, mais finalement, pas tant que ça. Charlotte Ledent constate que de nombreuses personnes, plus si jeunes, se préservent jusqu’à ce qu’il soit «trop tard». « On finit par ne plus sortir, ou en groupe pour se protéger, et par devenir inabordable. Le phénomène est de plus en plus répandu chez les jeunes, les femmes notamment.» C’est le romantisme qui a raté le coche, et qui se retrouve tout penaud sur le quai.
L’AVIS DE LA PSY : « Évidemment, cela cache souvent un problème de confiance en soi. L’écueil à éviter ? Croire que personne ne peut comprendre, qu’on va être stigmatisée. On a bien reculé, parfois, il faut se décider à sauter. »
LE CONSEIL : « Comme c’est une question qui tourne autour de la peur, et qui fait boule de neige, il faut lâcher prise. Repartir sur le côté léger de la chose, dédramatiser. » Se rendre compte que, finalement, des draps frais, quand et si on en a envie, ce n’est pas si mal. Et qu’y insuffler des étincelles, ça peut réchauffer vos parts de pizza.
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