Sororité, combats et coups d’éclat. Le ELLE revient sur le destin de personnalités qui ont changé la face du monde… Qui était Sally Ride ?

« Et vous allez porter un soutien-gorge dans l’espace ? » Ça, c’est l’une des questions posées lors de la conférence de presse précédant le premier vol de Sally Ride pour le compte de la Nasa. Nous sommes en 1983 et la préoccupation des journalistes est de savoir si elle pense chialer et couiner au décollage. « Tout le monde voulait savoir quel type de maquillage je prenais avec moi, mais pas si je m’étais préparée à utiliser le bras robotique ou à déployer des satellites de communication », déclarait-elle plus tard. Parce que oui, c’est pour ça qu’elle a été recrutée et drillée : pour grimper à bord de la navette spatiale Challenger et devenir la première femme américaine à participer à une mission habitée dans l’espace. Ou plutôt la « charmante première Américaine de l’espace » pouvait-on lire dans la presse. Sally Ride a beau exploser le plafond de la stratosphère, elle est, pour le public, une « Jolie Californienne aux yeux bleus ».

Pourtant, son exploit fait encore résonner son nom dans la tête des écolier·e·s outre-Atlantique. Au point qu’en 2019, Mattel (en plein « pink washing » salvateur) sortait une Barbie à son effigie. C’est que Sally est une figure du combat pour l’égalité et une parfaite illustration des inepties vécues par les femmes scientifiques entourées de nerds. Avant le décollage, l’agence spatiale lui recommande d’emporter avec elle une trousse contenant 100 tampons périodiques (soit un changement de tampon toutes les heures et demie pour une semaine de trip spatial). Mieux :
un kit de make-up incluant blush, eye-liner, ombre à paupières, mascara, gloss et démaquillant est spécialement conçu pour les femmes astronautes et fièrement offert. Sally oubliera le sien sur Terre. Elle oubliera aussi de faire son coming-out, craignant à juste titre que son homosexualité la disqualifie d’office. 

Pour l’heure, le 18 juin 1983, c’est entourée de cinq autres astronautes qu’elle décolle de Cape Canaveral en Floride. Elle a 32 ans et son recrutement s’est tenu cinq ans plus tôt. Trente-cinq retenu·e·s, dont cinq autres femmes (Anna Fischer, Shannon Lucid, Judith Resnik, Rhea Seddon et Kathryn Sullivan) parmi plus de 8.000 candidat·e·s. Le parcours de Sally Ride ? High level classique : une passion pour les sciences depuis l’enfance, un corps d’athlète (elle aurait pu devenir tenniswoman pro), un bachelor en anglais et en physique à l’université de Stanford. C’est là qu’elle repère une petite annonce de recrutement de la Nasa. Elle passe des tests d’aptitude et les résultats sont bluffants. George Abbey – directeur des opérations aériennes responsable (entre autres) de la gestion des équipages de vol – la repère et veut en faire « la première Américaine blabla ». Sally envoie bouler les titres et quotas et réclame d’être jugée selon ses compétences. « Je ne vais pas dans l’espace pour écrire une page d’histoire, mais pour faire progresser la science. »

Si elle en est là, c’est parce qu’elle en est capable et que d’autres avant elle ont essuyé les plâtres. Exemple, le projet « Woman in Space », financé par le secteur privé en 1960 et mené par des scientifiques à la clinique Lovelace. Objectif : savoir si les femmes – considérées comme plus petites et plus légères que les hommes – disposaient de bonnes aptitudes pour voler dans l’espace.  La recherche allait se clôturer en 1962 pour les 13 femmes pilotes d’avion impliquées. Qui remercier pour cet arrêt ? John Glenn et Scott Carpenter, astronautes, qui avaient déclaré face au Congrès américain que les femmes n’étaient pas qualifiées (parce qu’elles n’étaient pas pilotes d’essai, profession alors inaccessible au genre féminin). Ce n’est qu’en 1978 – année du recrutement de Sally Ride et de ses potes – que la Nasa oublie le témoignage des deux machos et retrouve un peu de bon sens scientifique. Sally contribue, durant sa formation (faite de sauts en parachute, de stage de survie en mer, de pilotage…), à développer le bras robotique de la Station spatiale internationale. Elle devient, en 1983, membre d’équipage de STS-7 pour un vol de six jours ayant pour objectif de récupérer des satellites. Margaret M. Heckler, alors secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, déclarera :
« Neil Armstrong a fait un petit pas pour l’homme en 1969, mais Sally Ride fait un pas beaucoup plus grand pour l’homme et la femme. » En 1984, c’est pour huit jours qu’elle s’envole pour une seconde mission. Il n’y en aura pas de troisième pour elle, car une tragédie survient dans le cadre du programme spatial américain : l’explosion de la navette Challenger en 1986.  Effarée par l’accident, Sally Ride ne vole plus et quitte la Nasa peu de temps après. Elle devient professeure de physique à l’université de Californie et directrice de l’Institut spatial de l’université de Californie. Avec sa compagne, la scientifique Tam O’Shaughnessy (dont elle partagera la vie durant 27 ans), elle crée en 2001 la fondation Sally Ride Science pour accompagner les filles dans des carrières scientifiques.

Le 23 juillet 2012, à l’âge de 61 ans, elle s’éteint des suites d’un cancer du pancréas. 

À ce jour, une quarantaine d’astronautes américaines ont participé activement à des missions habitées dans l’espace. La Nasa envisage même, lors de la mission Artemis de 2024, de faire alunir une femme. « La Nasa fera atterrir la première femme et la première personne “de couleur” sur la Lune », peut-on lire sur le site de l’agence spatiale. L’étape suivante (et inclusive) pour l’humanité, loin des projets de milliardaires qui font joujou dans la stratosphère : atteindre Mars.

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