La Youtubeuse et entrepreneuse Gaëlle Garcia Diaz est une des femmes les plus influentes de l’industrie cosmétique en Belgique. En lançant Martine Cosmetics en 2018, elle fait le pari de secouer le marché. Un style et une communication à prendre au millième degré, mais des produits de qualité et un marketing bien rodé. Il n’en fallait pas plus pour nous donner envie de creuser…
Qui es-tu Martine ?
Si elle s’exprime rarement dans la presse, la Belge aux 1,8 million d’abonné·e·s survole le petit monde de l’influence et étend son réseau jusqu’en France. Ce qui l’a rendue célèbre ? La création d’un personnage drôle et décalé qui n’hésite pas à donner dans la vulgarité : Martine. « À la base, Martine, ce n’est pas moi. C’est comme ça que j’appelle les gens qui me suivent. J’ai voulu créer un personnage qui parle à sa pote un peu coincée, pour lui donner des conseils. Cette pote s’appelle Martine. Ce prénom m’est venu spontanément parce que c’est celui de ma tante. Martine, elle s’en fout. Elle va droit au but. C’est une femme complètement décomplexée, mais je pense qu’aujourd’hui, elle a quelque chose de plus profond à apporter que juste du trash. Ce qui a beaucoup plus d’impact en fait. » Un personnage tellement incarné qu’il finit par devenir central, Gaëlle est devenue Martine. « Elle a vachement évolué avec les années. Si on regarde les débuts de ma chaîne, c’était trash à mort. Aujourd’hui, Martine est plus fine. C’est mieux écrit. Ce ne sont plus les vannes que j’écrivais pour ma première vidéo “spécial tuto de Grosse Pute” (rires). Je suis toujours dans la décadence et dans le 1.000e degré, mais j’ai évolué. Mais ça reste un personnage. Quand je vais au boulot, ce n’est pas Martine qui parle aux employé·e·s ! T’imagines si j’étais comme ça H24, quelle horreur (rires). »
À la base, Martine, ce n’est pas moi. C’est comme ça que j’appelle les gens qui me suivent. J’ai voulu créer un personnage qui parle à sa pote un peu coincée, pour lui donner des conseils.
Un parcours hors du commun
Après un bachelier en communication et marketing suivi d’un master en statistiques et communication de crise, Gaëlle se lance à temps plein dans sa passion pour le poker. En marge des tournois, elle présente les grandes compétitions pour PokerStars, en français, néerlandais, espagnol. Elle parle cinq langues au total ! Elle fait également ses premières vidéos. « J’avais lancé une chaîne YouTube avec une amie à moi, Ambre, cela s’appelait le Blog des Deux Connasses. Il existe toujours. Un humour très fin s’annonçait déjà (rires). J’ai ensuite décidé de me lancer seule en montant ma première chaîne YouTube, celle de Martine. Je voulais un contenu make-up qui se différencierait de ce qu’il y avait déjà. À l’époque, les poids lourds, c’était Sananas, Enjoy Phoenix, Horia. Un contenu peut-être un peu lisse et accessible. Mais il y’avait une vraie demande pour ce genre de contenu et puis je me suis demandé s’il y aurait également une demande pour un contenu loufoque. Le fait d’être belge aide d’ailleurs. On peut se permettre une folie décomplexée, surréaliste. » Elle lance sa chaîne en novembre 2016, on y découvre des « crash tests » (qui analysent les produits de beauté), des vidéos d’humour sur son quotidien. La sauce prend rapidement. « Un jour, je me réveille et je découvre qu’une vidéo a fait 500.000 vues alors que j’avais 30.000 abonné·e·s. C’était wouah ! Alors ça m’a donné envie de continuer. Même si au début de ma chaîne, les gens me détestaient. Ils pensaient que Martine était vraie. Ils étaient offusqués. J’avais très vite compris que je pourrais me permettre plus de choses avec ce personnage. De la folie, mais aussi un peu de profondeur. Ça me permet aussi de ne pas faire que de la beauté. Si un jour je veux faire un court-métrage ou de la musique (rires). » Ce qu’elle a fait d’ailleurs en novembre 2019, avec son premier album nommé « Schizo ».
S’il s’agit avant tout de divertissement, en réalité, rien n’est fait à la légère. Gaëlle scénarise ses vidéos, écrit ses réparties, ses intentions, ses idées. Il y a de la place pour l’improvisation, mais dans un cadre structuré. C’est un métier dont on connaît peu de choses, finalement. Quel métier, d’ailleurs ? « Quand je dois remplir la case “métier” d’une fiche, j’inscris “cheffe d’entreprise”, “créatrice de contenu” “patronne d’une marque de make-up”, “Youtubeuse”. C’est autant de casquettes que j’aime porter. C’est donc difficile de se limiter à une fonction. » Il n’y en a qu’une qu’elle ne coche donc pas : influenceuse ? « Je pense que le terme influenceur, c’est vite dit, avec sans doute une perception qui n’est pas toujours positive. On pense aux candidat·e·s de télé-réalité qui font des placements de produits à longueur de journée et aucun autre contenu. Aujourd’hui, quand on regarde les créateurs/trices de contenu, ils sont nés dans la sphère internet. Ils ont commencé à 15 ans. Moi, à 15 ans, je travaillais dans un centre de jardinage où j’avais les mains dans le terreau (rires). On a donc mis les pieds dans quelque chose qui débutait. Des nanas que j’apprécie tout particulièrement comme Léna Situations ou de jeunes talents comme Michou, qui explosent le game, ont commencé très tôt. Mais je ne tiendrai pas le discours “à mon époque, c’était mieux”, c’est vraiment un truc de vieux de dire ça. Finalement, on gravite tous autour du même truc : un téléphone. Ou une caméra. » Sans avoir forcément la même éthique.
Je ne comprends pas comment il est possible que des personnalités du web, suivies par des millions d’abonné·e·s, puissent dire n’importe quoi en toute impunité.
Sous la bannière « influenceurs », on assiste à une déferlante de contenus qui n’est soumise à aucun contrôle. Avec beaucoup de dérapages en conséquence. « Aujourd’hui, ce qui n’est plus OK, c’est de laisser internet à des gens qui disent de la merde. Il y a des gens à qui il faut enlever leur téléphone. Je ne comprends pas comment il est possible que des personnalités du web, suivies par des millions d’abonné·e·s, puissent dire n’importe quoi en toute impunité. Je prends l’exemple de Maeva Ghennam (elle a posté une vidéo en septembre où elle explique s’être fait “rajeunir le vagin” à l’image de celui d’une fille de 12 ans, NDLR) et qui se justifie en disant qu’elle ne pensait pas ce qu’elle a dit. C’est tout ? Alors oui, on peut tous dire de la merde, moi la première, mais il faut toujours se remettre en question. Que s’est-il passé ? Pourquoi ai-je dit ça ? Et puis on ne fait plus d’erreur. Je vois une évolution de la connerie sur internet. J’ai l’impression qu’on est en train de se remplir le crâne avec du vide. Un mélange de connerie, de discours incohérents et dangereux, tout ça te fait un pot-pourri d’une jeunesse qu’on est en train de foutre en l’air. Mais à côté de ça, ce sont aussi des outils extraordinaires. Il y a des comptes Instagram incroyables, des chaînes YouTube exceptionnelles qui te font voyager, rire, pleurer. En gros, des personnalités du web extrêmement saines dont le contenu fait du bien ! La seule solution pour consommer intelligemment les réseaux sociaux, c’est d’y aller à petites doses. »
Martine Cosmetics, poids lourd dans le beauty game
En 2018, Gaëlle décide de passer de l’autre côté de l’industrie de la beauté et lance Martine Cosmetics, une large gamme de produits de maquillage au marketing excentrique, fidèle à l’univers de son personnage : l’eye-liner « Yeux de bitch », la palette « Petite Tchoin », le baume à lèvres « Cyprine » ou le parfum « Eau de pute », du dixième degré pour des produits fabriqués en Italie, dans la même usine que les produits de grandes marques de luxe. « J’avais déjà fait ma chaîne YouTube et je me posais la question de la suite. J’avais mis des sous de côté avec le poker et mes premiers partenariats, j’avais envie d’investir dans quelque chose d’intelligent. Pérenniser avec de l’immobilier, ça ne me faisait pas rêver. Ce qui me plaît, c’est de créer de l’imagerie, des campagnes marketing. Je voulais également combler le gouffre entre le make-up de luxe et les marques à petits prix. Je propose des produits de 12 € à 50 €. » Dès son lancement, c’est un ras de marée : tout est sold-out en quelques jours.
Chaque année, Martine Cosmetics s’agrandit, elle emploie aujourd’hui une équipe d’une dizaine de personnes. Une petite entreprise familiale. « C’est ma source de revenus principale. Et j’aimerais bien que ce soit la seule. Je gagne toujours ma vie avec le placement de produits, mais j’aimerais arrêter. Après, c’est dur hein. Je viens d’une famille très modeste. C’est donc compliqué de dire non à un placement de produit dont le montant est bien plus que le salaire moyen d’un·e Belge. » De l’argent facile ? C’est une question de perspective. « Quelqu’un qui a entre 500 k et 2 millions de followers peut demander entre 1.500€ et 6.000 € la story, en moyenne, disons 3.000 € brut. C’est vrai, tu te dis qu’il y a des gens qui se cassent le cul avec un “9 to 5”, qui se lèvent le matin, prennent leur voiture, se font chier 45 min dans les embouts, vont au bureau, entourés de collègues chiants, rentrent le soir, font à bouffer, gèrent les gosses pour 2.000 €/mois et ça s’ils ont un bon salaire. D’un point de vue consommateur, c’est de l’argent facile. Mais ensuite, il y a le côté client·e. Nous n’avons pas les chiffres. On ne sait pas combien ils vendent derrière grâce à notre image. Un·e client·e qui revient régulièrement, c’est parce qu’il ou elle rentre largement dans ses frais. On est payés beaucoup, peut-être trop, mais c’est proportionnel à l’argent que nous rapportons.
La seule solution pour consommer intelligemment les réseaux sociaux, c’est d’y aller à petites doses.
Les influenceurs/euses issu·e·s de la télé-réalité font en moyenne trois à quatre placements de produits par jour sur Instagram et Snapchat. Et c’est sept jours sur sept. Beaucoup d’entre elles et eux prennent plusieurs milliers d’euros par placement de produits sachant qu’ils en font plusieurs par jour, une journée est rapidement rentable. Généralement, ils vivent à Dubaï donc, sans payer d’impôts. Ici, moi j’ai une entreprise, j’ai des salaires à payer, j’ai des frais. Et même si cela reste beaucoup d’argent, je trouve ça normal d’être taxée sur ce qu’il me reste. Je reste en Belgique parce que les gens grâce à qui je gagne ma vie sont belges et français. Ils payent aussi leurs impôts. Ce serait indécent de faire autrement. Et puis… vivre à Dubaï… Non merci ! Avec du recul, je me rends compte que je ne suis vraiment pas en phase avec les valeurs de ce pays. »
Nouveau projet en cours…
Pour se diversifier, Gaëlle n’est pas à court d’idées. D’ailleurs, grande nouvelle… (roulement de tambours) : pour la rentrée 2022, elle lancera Martine Skin, sa ligne de soins pour la peau. Un autre savoir-faire, différent du make-up, rempli de challenges. « Le “skincare”, c’est l’amour de ma vie. Il y a le make-up, mais le skincare, ce n’est pas le même niveau. Je suis très excitée de sortir ces produits, car j’en suis super fière. Je voulais vraiment arriver avec une gamme complète, axée sur une routine qui m’a personnellement sauvé la vie : un cocktail de mélange d’acides qui préserve l’équilibre du pH de la peau et surtout l’hydratation pour vraiment avoir un résultat anti-imperfection, anti-âge, effet peau neuve. Il y aura du peeling hautement concentré, des sérums, des crèmes, des masques de nuit, des émollients… Et tous les produits seront complètement “genderless”, vegan, cruelty free et made in France. On reste dans l’univers de Martine visuellement, dans les noms de produits aussi, il ne faut pas s’attendre à une séance photo avec un fond beige (rires). J’ai vraiment envie de partir dans quelque chose d’inattendu. Pour le packaging aussi. » Difficile de faire un meilleur teasing. Les beautystas sont au taquet. Nous aussi, on t’attend Martine !
Équipe de production :
Modèle : Gaëlle Garcia Diaz / Photographe : Marine Ferain / Stylisme : Vanessa Pinto / Make-up : Sarah Carlier / Coiffure : Jordan Romeo / Lumières : Matias Battalé
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