Anissa Kermiche est une créatrice aux talents multiples. Bijoux sculpturaux ou encore objets de décoration au design ultra-féminin, elle a déjà conquis les réseaux sociaux et a encore bien d'autres projets en tête. Rencontre.
Pouvez-vous me parler de vous, de votre histoire et votre vie professionnelle avant la création de votre marque ?
Même si j’ai toujours été très créative, pour moi, créer et gagner sa vie n'étaient pas compatibles. Comme beaucoup d'autres personnes, j'ai corrélé le travail à une sorte de souffrance mais jamais à un plaisir. Comme j'étais forte en maths et en géométrie, j'ai fini par faire plaisir à ma mère et j’ai donc fait une école d’ingénieur pour finalement exercer un métier qui ne me plaisait pas. J’étais entourée de 80 ingénieurs masculins programmant des codes pour améliorer la vitesse d'une transaction. L'enfer sur terre pour moi. J'avais l'impression de devoir cacher mon excentricité pour m'intégrer dans une industrie qui ne regardait que les performances et considérait que le style et le design étaient inutiles. J’ai attendu que la souffrance devienne insupportable et j’ai démissionné. Le changement n'est pas arrivé par magie. Quand je suis partie, j'ai économisé de l'argent pour ma nouvelle vie. Je suis partie à Londres et j’ai étudié la création de bijoux puis l’impression et le design 3D. Après avoir obtenu mon diplôme à l'âge de 30 ans, j'ai lancé ma marque il y a 5 ans maintenant.
Pourquoi avoir créé une marque de bijoux et d’objets design ?
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours imaginé et dessiné des bijoux. Ma mère avait une boîte avec des colliers de perles et toutes sortes de chaînes ce qui nourrissait mon imagination. Pendant les vacances, je faisais moi-même des bagues de perles et des bracelets d'amitié. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi mais si vous me laissez devant un morceau de papier ma main dessinera soit des bijoux soit des objets comme des lampes ou des meubles. Mais au début, je ne créais que des bijoux, ce n’est qu’en 2018 que j’ai commencé à faire des objets design.
Pourquoi avoir décidé de faire aussi des objets de décoration, et non pas que des bijoux ?
Je devais lancer ma ligne d’objets en céramique en même temps que ma ligne de bijoux. Mais j'avais beaucoup plus de difficultés à trouver une usine de confiance pour m'accompagner sérieusement. Par exemple, la pièce “Le Derrière” a été conçue à l'origine pour être un collier, puis c’est devenu un objet déco quelques années plus tard. Le design a ouvert une toute nouvelle cible de clients, ce qui a également attiré encore plus d'attention sur les bijoux. Au départ, la marque était surtout adorée des fashionistas, puis les célibataires dans la trentaine s'y sont intéressés, et les couples achetant un objet ensemble…
Est-ce que vous créez vos bijoux et vos articles design de la même façon ?
D’une certaine manière, ils ont tous été imaginés pour être remarqués. Je ne me suis pas lancée sur le marché pour faire quelque chose de déjà vu. Mes créations devaient être audacieuses, stimulantes, amusantes et, je l'espère, différentes. La courbe est vraiment importante pour moi. Je travaille avec des perles car c'est le bijou le plus courbé et pour moi le plus beau. C’est une sphère qui peut être adaptée dans n'importe quel design. J'adore jouer avec des volumes que ce soit pour les bijoux ou les objets. En terme de business, j'ai l'impression de diriger 2 structures différentes. De la conception à l'organisation, ce sont 2 entités complètement différentes avec des rythmes spécifiques.
Y’a t’il un message que vous souhaitez faire passer à travers vos objets design ?
En tant que designer, je vois chaque petit détail. Cela s'applique à la façon dont je regarde le corps et les femmes en général. Il m'a fallu un peu de temps et de maturité pour trouver de la beauté dans des choses moins attendues. La plupart d'entre nous vivons selon ce commandement inconscient qu'il y a toujours quelque chose à améliorer. Cela vient de notre société et notre éducation qui nous ont forgé cette mentalité. Je suis convaincue que les choses changeront avec le temps, en s’éduquant, et en déprogrammant certaines croyances sur la beauté standard. J’essaye de contribuer à ce changement, que ce soit dans mes sculptures ou dans le casting de mes modèles pour chaque campagne.
Comment expliquez-vous le succès viral de vos vases sur les réseaux sociaux ?
Les influenceuses, qui devaient à l’époque être parfaites dans la rue, doivent aussi maintenant l’être dans leur intérieur avec Instagram. Le confinement a aussi beaucoup aidé, car nous étions tous soudainement pris au piège dans des maisons que nous oublions souvent d'apprécier ou de regarder. Alors les gens ont voulu se sentir bien chez-eux et améliorer leur intérieur en apportant un peu de joie dans leur décoration. La popularité des vases peut aussi venir du fait qu’ils nous ressemblent. Je passe des mois voir des années à les développer. Je suis pointilleuse en ce qui concerne les proportions et les dimensions. La forme doit être impeccable. Choisir les couleurs et les textures est également très important surtout avec une aussi bonne équipe que la mienne. Nous pouvons avoir 50 nuances de rose différentes sur une table et nous choisirons les deux mêmes sans se consulter.
Quels sont vos projets futurs pour votre marque ?
Nous travaillons actuellement sur une ligne de vaisselle qui sortira à l'automne prochain. J'envisage également la conception de meubles mais trouver des matériaux et une nouvelle unité de production pendant cette période de pandémie est vraiment un défi. J'espère que cela prendra forme en 2022 ou même cette année si on a de la chance. Tant de croquis attendent encore de prendre vie.
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