Florian F., alias Minus, est tatoueur depuis bientôt 4 ans et il est clairement une de nos fiertés nationales. Son talent est reconnu, certains de ses clients font le déplacement depuis l’Australie ou les Etats-Unis, et son succès est grandissant. Obtenir un rendez-vous avec lui demande d’ailleurs patience et obstination. Maître incontesté du tatouage fin, il séduit par son art, sa technique et sa personnalité. Rencontre avec un artiste made in Belgium.
Minus c’est une personne, un artiste, mais c’est aussi un business qui fonctionne grâce à son acolyte Tiffany avec qui il partage sa vie professionnelle mais aussi privée. Un véritable duo de choc qui voit grand et dont on a pas fini d’entendre parler.
Quand as-tu décidé de devenir tatoueur ?
Minus : J’ai une formation artistique à la base, j’étais en école d’art de la 2ième à la 6ième. Ensuite, je me suis lancé dans des études de marketing. Plus j’approchais de la fin du cursus plus je sentais que ce n’était pas fait pour moi. Je ne m’imaginais pas du tout bosser dans ce secteur. Ce n’était pas envisageable. J’ai eu l’envie de retourner à mes premiers amours, à quelque chose de plus artistique. Je voulais recommencer à peindre, à faire des tableaux avec des têtes de Minus et Cortex. Et finalement, c’est grâce à une conversation avec Tiff que les choses se sont débloquées. Je lui ai confié qu’adolescent, vers 13 ou 14 ans, je m’étais acheté une machine à tatouer sur Ebay. C’était l’âge rebelle, je voulais me faire des tatouages et devenir tatoueur puis, cette idée m’était sortie de la tête. Peu de temps après, elle m’a offert un kit de tatoueur et m’a dit de me lancer. Et c’est finalement comme ça, et donc grâce à elle, que j’ai recommencé à m’entrainer à tatouer. Du coup, j’ai arrêté le marketing. Tout est allé très vite, et ça n’a pas été simple pour mes parents. Quand je leur ai annoncé que j’arrêtais mes études, que je voulais devenir tatoueur et que, d’ici 2 mois, je partais vivre à Monaco où j’avais décroché mon premier job dans un shop … ils ne l’avaient pas vu venir celle-là (rires) ! Ils m’ont conseillé de me trouver un travail plus conventionnel et de faire du tatouage mon hobby. Mais non, je me suis écouté et je me suis lancé. Et j’ai bien fait.
Derrière Minus, il y a donc deux personnes, toi et Tiffany ?
Minus : C’est moi qui tatoue mais je n’aurais jamais eu l’idée de me lancer dans cette aventure sans elle. C’est elle qui m’a soutenu, qui m’a motivé et qui m’a convaincu de me lancer et de voir si ce métier me plaisait. Aujourd’hui, on bosse en tandem. Je tatoue, je dessine et Tiff gère tout le back office. C’est un boulot énorme que je ne suis pas capable de faire car je ne suis pas assez organisé. C’est mon côté artiste (rires).
Tiffany : L’artiste c’est Flo. Chacun son domaine, ses compétences. Je m’occupe de tout le reste, les bookings, les emails, l’administratif, la compta, tout le côté organisationnel et financier. Les gens sont souvent surpris de savoir qu’on est un couple et que l’on bosse ensemble mais ça marche super bien pour nous. C’est quand on est séparé qu’on s’entend moins bien. Il n’y a pas de limites entre le privé et le pro, on est H24 ensemble et on parle de tout, tout le temps. Je lui booke toutes ses journées, il me râle dessus parce que je le booke trop et ça se passe très bien comme ça (rires).
Comment t’es-tu formé à l’art du tatouage ?
Minus : J’ai appris en autodidacte parce qu’en réalité il n’existe pas vraiment d’école pour apprendre à devenir tatoueur professionnel. Donc soit tu te fais engager dans un shop, tu regardes les autres mais souvent tu finis par faire le ménage plus que tatouer, soit tu apprends tout seul, en regardant des vidéos sur Youtube et en t’entrainant, encore, et encore, et encore. Les gens n’imaginent pas le travail que ça demande, le nombres d’heures passées à s’entrainer. Certaines personnes pensent qu’être tatoueur c’est dessiner, faire une décalcomanie et ensuite, colorier sur les gens. Tout dépend du tatoueur que tu veux être mais les meilleurs ont des centaines et des centaines d’heures d’entrainement derrière eux avant même de toucher leur premier client. Personnellement, j’ai tatoué pendant des mois tout ce qui me tombait sous la mains, j’ai passé des centaines d’heures à m’entrainer sur des fake skin, j’ai acheté des kilos et des kilos de fruits que j’ai tatoué, je voulais que mes clients soient contents, je ne voulais pas me louper. C’est grâce à mon travail que j’ai perfectionné ma technique et que mes tatouages sont ce qu’ils sont aujourd’hui. Maintenant, avec les réseaux sociaux, devenir tatoueur est très à la mode mais certains se lancent rapidement et ça donne parfois des catastrophes avec des tatouages ratés.
Tiffany : C’est vrai que ça nous arrive de plus en plus souvent. Certains clients finissent par annuler en nous disant qu’ils vont se faire tatouer ailleurs mais quelques mois plus tard, ils nous contactent parce que le tatouage est raté et qu’ils voudraient que Minus le rattrape, mais non ça n’est pas possible. En Belgique, il n’existe pas vraiment de culture du tatouage contrairement à l’Allemagne, par exemple. Là-bas, c’est normal de payer un certain prix pour un tatouage réalisé par un artiste reconnu. Parce que c’est de l’art. Certaines personnes sont des collectionneurs, ils recouvrent leur corps avec des oeuvres de différents tatoueurs. Ici en Belgique, ça n’existe pas encore. On cherche encore toujours le moins cher et c’est dommage.
Comment s’est passé ton tout premier tatouage ?
Minus : Oh, c’était horrible. J’étais stressé, j’étais au bout de ma vie (rires). J’ai failli annuler au dernier moment. J’avais déjà le dessin et donc la veille, je me suis encore entrainé des dizaines de fois à le refaire sur des fake skin. J’avais mal au ventre. Horrible ! Et le second, je l’ai fait sur ma mère. J’étais beaucoup plus détendu puisque ta mère, elle ne peut pas t’en vouloir trop longtemps si ce n’est pas parfait (rires).
Tu es connu pour ton style, tes tatouages ultras fins et tes dessins réalistes, c’est toujours ce que tu as voulu faire ?
Minus : Dès le début, j’ai eu envie de me spécialiser dans les tatouages fins et de faire du single needle. Quand j’ai débuté, à Monaco, je faisais ce qu’on me demandait de faire, je travaillais pour des patrons, je ne pouvais pas refuser de clients donc ce n’était pas toujours mon style de tatouage. Dès qu’on est rentrés en Belgique, j’ai commencé le tatouage fin, je me suis entrainé, je me suis spécialisé et très vite, tout s’est accéléré. À cette époque, c’était déjà la mode des tatouages fins aux Etats-Unis mais ça ne commence que maintenant en Europe. Aujourd’hui, c’est ma marque de fabrique, il est possible de reconnaître mes tatouages grâce à la finesse des traits.
Avoir un rendez-vous avec toi c’est parfois le parcours du combattant, comment faut-il faire ?
Tiffany : Le booking c’est ma partie. On se booke par 3 mois donc 4 fois par an comme ça on reste libre. On aime voyager et Minus tatoue donc aussi lors de nos voyages. On a des clients un peu partout. Beaucoup aux Etats-Unis, mais aussi en Australie, en Asie. Minus travaille en général de 9h30 à 17h30. Pendant ces heures-là, il tatoue mais après, en soirée, c’est en moyenne 3 heures de dessin qui l’attendent car tous les tatouages qu’il fait sont personnalisés. Tout ça prend du temps, c’est beaucoup de travail et les gens ne s’en rendent pas toujours compte. On n’a malheureusement pas la possibilité d’accepter tout le monde. On reçoit des centaines et des centaines de demandes. Parfois, on décline parce que ce n’est pas le style de Flo, tout simplement ; trop grande pièce, traits trop épais. Sur toutes les demandes, à chaque booking, je refuse environ 1000 personnes simplement par manque de temps, et donc de place. Raison pour laquelle ceux qui obtiennent un rendez-vous en profitent pour faire plusieurs tatouages en même temps. La majorité des rendez-vous durent plusieurs heures, parfois toute une après-midi car Minus va réaliser 4 ou 5 tatouages sur un client. Ça réduit donc aussi le nombre de places. On est reconnaissants de ce succès, à chaque booking on est surpris par le succès grandissant et l’engouement des gens pour le travail de Flo.
Minus : C’est vrai que les gens n’imaginent pas toujours la quantité d’heures de travail qu’on passe entre l’envoi du mail et le rendez-vous. Pour Tiffany c’est plusieurs échanges d’emails avec chaque personne, c’est jongler avec l’agenda, c’est gérer les paiements, etc. et pour moi c’est des heures de dessins, car je personnalise au maximum et je fais plusieurs propositions au client. Je reprends donc tous les échanges d’emails pour que les dessins que je leur propose correspondent au mieux à leurs attentes.
Vous imaginez-vous changer de secteur et faire totalement autre chose ?
Non. On va rester dans le monde du tatouage. On a des projets pour l’avenir. On aimerait développer la marque Minus. J’ai toujours envie de tatouer mais j’aimerais ralentir le rythme donc moins tatouer moi-même mais pourquoi pas ouvrir des studios, former des tatoueurs et gérer mon équipe, développer des collaborations avec des marques de bijoux, de vêtements, de chaussures. Créer tout un univers. Pour le moment, il n’y a qu’un seul tatoueur qui a réussi à faire ça c’est Doctor Woo et il est très inspirant.
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Que préfères-tu tatouer ?
Minus : J’adore les lettrages. Les gens ont l’impression que c’est super simple mais, en réalité, cela demande beaucoup de précision et de technique. Sinon, je fais aussi de plus en plus de micro-réalisme, c’est là où je m’amuse le plus car c’est vraiment pointu comme travail, ça me repousse dans mes limites et j’adore ça.
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Quelle est ta clientèle aujourd’hui ?
Minus : Le tatouage s’est vraiment démocratisé. J’ai pas mal de gens de 50 ans qui viennent pour se faire faire leur tout premier tatouage. J’ai aussi des clients de 18 ans qui viennent en duo avec leur grand-mère pour se faire un tatouage en commun. Aujourd’hui, c’est de moins en moins un problème d’être tatoué et que le dessin soit visible. Je tatoue des infirmières, des professeurs. La majorité de mes clients viennent pour faire leur premier tatouage. Je dirais 60% et 85% sont des femmes. Souvent, je leur dis : “On se revoit dans quelques mois”. Et oui (rires), ils reviennent ! Quand on commence avec le tatouage, on devient vite addict. Je fais aussi mon maximum pour que les gens se sentent bien chez moi, dans mon studio. Je veux qu’ils soient détendus, que le moment soit agréable. Je ne veux pas d’un endroit sombre, moche et avec du métal à fond. On a créé une ambiance lumineuse, on diffuse un parfum agréable, une musique calme, on a soigné les détails. Soit les clients s’endorment pendant la séance, soit on papote et c’est vrai que parfois, y’a un petit côté psy dans une séance de tatouage. Les gens se confient, ils me parlent de choses personnelles, de leur histoire, de leurs problèmes. Je suis quelqu’un de discret, ils ne prennent pas de risque car j’oublie vite (rires).
Tu refuses parfois certains tatouages ?
Minus : Je ne tatoue pas mes potes et Tiff n’a droit qu’à un seul tatouage par an. C’est trop de pression (rires), je vis avec elle. Sinon, je ne tatoue pas de mineurs, personne en-dessous de 18 ans même avec accord parental. J’ai la chance de pouvoir refuser des projets qui ne me parlent pas, qui ne correspondent pas à mon style. Je n’ai jamais tatoué sur le visage non plus. Maintenant, si la personne possède déjà beaucoup de tatouages pourquoi pas mais si c’est son premier ou qu’elle en a très peu, je ne tatoue pas le visage.
Dans 10 ans, vous serez … ?
Tiffany : Ensemble, on ne sait pas où. Parce qu’on ne sait déjà pas pour dans 6 mois mais on sera ensemble. Et on aura peut-être ouvert un refuge (rires).
Minus : Oui, ça serait bien ça.
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