La période écoulée, inédite dans nos dressings contemporains, a mis une grande claque à nos ambitions vestimentaires. Des réunions en effets spéciaux – pimpée en haut, pyjama en bas – aux retrouvailles en effets spécieux, la mode (nous) a bien calculé.
Les six looks de la mode post-confinement
Les claquettes de piscine + les chaussettes
En 2020, sur de nombreux sites de vente en ligne, les pantoufles ont représenté les meilleures ventes de la section « chaussures », et les ventes de chaussettes ont doublé. Autant dire que pour se remettre aux souliers de cuir et aux talons de 12 pour autre chose que pour un post Insta, c’est pas gagné. On peut investir ce parti pris post-campeur d’un snobisme d’initié, tellement ancré dans la modernité que plus rien ne lui fait peur aux pieds. Mais il va falloir s’adapter aux contingences de son métier, et à la météo, parfois lâche avec les slashs.
On divise. La systématisation du modèle. Autrement dit, la chaussette qui tire-bouchonne dans la claquette, c’est marrant une fois avec un pantalon de soie, mais on n’oublie pas qu’une chaussure, c’est aussi fait pour soigner une allure. On se plante devant un miroir en slash, on prend la pause, et on tire les conclusions qui s’imposent.
Le hoodie + la brassière
On veut du mou. On ne supporte plus la contrainte. Ça vaut pour nos modes de vie comme pour la mode tout court. L’année passée a vu émerger un principe de tensions inversées : moins on avait de marge de manœuvre pour se déplacer et se rencontrer, plus on a eu de confort décomplexé dans le canapé. Les baleines du soutien-gorge sont devenues insupportables, et on ne sait plus boutonner une chemise.
On applique la règle de 3. Du confort multiplié par de la désinvolture, mais on n’en garde qu’un pour cent. Le hoodie à toutes les sauces (du moment qu’il n’y en a pas dessus) c’est OK, brandé ou bradé comme vous voulez, mais sortez impérativement bien peignée, et accessoirisée. Puis vous verrez : après un an de bralette (il ne manque pas une lettre), vous exulterez de sensualité en renfilant un peu de dentelle.
Le DIY + Tie & Dye
L’envie de mettre les mains dans le cambouis et dans la machine à laver, combinée à la décharge de dopamine générée par la fierté du recyclage accompli, pour beaucoup supérieure au kick de l’achat compulsif, a mené à une vague tachetée de vêtements teints maison. Disposant d’une marge de temps inespéré, chacune a retrouvé la joie du « fait par moi ». Les faits : en 2020, le chanteur Harry Styles a porté sur scène un gilet patchwork bariolé signé JW Anderson pour Loewe que Pierre et Thérèse du « Père Noël… » n’auraient pas renié. L’effet « tricot-boulot-bobo » étant passé par nos agendas désœuvrés, TikTok s’en est emparé, et cette pièce semblant tirée de « Sesame Street » est devenue un hit. Le patron du cardigan a été plus téléchargé que les recettes de pain sans gluten. Vous aussi, vous vous êtes sans doute mise au crochet, à la broderie ou aux pompons. On ne vous jette pas la pierre, Pierre.
On additionne. Les pièces chinées, upcyclées et réinterprétées, pour se composer une identité particulière. Le concept n’est certes pas nouveau, mais c’est un renouveau.
La robe super ample + les sandales de randonnée
Elle a fait un carton au cours de l’année écoulée et revient, déterminée à enfoncer le clou du flou. Son secret ? Elle va à tout le monde, elle exulte en photo, et on a toujours l’air habillée, avec le ressenti d’une chemise de nuit. Idéalement, on devrait la porter pieds nus. C’est là qu’intervient la difficulté : comment décaler une robe hippie sans finir en sandales d’agritourisme ou en espadrilles premier degré ?
On fractionne. Plus personne n’a envie de diktats. Les codes de la mode ont basculé, la sociologie du tailleur a évolué. On va bien se garder de juger la robe longue aux ampleurs réconfortantes portée avec des sabots, des bottes à frange ou des baskets à plateaux. Les chaussures, c’est ce qui nous ancre à la Terre, choisissez celles qui vous font sens. Mais ôtez-les pour vous affaler sur le nouveau canapé blanc.
Le pantalon élastiqué à la taille + le blaser
On a tellement chillé, vécu, dormi, binge-Netflixé, et même travaillé en bas de jogging, « tracksuit » pour le dire sophistiqué, que la perspective d’une taille serrée ou d’un jean sans 80 % d’élasthanne nous est devenue gênante, parce que trop gainante. La combinaison gagnante ? Le pantalon à pinces élastiqué, porté avec une veste déboutonnée. Après un hiver passé enroulée dans des couvertures de polaires publicitaires, c’est le max de néo-tailleur qu’on est prête à concéder.
On soustrait. Va pour le pantalon en molleton ample et structuré, ultra-long ou resserré aux chevilles. Mais le sweat assorti, on le remise pour l’intime, hors Teams.
Tenue de grand soir pour aller à la boulangerie + aucun remord
C’est le revers clinquant de la médaille en jersey, le sursaut de vitalité de nos ego trop longtemps emmitouflés. « Le glamour, comme un boomerang, me revient des jours passés » : on lâche tout, on se recouvre de sequins de la tête aux pieds pour acheter son pain à l’aube, à dix heures du matin. On a craqué, on enfile tous nos achats refoulés et nos clinquants frustrés de l’année passée. On assume les mélanges extravagants comme si plus aucune ostentation ne pouvait être jugée parce qu’en un sens, c’est vrai.
On fusionne. Toutes les combinaisons de robes fendues en lamé sur pantalon, de bustiers brodés sur chemise de garçon, de cols roulés sous fourreau en cuir, tout ce qu’on n’aurait jamais osé, on se l’offre chaque soirée. Comme une gamine de primaire le jour de la fancy-fair : cet été, c’est juré, on aura le moral dans les paillettes.