On entend de plus en plus parler d'hypersensibilité en ce moment, au point d'avoir sa Journée tous les 13 janvier. Ce trait de caractère intéresse aujourd'hui autant le public que les chercheurs et psychologues, créant un réel attrait pour le sujet. Un intérêt bien normal puisque 20 à 30% de la population serait hypersensible, pourtant cette particularité reste encore largement méconnue.
Pour comprendre de quoi il s'agit exactement, nous avons interviewé une de ses plus fameuses représentantes, Elaine Aron. La psychologue et chercheuse en psychologie américaine est reconnue comme l'une des spécialistes de l'hypersensibilité. Elle est notamment l'auteure de Ces gens qui ont peur d’avoir peur : mieux comprendre l’hypersensibilité (2013) et a mis au point un test d'auto-évaluation disponible en anglais pour identifier un caractère hypersensible.
Comment savoir si je suis hypersensible ?
Cela fait plus de 25 ans qu’Elaine Aron s’est penchée sur la question. À partir d’entretiens avec des individus hypersensibles et les nombreuses études qu’elle a réalisées, elle a dressé un portrait des caractéristiques récurrentes des hypersensibles. Son test en anglais composé de 27 questions implique notamment les traits suivants : forte sensibilité sensorielle (lumière, odeurs, bruits,...), conscience exacerbée de l'autre, de son état d'esprit et de ses humeurs, puissante réaction aux stimulis extérieurs ou encore une vie intérieure très riche et complexe.
« Ce qui caractérise les hypersensibles, c’est qu’ils réfléchissent plus profondément aux choses. Ils préfèrent les conversations profondes aux small talks. Dans leurs prises de décisions aussi, ils analysent tout très profondément avant d’agir. Ils se questionnent continuellement sur le sens de la vie, et ont un besoin impératif de trouver du sens dans ce qu’ils font, surtout dans leur travail. C’est l’une des caractéristiques les plus importantes, mais aussi les plus difficiles à observer. Les gens ne le remarquent pas à moins de bien vous connaître », explique Elaine Aron.
« Un autre trait distinctif est leur capacité à être extrêmement stimulés par tout ce qui les entoure. C’est un problème, car ils traitent beaucoup d’informations à la fois et se sentent donc très vite épuisés, avec parfois le besoin de se retirer seuls », explique-t-elle. « Ils montrent plus d’empathie que quiconque, ils ont une véritable réponse émotionnelle face aux individus ou aux événements et sont très clairvoyants pour capter les atmosphères. Ils sont également très sensibles aux stimulis externes, jusqu'à ressentir les signes de la nature ou le rythme des saisons »
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Sommes-nous nombreux à être concernés par l’hypersensibilité ?
L'hypersensibilité touche environ 20 à 30 % de la population, et concerne autant les hommes que les femmes. « La société pense encore souvent - à tord - que la sensibilité est un trait propre aux femmes, mais non. Les femmes peuvent avoir des garçons sensibles, un mari sensible, un ami sensible,… Il faut comprendre cette réalité et ne surtout pas penser que cela est propre au féminin. »
Pourquoi est-ce que l’hypersensibilité est souvent associée à quelque chose de péjoratif, à un certain mal-être ?
« Car cette acuité vis-à-vis de leur environnement rend les hypersensibles très réactifs à ce qui les entoure, dans le bon comme dans le mauvais. Leurs émotions sont décuplées dans le positif comme dans le négatif », déclare la psychologue. Selon elle, nous aurions donc tord de penser que l’hypersensibilité est un défaut. Au contraire, les hypersensibles sont d’autant plus touchés par les événements positifs et les ressentent avec plus d’intensité que quiconque. Ils réussiront mieux que personnes à tirer profit des événements avantageux et à s’améliorer et s’épanouir grâce à leur forte réceptivité.
"Il faut réussir à se concentrer sur les aspects positifs de l’hypersensibilité, les fortes réactions positives peuvent être magnifiques !"
« Il faut accepter que, lorsque l'on est hypersensible, les choses semblent parfois plus difficiles. Cela peut souvent sembler frustrant de ne pas réussir à suivre les autres, notamment à cause des réactions aux constantes stimulations qui peuvent devenir éprouvantes. C’est comme ne pas réussir à suivre ses amis jusqu'au bout de la nuit durant une fête, alors qu’eux tiennent la distance. Mais il faut aussi réussir à se concentrer sur les aspects positifs de l’hypersensibilité, les fortes réactions positives peuvent être magnifiques ! »
Comment mieux vivre son hypersensibilité ?
« Le yoga, la médiation ou encore la thérapie sont autant de moyens de réguler ses émotions, même lire sur le sujet peut aider à mieux comprendre et cerner sa sensibilité particulière », propose-t-elle. « Mais ce n’est pas pour autant que l'on s’en débarrasse, et on ne devrait pas vouloir s’en débarrasser », insiste la psychologue.
Elaine Aron propose également trois pistes de solution pour ceux qui ressentent un vrai besoin d’amélioration dans leur vie :
1. Adapter son style de vie. Il s’agit ici de prendre assez de temps pour soi, de se reposer suffisamment et de se prévoir assez de temps de pauses au quotidien. « Il ne faut pas essayer de vivre à tout prix comme les autres, mais plutôt de trouver ce qui fonctionne pour vous », estime-t-elle.
2. Réaliser que votre hypersensibilité est réelle et fait partie de vous.
3. Faire une introspection dans son passé, afin de mieux comprendre ses choix et ses comportements au quotidien. « Il est important de comprendre comment le passé a pu influencer vos comportements actuels et pourquoi vous vous sentez ainsi aujourd’hui ».
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Du coup, diriez-vous que l’hypersensibilité est le résultat de nos expériences de vie ou quelque chose d’inné ?
« C’est définitivement inné », affirme Elaine. « Cependant, durant l’enfance, certains parents, professeurs ou des personnes de l’entourage proche ne comprennent pas l’hypersensibilité et donc la rejettent ou l’ignorent. Replonger dans le passé peut nous aider à comprendre que nous n’étions pas un « pleurnichard » mais tout simplement quelqu’un d’hypersensible ».
"L'hypersensibilité est quelque chose d'inné"
Selon elle, l’hypersensibilité reste très mal perçue et méconnue au sein de nombreuses cultures, ce qui amène beaucoup d'individus à la dénigrer ou à s’en moquer à tord. Ce comportement entraîne l'enfant hypersensible à se construire un ensemble de protections psychologiques afin de "se blinder". Des mécanismes d'adaptation qui peuvent ensuite générer des difficultés relationnelles ainsi que de la souffrance et de la frustration.
Beaucoup de psychologues parlent d’ « effet de mode » pour parler de l’hypersensibilité ? Que répondez-vous à cela ?
« Quand les gens ne comprennent pas quelque chose, particulièrement lorsque c’est quelque chose de nouveau, ils ont tendance à l’écarter ou à le dénigrer. La vérité, c’est que beaucoup de professionnels s’y connaissent encore trop peu sur le sujet. Ils résument la situation en considérant qu’une partie de la population est simplement plus sensible que les autres », affirme-t-elle.
« Parler de choses qui ont toujours été là et les résumer à de la timidité ou de l’introversion, c’est passer à côté du phénomène. Il faut aujourd’hui que l’on comprenne de quoi on parle lorsqu'on utilise le terme « hypersensibilité ». Beaucoup de psychologues disent de leurs patients qu’ils sont sensibles, mais lorsqu’il s’agit de l’étudier scientifiquement c’est une toute autre histoire ».
Y a-t-il différentes formes d’hypersensibilité ?
« Non pas vraiment. Mais globalement il n'y a pas de profils homogènes chez tous les hypersensibles. Des personnes très extraverties peuvent être hypersensibles. Les gens peuvent avoir d’autres traits que ceux généralement associés à l'hypersensibilité, même si le test résume bien les qualités d’une personne hypersensible. »
"Résumer l'hypersensibilité à de la timidité ou de l’introversion, c’est complètement passer à côté du phénomène.
Comment avez-vous su que vous étiez hypersensible ?
« Il y a 25 ans, peut-être même plus longtemps que ça ! (rire). Je suis allée voir un psychologue pour qu’il règle mon problème, quel qu’il soit. Après quelques séances, il m’a dit qu’il pensait qu’il n’y avait pas de problèmes, juste une haute sensibilité. J’ai alors fait quelques recherches de mon côté, parce que j’étais psychologue et que personne ne m’avait parlé de ça auparavant. Beaucoup de psychologues utilisaient ce terme sans l'avoir réellement défini. Je me suis donc mise en quête d’interroger des individus qui pensaient être hypersensibles, et c’est là que j’ai compris que je possédais ce trait moi aussi. Avant, je pensais simplement être introvertie. Les journaux locaux ont pris connaissance de mes travaux. Les gens ont commencé à me contacter et à faire la file pour me parler de leur hypersensibilité. Je me suis alors dit qu'il fallait que j'écrive un livre. »
Quand est-il nécessaire de consulter un psychologue ?
« C’est une excellente question ! Si l’on ressent de la dépression ou de l’incompréhension, ce sont les signes qu’il vaut mieux aller voir quelqu’un. Le hic, c’est de trouver un psychologue qui comprend l’hypersensibilité. Certains n’y croient pas. Pourtant, les études du cerveau montrent aujourd’hui une claire différence entre les personnes hypersensibles et celles qui ne le sont pas. Cela apparaît dans l’activité du cerveau. Lorsque l'on réalise des imageries cérébrales, c'est là, » affirme-t-elle.
« J’ai dit plus tôt qu’il était parfois important de retourner dans le passé pour comprendre ses traumas enfouis si vous sentez qu'ils vous affectent encore aujourd’hui. Voir un psychologue peut être une bonne façon de réaliser ce travail-là pour en guérir. Pour ceux qui se posent des questions, fréquenter des personnes hypersensibles peut aussi être une façon de comprendre que l’on n'est pas tout seul, et ne plus penser que quelque chose ne va pas chez soi. Finalement, le but n’est pas de se demander s’il est mieux ou moins bien d’être hypersensible, mais comprendre que les individus sont différents. N'est pas ça, d'ailleurs, la beauté de ce monde ? »
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