« Le dernier accessoire dont on a besoin pour l’été ? » On se pose peut-être la mauvaise question. Et si la vraie pièce maîtresse de la saison, c’était la sagesse ? Comment concrètement se simplifier la vie ?
Dans son dernier livre, « Elegant Simplicity », Satish Kumar, promoteur indien de la simplicité volontaire, éditeur, activiste écologiste et pacifiste, ancien moine jaïn installé à Londres, propose de se délester du consumérisme pour gagner en sérénité et atteindre une « sobriété heureuse ». Si l’ouvrage de ce penseur né au Rajasthan en 1936 pose certes d’intéressantes questions, il y apporte des réponses plutôt radicales. Mais puisque le printemps draine avec lui l’envie de ranger ses placards et sa mémoire, on vous laisse faire le tri entre bonnes résolutions et éventuelle petite révolution.
1. Pourquoi se complique-t-on la vie ?
Le sage cite Ernst Friedrich Schumacher, éminent économiste : « N’importe quel idiot peut compliquer les choses. Il faut un génie pour les rendre simples. » C’est ce que les meilleurs créatifs de toutes disciplines répètent à longueur de collections de mode épurées, d’architectures brutalistes, de haïkus inspirés.
Si on en croit Satish Kumar, la réponse ne tient qu’à un peu de recul : « Ma vie est souvent compliquée parce que je la complique (…) Comment vais-je simplifier mes relations et mes émotions, ma façon de penser et de m’exprimer, de consommer, de me nourrir, de me vêtir ? » Pour nous, ça donne : sans tomber dans l’excès du tri par le vide, on peut quand même se simplifier la vie et se demander quel espace nos encombrements inconscients comblent à travers nos évitements. Un rapide examen de conscience avant de céder à la dernière tendance, c’est, à notre échelle, la première étape vers un luxe gratuit : gagner de la place pour ranger, et de l’espace pour penser.
2. Qu’est-ce que « l’élégance de la simplicité » ?
On répondrait bien Helmut Lang. Pour Satish Kumar, c’est Lao Tseu : « Je n’ai que trois choses à enseigner : la simplicité, la patience et la compassion. Ce sont là vos plus grands trésors. » Quand nous on veut être normcore, ça donne un jean noir repassé et un T-shirt blanc, manches roulottées le dimanche au parc, une blouse si on a un date. On a douze petites robes noires avec des asymétries qui varient, et une coupe de cheveux millimétrée pour être facile à entretenir (en théorie). On range notre cigarette électronique goût basilic dans une besace en cuir tanné végétalement. Le chic passe-partout inspiré des années 90, c’est rétro, c’est beau.
Quand Satish Kumar pense « simplicité », c’est : « Être ordinaire, c’est-à-dire renoncer aux exigences de l’ego et cesser de vouloir provoquer l’admiration, est l’attitude la plus extraordinaire que nous puissions adopter dans notre vie quotidienne. Admettons-le : nous ne dépendons pas du jugement d’autrui (...) Vivez dans la joie et la simplicité sans vous préoccuper de l’opinion des autres. » C’est-à-dire sans nous réjouir d’obtenir 587 likes grâce à un pantalon Joseph vraiment tout simple. Ou alors, en silence.
3. Ralentir, investir dans l’avenir et s’en réjouir
Ou comment ce qu’on n’accumule pas dans son placard aujourd’hui nous offrira de vastes perspectives demain. En commençant par redécouvrir ce qu’on a déjà. Ce jumpsuit A.F Vandevorst de 2014 qui nous a donné tant de bonheur et qu’on a fini par ranger au milieu d’arachnéennes chemises en filets de pêche perdues parmi des bombers réinterprétés, c’est un gisement de nouvelles satisfactions qu’il suffirait de retrouver en se donnant la peine (la joie) de replonger dans nos précieuses archives.
Le sage, lui, nous rappelle d’autres types de basics pour se simplifier la vie : « Les bienfaits de la nature que sont l’eau, la terre et le soleil suffisent à pourvoir à nos besoins essentiels ; membres de la communauté des hommes, nous pouvons bâtir notre existence en son sein par l’entraide et la solidarité (…) Or, tous ces trésors, matériels ou immatériels, qui contribuent à notre existence ne se trouvent dans aucun magasin… »
Mais ne culpabilisons pas non plus. Satish Kumar raconte un rêve où Gandhi semblait l’inviter à découvrir le monde, avec un peu de confort quand même. Il dit : « Je voulais planter des fleurs. Je voulais cultiver et cuisiner mes fruits et mes légumes au lieu de les mendier pour me nourrir. Je voulais tenir une jolie femme dans mes bras et poser ma bouche sur la sienne. Je voulais m’installer dans une vraie maison plutôt que de vivre sur les routes, et dormir dans un vrai lit et non à même le plancher. » Il souligne que la simplicité « n’exclut pas le confort : elle en est même très souvent un synonyme ! » Ah ! Là, on se récupère.
4. Ne pas minimiser ses efforts
On peut vivre plus humblement et se simplifier la vie sans faire d’excès de modestie, si ? Quand nous on pense « minimalisme et sublimer-déconstruire des objets d’usage courant pour les réinterpréter en vision nouvelle », c’est Martin Margiela.
Quand lui parle de minimalisme, il veut dire qu’il a marché pieds nus en chantant, et n’a pas pris un seul bain durant ses neuf années monacales. « J’ai aussi appris à jeûner vingt-quatre heures, puis quarante-huit heures, puis trois jours par mois. » Il a franchi ainsi « des milliers de kilomètres, traversé des jungles et des déserts, des montagnes et des plaines, sous la chaleur du soleil ou la morsure du froid ». Il compare, et en regard de son expérience, on comprend son point de vue, l’imagination inemployée à découvrir le monde par ses propres moyens à « de beaux vêtements dans une valise : si vous n’avez pas l’occasion de les porter, à quoi bon les emporter ? » C’est là qu’intervient notre propre philosophie : parce qu’il y a des vêtements qui nous expriment, nous donnent confiance, voire nous protègent. Et qu’on ne sait jamais où ce voyage-là nous mènera. En kilomètres à pied, ou en kilowatts de synapses.
5. Simplicité bien ordonnée commence par soi-même
Le jeu vaut la chandelle rationnée, si on considère que pour le sage, la simplicité pourrait sauver le monde. Mais est-ce aussi simple que cela ?
La simplicité volontaire, une question de volonté ? Satish Kumar évoque la « fièvre acheteuse » et « l’attitude supermarché » dans tous les domaines de l’existence. Vivre pour travailler, travailler pour vivre, et entasser des trucs et des machins de la cave au grenier. « En renonçant à tout ce qui encombre nos pensées comme nos placards, nous nous affranchissons du carcan de l’ego et goûtons une liberté nouvelle. » Pour nous, c’est l’exaltation du nettoyage de printemps. Mais qui a déjà vidé ses tiroirs sur une grande euphorie de vide-grenier sait aussi qu’ensuite, on peut passer des mois à pleurer un gaufrier.
« La simplicité est aussi, voire surtout, le seul moyen que je connaisse de sauver notre monde. » Ne serait-ce que sur le plan écologique, c’est un raisonnement sensé. Mais « simplicité » ne veut pas dire « privation » : « Prendre soin de soi n’a rien d’égoïste (…) Vous n’allez pas, sous prétexte de devoir sauver le monde, ne plus prendre le temps de manger, ce ne serait pas judicieux ! Sauvez le monde bien sûr, mais sauvez-vous d’abord (…) Ce n’est pas de l’égocentrisme, mais une question de bon sens. » Simplifier, ce serait donc commencer par penser plus juste. Un prérequis d’élégance. Une vision affûtée de l’essentiel, où rien ne serait moins accessoire que la conscience. Il dit : « Passons de l’ego à l’éco. L’ego divise, l’éco relie. L’ego complique, l’éco simplifie. » On commence par où ? On n’a pas toutes les réponses pour se simplifier la vie. Ce serait trop simple.
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