Dilemme : comment faire du shopping et prendre un nouveau départ dans la mode sans se ruiner ? Comment gérer ses vêtements de manière durable sans sacrifier son style ? On a testé le programme « 30 Days Sustainable Wardrobe » de B.Right : « Quoi qu’il arrive, je n’achèterai pas de pantalon noir élégant cette saison. »
Rien de tel qu’une garde-robe organisée et le sentiment de savoir quoi mettre chaque matin. Sauf que ces derniers mois, je fais un blocage devant mon dressing. Il est plein à craquer, mais il ne me procure pas d’« étincelles de joie » pour citer Marie Kondo. Depuis un moment, je fais délibérément moins de shopping, tout comme je mange moins de viande et j’opte régulièrement pour des vêtements de seconde main. À bien des égards, ces choix durables me donnent de la satisfaction, mais ils m’ont fait traverser une petite crise vestimentaire. Après #100wears (l’objectif minimum est de 30, je sais, mais j’ai toujours tendance à exagérer), je suis plus que lassée de certains de mes vêtements favoris. Je n’aime plus trop la coupe de mes robes « préférées », alors je n’ai pas envie de les porter. Et quand le noir a-t-il fait ce coup d’État ? Ces dernières années, cette couleur a pris de plus en plus d’importance dans ma garde-robe. Les choses doivent changer en 2021 !
La solution la plus simple serait de prendre ma voiture et d’aller dévaliser le centre commercial le plus proche. Mais il existe peut-être une autre approche, avec moins d’impact sur mon compte bancaire et sur la planète. Bienvenue dans le monde de Bie Noé, la fondatrice de B.Right, une organisation qui défend le « mindful shopping » a.k.a. la mode consciente. Bie a élaboré un plan en quatre étapes pour apprendre à envisager sa garde-robe d’une manière différente, plus créative. Je m’inscris à son programme « 30 Days Sustainable Wardrobe » et je reçois un e-mail quotidien pendant un mois. Chaque semaine, Bie me donne une mission globale qui prend pas mal de temps, ainsi que quelques conseils plus ponctuels dont je fais ce que je veux. Bie : « Je n’impose rien de manière stricte, je raconte une histoire aux participants. Je partage mes connaissances et mon expérience en matière de mode durable, mais chacun emprunte la voie qui lui convient. Le programme est principalement axé sur la sensibilisation. Qu’y a-t-il dans votre garde-robe ? Qu’est-ce qui vous va ? Comment vous sentez-vous dans votre corps ? Quelle image voulez-vous donner ? Si vous êtes capable de répondre à ces quatre questions, vous en savez déjà beaucoup. » OK, let’s go.
Étape 1 : faire un inventaire
Pour tirer le meilleur parti de ma garde-robe actuelle, j’ai besoin de savoir ce que j’ai. Première mission que Brie me confie : faire l’inventaire des (sous-)vêtements de ma garde-robe d’hiver. Combien de pantalons, de jupes, de robes ? Combien de T-shirts, chemises, pulls ? Alors que je remplis mon fichier Excel, un curieux sentiment s’empare de moi. Je sais pertinemment que je n’ai pas une garde-robe minimaliste – elle devrait se limiter à 30 articles par saison, y compris les chaussures. Mais j’ai envie de croire qu’en un coup d’œil dans mon placard, on perçoit que j’essaie de consommer moins depuis cinq ans environ. Maintenant que je vois les piles de vêtements qui s’amoncellent sur mon lit, ma confiance s’effrite. Combien d’articles une garde-robe « normale » contient-elle en réalité ? « Je n’aime pas trop donner un chiffre », répond Bie. « Je ne veux pas que l’inventaire vous procure un sentiment de culpabilité. Les personnes qui expérimentent différents styles font du shopping lorsqu’elles sont déprimées, celles dont le poids fluctue étoffent leur collection de vêtements au fil du temps. Le but de mon programme est que vous réfléchissiez avant tout à ce que vous pouvez faire de cette profusion. » En insistant, je finis quand même par obtenir des chiffres. Bie : « Je ne suis pas surprise quand je tombe sur quelqu’un qui a 25 jeans, 40 robes d’été ou 90 sous-vêtements. »
Le Belge moyen porte à peine 14 % des pièces de sa garde-robe. Je dois donc faire une pile séparée des vêtements que je n’ai jamais portés, ou seulement une fois au cours de l’année écoulée. Bie : « Vous êtes censée vous concentrer sur ce point pendant la première semaine. Quelles tenues portables pouvez-vous composer avec ce que vous avez en stock, mais que vous ne portez pas souvent ? Qu’est-ce qui vous empêche de mettre certaines pièces et comment surmonter cette retenue ? » Je calcule que je porte 60 % de ma garde-robe régulièrement – pas mal. Mais la véritable surprise réside dans la pile non portée.
Première constatation : je dois – sur-le-champ – mettre un terme à ma quête constante de pantalons noirs élégants. Pendant des années, je les ai considérés comme le Graal, la pièce manquante qui compléterait le puzzle de ma garde-robe. Alors que j’en possède sept – oui, oui vous avez bien lu. Deux d’entre eux sont désagréablement étroits. L’un d’eux a une couture défaite, un autre un ourlet flottant, et trois pantalons me vont au niveau des hanches, mais sont trop larges autour de la taille, de sorte qu’ils ne se combinent pas bien avec mes pulls près du corps. Ce dont j’ai besoin, ce n’est donc pas d’un nouveau pantalon, mais d’une ceinture et d’un cardigan plus ample et légèrement plus long. Et quelqu’un dans mon cercle d’amis qui sache coudre. Et alors je me retrouverai – BAM ! – avec cinq pantalons noirs. C’est bien mieux qu’un huitième exemplaire sur la pile des pièces non portées.
Étape 2 : connaître son style
Pendant la deuxième semaine, le défi de base se poursuit : chaque jour, je compose une tenue avec des vêtements que je ne porte presque jamais. En me photographiant dans ces tenues, je crée un lookbook qui m’encourage à réfléchir à mon style personnel. Bie : « Si vous savez quels vêtements correspondent à votre caractère et à votre silhouette, vous détenez la clé de la durabilité. Dès que vous ressentez un lien avec les vêtements que vous possédez, votre désir de nouveauté diminue. Le sentiment d’avoir trouvé son style est quelque chose de génial. Si davantage de gens en prenaient conscience, nous verrions plus de diversité et de beauté dans la rue. » Pendant la durée du programme, on peut partager les photos de sa tenue avec Bie et les autres participants dans un groupe privé sur Facebook. On peut également échanger des souvenirs liés à ses vêtements préférés ou créer un moodboard avec des silhouettes de rêve. Je cherche mes plus beaux looks parmi de vieilles photos. Avant de m’en rendre compte, j’entame un voyage émotionnel et nostalgique. Qu’est-il arrivé à cette veste en (fausse) fourrure brune de mes années d’étudiante, à ce manteau noir cintré avec lequel je me promenais à New York, à cette longue jupe cousue de fil d’or ? Et ce chemisier d’il y a 15 ans : si je le voyais aujourd’hui dans un magasin, je l’achèterais à nouveau. Je me perds dans des albums analogiques et des dossiers de photos numériques, et je remarque que mon style est le même depuis des années, que je porte des vêtements depuis longtemps et que j’en garde de bons souvenirs. Comme j’achète moins, je choisis des pièces plus neutres pour lesquelles je n’éprouve pas toujours de coup de foudre. Dommage. Je dois changer de technique.
Deuxième constatation : pour Hanne (36 ans), une autre participante au programme, la deuxième étape est également une révélation. Les photos des tenues qu’elle partage dans le groupe Facebook deviennent chaque jour plus étonnantes : « Je sors d’une période sombre. Mes grossesses ne se sont pas super bien déroulées. J’étais triste, et j’ai vu mes hormones et mon poids connaître des fluctuations importantes. Je me suis cachée derrière des vêtements ennuyeux et discrets. Alors qu’adolescente et dans la vingtaine, j’avais un style plutôt audacieux. En portant des vêtements de l’époque – que j’avais relégués au fond de mon placard –, l’ancienne Hanne semble se réveiller. Cela ne me rendra pas mon ventre plat, mais ça booste ma créativité et ma confiance. »
Étape 3 : faire preuve d’autocompassion
Le mot est lâché : la confiance en soi. Moins vous en avez, plus il vous faut de vêtements pour combler ce manque. Bie : « Nous vivons dans un système pervers. Les médias nous bombardent d’images idéales irréalisables. Ils nourrissent la vision négative que nous avons de nous-même et nous incitent à acheter rapidement quelque chose de beau. Après un achat impulsif, nous connaissons une brève montée d’adrénaline. Jusqu’à ce que la prochaine publicité parfaite nous pousse à nouveau dans le creux de la vague et que le cycle recommence. » Bien sûr, cette attitude est incompatible avec la notion de durabilité. La plupart des Occidentaux (et certainement les acheteurs émotionnels) n’ont pas tellement besoin de plus de vêtements, il leur faut surtout davantage de body positivisme.
Hanne le reconnaît : « Dans mes périodes les plus sombres, je n’avais pas l’énergie nécessaire pour chercher une tenue flatteuse dans ma garde-robe surchargée. Je préférais commander rapidement quelque chose de nouveau en ligne. J’étais prête à tout pour éviter de me confronter à mon image dans le miroir. » J’ai également l’impression, pendant le programme des 30 jours, que la façon dont je me perçois dans une glace influence mon état d’esprit. Si j’ai trouvé un nouvel élan en parcourant les photos de mes plus beaux looks, j’en ai marre après dix jours de faire des selfies dans une tenue j’y-suis-presque-mais-pas-encore. Dans la plupart des cas, une pièce atterrit sur la pile des vêtements non portés pour une bonne raison. La coupe laisse à désirer, et ce n’est pas un joli foulard ou une belle paire de chaussures qui pourra y remédier. Je ne veux pas essayer de combiner des robes un peu trop courtes ou trop moulantes. Je veux juste m’en débarrasser ! « Pas de problème », dit Bie en riant. « Emmenez-les à la friperie ! Une garde-robe durable n’est pas statique. Donnez une seconde vie aux pièces que vous ne voulez plus porter. Et remplacez-les par des vêtements dont vous avez besoin ou qui vous rendent vraiment heureuse. »
Envie d’en savoir plus ? Vous avez du mal à vous regarder avec bienveillance ? Les livres de Kristin Neff au Éditions Belfond peuvent vous aider à vous aimer. Hanne : « Je suis devenue sélective sur Instagram. Je veille à m’entourer d’images réalistes. J’ai donc arrêté de suivre un certain nombre d’influenceurs-fitness et je les ai remplacés par des hashtags comme #bodypositivity, #sustainablefashion et #sustainabilityagainstshame. »
Étape 4 : faire du shopping responsable
Vers la fin du programme, je commence à voir les trous dans ma garde-robe – les nouvelles pièces qui pourraient m’être utiles. « Dorénavant, l’enjeu consistera à les trouver de manière responsable », surenchérit Bie. « J’aime me référer au modèle de la pyramide des besoins de Sarah Lazarovic. Lorsque vous avez terminé les achats pour votre propre dressing, vous pouvez emprunter ou échanger des vêtements. Procurez-vous des pièces d’occasion ou fabriquez vous-même un vêtement, par exemple en transformant une longue robe que vous ne portez jamais en petit haut. La dernière option consiste à acheter une nouvelle pièce, de préférence d’une marque durable. Saviez-vous que chaque seconde, quelque part dans le monde, l’équivalent d’un camion plein de vêtements est brûlé ou enterré ? C’est pourquoi je veux toujours envisager d’abord ce que nous pouvons faire avec les vêtements existants. » Pour Hanne, c’était la solution : « J’ai apporté une quinzaine de mes belles pièces non portées à une couturière. Les jeans sont devenus des shorts, les robes longues des modèles courts et j’ai fait reprendre les pulls amples. Ça m’a coûté 300 euros, une somme tout à fait modique pour une nouvelle garde-robe. »
Conclusion : de mon côté, j’ai fait ajuster deux pantalons et une robe par une voisine. Tout en écrivant ces lignes, j’ai parlé des vêtements durables à ma mère et à une amie, et il s’est avéré qu’elles avaient respectivement une jupe crayon noire et une jolie maille qui criaient « Donne-nous à Barbara ». J’ai offert trois robes et deux pantalons trop petits à une nièce, et j’en ai apporté cinq autres dans une friperie. Ensuite, je suis allée faire du shopping, et je n’ai pas acheté de pantalon noir. Étonnamment, mon choix s’est porté sur deux longues jupes et trois cols roulés dans une autre couleur que le noir. Je ne traîne plus devant mon dressing le matin. J’ai acheté cinq nouveaux articles cette saison, mais j’ai découvert – sans exagérer – vingt nouvelles combinaisons. Alors, mission accomplie ?
À vous de jouer !
– Inscrivez-vous à la prochaine édition du programme « 30 Days Sustainable Wardrobe » qui démarre le 30 janvier. Prix : 75 euros, mais les lectrices de ELLE Belgique ne paieront que 60 euros grâce au code « Elle ».
Dans son recueil d’essais « The Thoughtful Dresser » (Scribner Book Company), l’auteure Linda Grant clame son amour des vêtements d’une manière contagieuse. « Après avoir lu “Talking Dress” (Éditions Altamira ; « This Is A Good Guide », Bis Publishers) de Marieke Eyskoot, j’ai commencé à travailler sur la mode durable », raconte Bie Noé de B.Right. Elle organise des promenades et des ateliers autour de la slow fashion, ainsi que des séances d’inspiration pour des groupes d’amis et des entreprises dans toute la Belgique.
– Un million de Belges utilisent déjà l’application Vinted pour acheter, vendre ou échanger des vêtements. Les dix magasins de thinktwice-secondhand.be proposent une belle sélection. Consultez également le calendrier d’échanges de vêtements de swishing.be ou les ateliers couture de hetateliervanevav.be. Sur cosh.eco, vous pouvez découvrir les marques et les magasins belges de mode durable dans votre région.
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