Dans les années 90, à travers la télé, son nom et sa silhouette auréolée d’un voile léger laissaient entendre au monde qu’un avenir inclusif était possible dans les régions musulmanes, à commencer par le Pakistan. Mais qui est Benazir Bhutto ?

Descendante d’une dynastie politique, elle fut la première femme à être élue et à diriger ce pays. Entre corruption, soupçons, décrédibilisation et exil, elle a tracé son destin jusqu’à finir assassinée, le 27 décembre 2007, près d’Islamabad, dans un attentat qui fera 23 autres victimes. Trois mois plus tôt, le jour de son retour sur sa terre natale, elle avait échappé au même genre de traquenard (pas les 136 personnes décédées autour d’elle). Les suspects ? Talibans, Al-Qiaïda (qui avait revendiqué) et finalement l’ex-président pakistanais Pervez Musharraf formellement accusé de meurtre et de complot criminel en 2013.

Triste fin pour la fille de celui qui – loin de l’obscurantisme – avait été président puis Premier ministre du Pakistan au début des années 70. Des études aux États-Unis et en Grande-Bretagne (Radcliffe College, université d’Oxford), une formation béton en droit international, en diplomatie, en économie, et en politique, la voilà prête à monter au créneau, lorsque l’armée pakistanaise renverse le gouvernement de son père. Le général Muhammad Zia-ul-Haq prend le pouvoir. Zulfikar Ali Bhutto sera accusé et condamné à tort par la Cour suprême du Pakistan pour corruption et conspiration et sera pendu le 4 avril 1979. Benazir, son frère Murtaza, sa mère et le reste de la fratrie crient à l’injustice et sont emprisonnés à 500 bornes de Karachi, sans pouvoir assister à l’inhumation du daron. Pendant cinq ans, ils passent de résidence surveillée en geôles atroces en passant par une détention en isolement dans le désert de Sukkur pendant six mois. Benazir perd ses cheveux, sa peau part en lambeaux, son oreille interne se dérègle. Sa mère, elle, développe un cancer du poumon. La communauté internationale lève les sourcils, le général Zia les autorise à s’exiler pour se faire soigner. Depuis Londres, dès 1984, Benazir hurle sa colère contre le nouveau chef du Pakistan et prend la tête du mouvement rassemblant les anciens soutiens de son père : le PPP (Parti du peuple pakistanais). Un an plus tard, son frère cadet, Shah Nawaz, meurt empoisonné. Des soupçons portent sur son épouse que l’on imagine téléguidée par Zia, mais rien ne permet de le prouver.

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Benazir Bhutto devient la première femme Premier Ministre du Pakistan, la première femme à diriger une nation musulmane.

Par un spectaculaire retour de karma, en août 1988, Zia-ul-Haq et plusieurs de ses commandants militaires se crachent en avion. Benazin débarque et remporte les élections parlementaires un mois plus tard. Elle devient la première femme Premier ministre du Pakistan, la première femme à diriger une nation musulmane et entreprend des réformes sociales qui font grincer les dents des messieurs jusque-là privilégiés, promeut les droits de l’homme et la position des femmes dans la société pakistanaise, rétabli la liberté de la presse et autorise les syndicats et groupes d’étudiant·e·s.

Pourtant, au fil des années, la position du Pakistan sur la scène géopolitique se complique. Les relations avec les États-Unis se rompent en 1990 sur fond de discussions sur les armes nucléaires. En interne aussi, ça craint : les opposants de Benazir – le président ultraconservateur du Pakistan, Ghulam Ishaq Khan en tête – ont le bras long et les idées courtes. Ils l’accusent de corruption, font sauter son poste et organisent de nouvelles élections.

Elle se retrouve reléguée au rang de cheffe de l’opposition et joue aux jeux de pouvoir dans les salons. Elle parvient à évincer le type, redevient Première ministre et, rebelote, fait face à des intrigues et supposés coups d’État. Dans le même temps, son dernier frère survivant est abattu par la police. Une paranoïa collective et bien justifiée après les bads accumulés la conduit à soupçonner ses pairs. En 1997, elle est à nouveau accusée de corruption, à nouveau démise de ses fonctions et cette fois, son mari (et père de ses trois enfants) Asif Ali Zardari paye les pots cassés à ses côtés. En avril 1999, le couple est reconnu coupable et écope d’une amende de 17 millions de dollars et de cinq ans de prison. Au moment du verdict, Benazir est à Dubaï (oui, comme Jazz de la JLC Family et Caroline Receveur). L’émirat refuse de l’extrader. Zardari purge sa peine seule et rejoint son épouse en 2004.

En 2007, elle est amnistiée et autorisée à revenir au bled par le général-président Pervez Musharraf. Pas dégoûtée, elle débarque avec l’intention de se présenter aux élections. À sa descente d’avion, des sympathisant·e·s l’escortent. Un kamikaze se fait exploser, elle passe entre les morts. Le 27 décembre 2007, au cours d’un meeting électoral dans le parc Liaquat National Bagh à Rawalpindi, elle est abattue alors qu’elle sort la tête du toit de son 4×4 pour saluer la foule. Des bombes explosent ensuite autour de la voiture. À 54 ans, elle laisse l’image d’une femme prête à tout pour sauver l’honneur de sa famille, celui de son pays et de ses compatriotes. 

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