Elles se multiplient comme des champignons : les tiny houses et leurs conceptions élégantes incarnent le minimalisme, le retour à la nature et l'écoresponsabilité. En dépit de le leur petite taille d’en moyenne 20 m2, elles offrent le même confort qu’une maison traditionnelle.
Tiny House : 20 mètres carrés pour une bouffée de liberté
La « tiny house », ou « micromaison » en français, désigne ces petites maisons en bois aux allures de cabanes. Le plus souvent montées sur remorque, elles sont prévues pour être mobiles et facilement déplaçables. Si elles sont de petite taille, elles n’en sont pas moins agréables à vivre. Puisque la tiny house n’est pas tenue à des règles de construction, la conception est entièrement personnalisée pour répondre aux besoins de la personne ou du couple qui y vit. L’intérieur est également optimisé pour exploiter au mieux l’espace disponible et en faire un cocon confortable.
Les petits habitats ont toujours existé à travers le monde. On pense aux roulottes des Tziganes, aux yourtes mongoles, aux tipis nord-amérindiens ou encore aux caravanes. Mais le concept de la tiny house tel qu’on le connaît aujourd’hui a été popularisé en 2002 par Jay Shafer, un Américain qui a fondé la première entreprise de construction de ces micromaisons sur roues après avoir construit la sienne. Le passage ravageur de l’ouragan Katrina en 2005 et la crise financière de 2008 ont mis en avant le mouvement des tiny houses, leur petite taille les présentant comme une solution économique et écologique à l’habitat traditionnel.
Au fil des années, le concept s’est exporté en Europe, si bien qu’aujourd’hui, il est de plus en plus fréquent de les repérer, installées au bord d’un lac ou à l’orée d’un bois. Par leur côté insolite et romantique, les tiny houses sont régulièrement louées à des couples qui veulent passer un week-end apaisant en nature. Mais pour de nombreux jeunes, elles offrent surtout la promesse d’une maison au confort traditionnel à un prix bien moindre. La perspective d’être propriétaires de leur bien et de vivre en accord avec leurs valeurs les pousse à se lancer dans l’aventure.
Une histoire de valeurs
Louise et Benjamin vivent ensemble dans leur tiny house depuis le mois d’octobre. Originaires respectivement de Mons et Bruxelles, ils se sont rencontrés durant leurs études en design industriel à Liège. Le projet de construire leur propre maison est parti de la divergence de valeurs entre les études qu’ils suivaient et leur intérêt pour l’environnement. « [Le] design industriel consiste à créer des objets de façon industrielle, en grandes séries et ce ne sont pas vraiment nos convictions », explique Benjamin, « on ne veut pas créer des objets en grande série et, la tiny house, c’est justement un peu cette idée de l’artisanat, des meubles sur mesure. »
Le couple faisait déjà attention à son impact environnemental en se rapprochant d’un mode de vie zéro déchet. Inspirés par l’aspect minimaliste de la tiny house, ils se sont lancés dans la construction de leur propre maison sur remorque. Avec quelques sites internet, YouTube a constitué leur principale source d’informations pour le travail. Tout naturellement, Benjamin et Louise ont décidé de lancer leur propre chaîne, sur laquelle ils publient des vidéos sur les travaux, afin de partager leur expérience. « C’est un condensé de tout ce qu’on a appris à gauche et à droite pour permettre aux autres de construire leur maison », précise Louise. Leurs études, à défaut de les préparer à la conception de bâtiments, leur ont servi pour la conception des meubles, qu’ils ont dessinés et construits eux-mêmes.
À une centaine de kilomètres au nord-ouest, à Olen, dans la province d’Anvers, Yasna vit dans sa tiny house autoconstruite depuis le début de l’année. En mars, son petit-ami, Dries, et elle l’ont installée sur son terrain définitif pour y vivre en couple. Pour la jeune femme de 21 ans, cette maison, construite sur une période d’un an et demi, n’est que le premier projet d’une longue série. Grâce aux connaissances acquises avec la première tiny, elle a entrepris la construction d’une deuxième micromaison qui sera mise en vente. Elle espère ainsi pouvoir, avec le temps, en faire son métier.
Pour bâtir sa tiny house, Yasna a fait construire la remorque sur mesure, un squelette en métal de près de 3 mètres de large sur 7,5 mètres de long. Trop grand donc pour être remorquée sur la route par un particulier, puisque les normes belges limitent la taille d’une tiny house à 2,55 mètres de large, 4 mètres de haut et 12 mètres de long. Le poids total de la micromaison ne doit, lui, pas dépasser 3.500 kilos. Ce n’est cependant pas un problème pour Yasna et Dries, puisqu’ils ne comptent pas déplacer leur maison. La tiny house construite pour la vente est quant à elle aux normes et pourra donc être déplacée facilement et légalement. Puisqu’elle est reconnue comme habitat léger, il est possible de s’y domicilier, mais ce n’est pas toujours simple. Les lois diffèrent en fonction des Régions et les démarches pour y arriver sont longues et compliquées, ce qui peut en décourager certains. Si Yasna et son petit-ami ont eu la chance de trouver un terrain, ce n’est pas encore le cas pour le couple liégeois qui cherche encore.
Vivre plus petit était pour Yasna une évidence. Elle ne comprend pas l’intérêt d’une grande maison dont les nombreuses pièces à meubler poussent à toujours faire l’acquisition de nouveaux objets, pour des espaces qui ne sont pas utilisés à leur plein potentiel. Un habitat plus petit est plus simple à garder en état, à ranger et à nettoyer. « J’ai l’impression d’avoir beaucoup plus de contrôle là-dessus dans ma tiny house », avoue Yasna, « je rapporte moins de choses, et j’organise mon espace de façon logique et fonctionnelle. »
Des entreprises spécialisées dans la tiny house
Ceux qui ne souhaitent pas se charger de la construction de leur micromaison peuvent faire appel à une entreprise spécialisée. Wildernest est une boîte de conception et de réalisation de tiny houses. Elle a été créée par Tom de Dorlodot et Charles Lambrechts en 2015, après le succès d’un projet personnel de bureau séparé de la maison. Émile de Dryver est architecte. Il a rejoint l’équipe en 2016, alors qu’il était encore étudiant. Son intérêt pour les tiny houses s’est développé lors de son Erasmus au Canada, où elles sont nombreuses. Il a en d’ailleurs fait le sujet de son mémoire de fin d’études. Lorsque Tom de Dorlodot l’a contacté pour travailler chez Wildernest, il a vu une occasion à ne pas manquer : « Ça m’a tout de suite intéressé, parce que c’était quelque chose de concret, une société belge qui partageait mes valeurs », se rappelle Émile.
En tant qu’architecte, il prend beaucoup de plaisir à concevoir des micromaisons. « J’adore pouvoir partir de la feuille blanche qu’est la tiny house », se réjouit Émile. S’il la compare à une feuille blanche, c’est parce qu’elle n’est pas encore liée à des règles urbanistiques. En Belgique, toute nouvelle construction doit suivre un certain style architectural imposé. Les maisons et bâtiments doivent pouvoir se fondre dans le tissu urbain dans lequel ils sont implantés. Mais ces règles strictes ne s’appliquent pas aux micromaisons, car elles n’ont pas de lieu d’implantation unique. « Cela nous permet de penser la tiny dans un lieu vide et d’être totalement à l’écoute du client et du style qu’il veut donner à sa future habitation. »
Un coût et une consommation réduits
Les micromaisons sont connues pour leur accessibilité financière, par rapport à un appartement ou à une maison. Mais elles sont également construites sur mesure. Leur coût dépendra donc fortement du mode de vie de la personne ou du couple qui y vivra. Faire appel à une entreprise spécialisée telle que Wildernest impliquera également de compter leur expertise et main-d’œuvre dans le prix. Pour une tiny house habitable et entièrement équipée, il faut compter entre 65.000 et 95.000 euros hors TVA. Sans passer par des professionnels, le prix peut descendre drastiquement. Louise et Benjamin ont dépensé pour environ 25.000 euros de matériaux, sans compter les machines, le loyer du hangar et, bien sûr, les heures de travail investies.
Certaines grosses dépenses sont difficiles à éviter, comme l’achat de la remorque, des châssis ou de la charpente. L’intérieur étant complètement modulable, c’est à cette étape qu’il sera possible de faire des économies. Dans le choix des matériaux par exemple, mais aussi dans les décisions liées à la consommation d’eau et d’électricité. L’option la plus économe est de se relier à une prise et à une source d’eau, comme on le ferait dans un habitat traditionnel. C’est celle qu’a choisie Yasna, car sa tiny house restera fixe pendant une longue période. Cette solution, tout autant qualitative qu’une autre selon Émile de Dryver, n’est pourtant pas la moins gourmande en consommation. Il reste alors l’option de l’autonomie. On pensera alors à des installations telles qu’un filtre à eau, un réservoir et des panneaux photovoltaïques. Il s’agit d’équipements onéreux, mais qui permettent de réduire son empreinte carbone et, à la longue, de faire des économies.
Benjamin et Louise ont fait le pari d’une tiny house autosuffisante en énergie. Ou du moins, elle le sera dans quelques mois, quand ils auront installé leurs panneaux solaires. Le couple attend d’avoir trouvé un terrain sur lequel les poser, ce qui lui laisse aussi le temps d’économiser pour cette dépense. Outre le fait d’être en accord avec les valeurs des deux jeunes, cette autonomie représente un défi qu’ils veulent relever. Pour se chauffer, Benjamin et Louise utilisent un poêle à bois. Ils récupèrent également l’eau de pluie qu’ils utilisent pour la douche et la cuisine. Ce mode de vie leur demande néanmoins d’être plus attentifs à leur consommation. « Ici, si on prend une douche trop longue, on n’a plus d’eau, on ne peut plus cuisiner, faire la vaisselle », précise Benjamin. « C’est quelque chose dont on ne se rend pas compte dans une maison normale. » Mais cela ne leur pose pas de problème, « ça fait partie de l’expérience », ajoute Louise. Avant de plaisanter : « Quand il pleut, on est content, parce qu’on peut prendre des douches plus longues ! »
Le confort d’un petit espace
La vie en tiny house, c’est avant tout un retour à la nature et, avec ça, un retour à la simplicité. Des fenêtres nombreuses et stratégiquement placées permettent d’agrandir l’espace et de donner l’impression d’être dehors, depuis le confort de son chez-soi. Louise, comme Yasna, aime observer les animaux durant la journée, camouflée par le reflet des vitres. « Je peux voir la nature, les oiseaux, les arbres autour de moi, peu importe où je suis dans la maison », s’émerveille cette dernière. Un certain sentiment de confort et de bien-être s’installe lorsqu’on vit dans un petit espace.
Yasna confie qu’il est très satisfaisant de savoir que tout ce qui lui appartient est avec elle dans cet espace, « je sais exactement ce que je possède, ou tout se trouve et c’est très chouette ». Cela la pousse également à être attentive à ce qu’elle apporte dans sa maison, ce qu’elle ne faisait pas auparavant. C’est également l’avis de Louise, bien qu’un peu plus de rangement pour ses vêtements ne la dérangerait pas. « Je n’ai pas toujours envie de faire des concessions », avoue-t-elle, « il faut vraiment être organisé, tout garder bien rangé. » Peut-être que la tiny house, ou d’autres types d’habitats légers, nous rappellent à nos instincts de nomades et nous invite à nous focaliser sur les choses essentielles de la vie.
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