Ce ne sont pas « juste » des mots. Myriam Leroy et Florence Hainaut réalisent un film documentaire engagé sur le cyberharcèlement pour sortir les femmes harcelées de l’invisibilité et rendre la parole à toutes les victimes muselées par un système patriarcal bien rodé.
« Nous voulons utiliser des leviers qui déclenchent la compréhension, l’empathie et la prise de conscience de ces violences structurelles. » Myriam Leroy, journaliste, écrivaine et réalisatrice sait de quoi elle parle. Tout comme Florence Hainaut, journaliste, réalisatrice, elle aussi cyberharcelée depuis des années. Ensemble, elles ont réalisé « #SALEPUTE », un film composé de témoignages de femmes qui, comme elles, ont été atteintes dans leur intégrité par des cyberharceleurs décidés à les faire taire sur les réseaux, à les gommer de l’espace public, à les réduire au silence.
Qu’est-ce que c’est le cyberharcèlement ? Qui fait ça ? Et pourquoi ?
Myriam Leroy : « C’est une mécanique récurrente, huilée par la culture dans laquelle nous baignons. Cette culture qui fait que certains se sentent autorisés, en toute impunité, de s’arroger un droit patriarcal dès qu’une femme s’exprime en public. Ce que l’on veut montrer, c’est la misogynie et l’indifférence à celle-ci. Le fait qu’elle perdure, qu’elle trouve de nouveaux terrains de jeu où s’exprimer, avec des victimes, des femmes qui doivent se débrouiller avec la violence. Il y a des mecs qui font des trucs monstrueux, mais ils le font parce que c’est autorisé. (…) Les harceleurs ne se définissent jamais comme tels. Ils se décrivent comme des libres penseurs. Ils n’ont pas la déconstruction, le recul nécessaire pour comprendre les mécanismes qui les poussent à cibler des nanas, à les insulter, à les attaquer, à les traquer, à les surveiller, à les menacer de cette manière-là. Ce qu’on avait envie et besoin de faire, c’est simplement montrer aux gens que c’est un sujet qu’on doit aborder par le prisme du genre. Ce ne sont pas les ordinateurs qui sont fous, ce sont les gens derrière et c’est symptomatique d’une culture qui tolère la haine envers des femmes. »
L’outil virtuel n’est donc pas la cause du cyberharcèlement ?
Florence Hainaut : « On a souvent tendance à blâmer la technologie, mais tu ne deviens pas misogyne parce que tu vois un ordinateur. Si tu arrives à dire des choses misogynes, c’est que, fondamentalement, tu es misogyne. Internet donne la sensation d’une protection et fait croire aux gens qu’ils peuvent s’exprimer en toute liberté et sans conséquence. Ils peuvent alors révéler leur vraie nature. Mais personne ne devient raciste, misogyne au contact d’un clavier. (…) On nous demande d’où vient le sentiment d’impunité… La réponse est : il vient de l’impunité. Cette cyberviolence n’est même pas socialement punie.
Et les femmes harceleuses ? Il y en a très peu et elles harcèlent donc les femmes avec les instruments de la misogynie patriarcale, avec des insultes à caractère sexuel et sexiste. Quant à celles qui harcèlent des hommes, elles ne le font pas pour alimenter un système de domination et une volonté de les faire taire et de les sortir de l’espace public. »
Vous n’avez pas parlé du harcèlement dont vous avez été — et êtes — victimes. Vos harceleurs ont réussi à vous faire taire ?
M.L : « Non. Il nous a semblé que pour mettre en valeur la parole des 12 femmes interrogées – qui nous semblait très forte et surtout qui représentait notre vécu – on n’avait pas besoin de se mettre en scène. Toutes racontent la même chose : les mêmes mots, les mêmes mecs, les mêmes conséquences, la même souffrance. »
F.H. : « Elles disaient tout ce qu’il y avait à dire… Quant aux harceleurs, on n’a pas pensé à eux, on ne s’adresse pas à eux. Je n’ai rien à dire à ces types-là. On voulait donner aux femmes qui sont présentes sur internet une grille de lecture quand elles sont victimes et témoins de ce genre de violence. Leur dire qu’elles ne sont pas seules. »
« #SALEPUTE », le 12 mai sur la RTBF.
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