Que faire quand le sexe pénétratif fait mal et que les douleurs sexuelles s’installent ?
En matière de difficultés sexuelles, la Science abonde quantitativement en faveur des pénis, plutôt que des vulves et des vagins. Un chiffre effarant souligne d’ailleurs ce fossé dans la recherche : 446 études cliniques pour les douleurs sexuelles féminines contre 1954 pour les troubles érectiles. Ces chiffres ont été établis en 2018 par le magazine britannique THE WEEK qui a recensé les publications médicales dans l’outil mondialement reconnu PUBMED.
Interpellant ! Non ? Les douleurs génitales peuvent concerner plusieurs zones anatomiques et peuvent être passagères – car situationnelles – ou elles peuvent s’installer durablement.
Elles sont définies cliniquement par l’organe qu’elles touchent : on parle ainsi de vulvodynie pour toutes les douleurs qui se concentrent au niveau de la vulve, de vestibulodynie pour les douleurs liées à l’entrée du vagin, point de jonction entre la vulve et le canal vaginal et de vaginisme lorsque la pénétration est impossible voire compliquée et enfin, de dyspareunie lorsque la pénétration reste possible mais que celle-ci est douloureuse.
Une autre statistique effarante a été établie par la très éminente Société des Gynécologues Américain.es qui estime que 75% des personnes dotées d’un vagin ont été confrontées à ce que le DSM (Manuel diagnostic de référence en psychiatrie) a baptisé à juste titre les troubles liés à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration. L’importance de ce chiffre est également corroborée par l’hétérogénéité des âges dans l’échantillon. En effet, ces difficultés et ces douleurs semblent parcourir toutes les tranches d’âge et se manifester à différents moments de la vie de toute personne dotée d’un vagin. Et si l’on devait trouver un socle commun à cet inconfort sexuel, il faut impérativement reconnaître le rôle joué par les muscles du plancher pelvien dont le relâchement est déterminant dans le traitement de la douleur.
La méconnaissance de son intimité est l’une des causes principales des difficultés liées à la pénétration.
On a posé quelques questions à une spécialiste du périnée : Kathleen Bricman, kinésithérapeute spécialisée en périnéologie qui exerce à Namur pour démystifier le traitement de ces douleurs sexuelles. Selon elle, les motifs de consultation sont fréquemment associés à du vaginisme. En effet, bon nombre de ses patientes ne consultent que lorsqu’elles sont dans l’impasse et que la pénétration devient impossible. Elle rapporte ainsi que, le premier palier dans leur traitement est la reconnaissance de leur pathologie en la nommant ; c’est souvent une énorme étape de franchie.
Ensuite, avant tout travail musculaire, elle présente souvent des modèles en 3D de l’anatomie de la zone génitale et des muscles du plancher pelvien, afin de comprendre le fonctionnement des faisceaux musculaires qui entourent le canal vaginal. Elle dit ainsi – à très juste titre – que la méconnaissance de son intimité est l’une des causes principales des difficultés liées à la pénétration.
Kathleen est convaincue que le succès des traitements repose sur une approche pluridisciplinaire impliquant plusieurs professionnel.les de la santé dans la démarche. Ainsi, c’est de concert avec des sexologues, gynécologues, psychothérapeutes, etc. que Kathleen aide ses patientes à reprendre le contrôle sur leur corps. Il faut savoir également que les consultations pour vaginisme chez une périnéologue prouvent également que toutes les tranches d’âge sont concernées et que les femmes sont confrontées aux douleurs sexuelles à différentes étapes de leurs vies.
Quant aux causes provoquant des situations vaginiques, Kathleen a mis en tête les victimes d’agressions sexuelles, les situations d’hypertonicité périnéale, souvent induite par un stress traumatique en post-partum ou à un début douloureux dans rapports sexuels et enfin, les personnes souffrant d’atrophie vulvo-vaginale, liée soit à la sécheresse vaginale causée par la ménopause ou les traitements de radio et de chimiothérapie. Sa réponse dans l’accompagnement est de toujours rassurer quant aux injonctions en matière de plaisir en rappelant que la pénétration n’est pas la seule manière de procurer de la satisfaction sexuelle aux 2 partenaires et que le sexe non-pénétratif a un rôle tout aussi prépondérant si ce n’est plus important dans la volupté.
La douleur sexuelle ne devrait jamais être tolérée !
De manière pratique, l’essentiel de la thérapie consiste donc à travailler sur la proprioception ou mémoire musculaire du corps pour apprendre la sensation de relâchement musculaire favorable à l’avancée dans la pénétration. Travailler et répéter via des exercices avec des dilatateurs – aux formes progressives et anatomiquement correctes – est, selon elle, souvent le meilleur moyen de regagner un contrôle sur ses sensations et libérer tout spasme musculaire involontaire freinant la pénétration.
Parmi les causes moins communes évoquées, elle insiste qu’en dehors des victimes d’abus sexuels, encore trop de personnes acceptent la douleur et forcent leur corps à accepter la pénétration, sans qu’il y ait problématique de consentement. Malheureusement, la vision socialement admise d’un rapport hétérosexuel est encore trop centrée sur la pénétration comme un absolu. En témoigne, l’étymologie même du mot préliminaires qui hiérarchise toute pratique sexuelle non-pénétrative, bien en-deçà du coït. Il est d’ailleurs insidieusement reconnu qu’un rapport modérément douloureux est acceptable comme un effort vers un apprentissage de la pénétration.
Comme si l’adage l’adage sportif “No Pain, No Gain !” s’appliquait à la sexualité – à savoir pas de résultats sans douleur (comprendre efforts) – et semblait s’être installé dans l’inconscient collectif, or la douleur sexuelle ne devrait jamais être tolérée !
Il faut aussi noter que le vaginisme n’est qu’un aspect de ces douleurs sexuelles et que la dyspareunie, à savoir les douleurs ressenties lors d’une pénétration, est une forme encore plus courante. En outre, certaines pathologies peuvent affecter le confort intime, c’est notamment le cas des lésions liées à l’endométriose, l’adénomyose, le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques) qui provoqueraient des douleurs très aiguës, à différents stades de la pénétration, voire dans certaines positions.
Dans un contexte plus pratique, il n’est jamais inutile de rappeler Ô combien la stimulation externe du clitoris contribue fortement à enrichir la physiologie du plaisir et peut rendre la pénétration très agréable par une stimulation interne des piliers et bulbes du clitoris. Des jouets vibrants de petite taille avec une courbure anatomique peuvent aider grandement à explorer le “continent clitoridien” du sommet aux racines. Le recours au lubrifiant ne devrait jamais être source de honte ou de gêne et que l’excitation ne se mesure pas à l’abondance des sécrétions. Veillez à le choisir de très bonne qualité pour ne pas engendrer d’effet-domino sur votre plaisir sexuel.
Une femme ayant souffert de douleurs à la pénétration a inventé des outils très ludiques et très confortables inspirés d’un Donut baptisés OhNut. Ceux-ci permettent de limiter la profondeur de la pénétration et agissent comme une zone tampon très sensuelle entre vous et votre partenaire à pénis. Ils se glissent, par ailleurs, à la base de la verge et peuvent s’empiler, sans jamais vous gêner dans vos ébats.
Enfin, le confort sexuel est encore trop souvent une charge mentale dans le chef des femmes or s’il concerne physiquement la partenaire, il devrait incomber tout autant au partenaire masculin. Celui-ci devrait s’en soucier et y être empathique en s’informant à travers l’éducation sexuelle ou dans la recherche de pistes alternatives quand le sexe (pénétratif) fait mal.
Adnane Kabaj est le fondateur de la boutique Lovely Sins, co-fondateur d’IntyEssentials, conférencier et “sex educator”.
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