À 60 ans, la star belge semble plus occupée que jamais, mais elle n’a rien perdu de sa superbe. Acteur, réalisateur, producteur et scénariste, Jean-Claude Van Damme signe un retour fracassant dans la production Netflix « Le Dernier Mercenaire ». Rencontre avec une légende vivante, d’humeur philosophe comme à son habitude.
Rendez-vous est pris à Paris, où l’acteur est de passage. Nous nous retrouvons à l’hôtel Le Bristol pour discuter de son dernier film d’action, « Le Dernier Mercenaire », disponible sur Netflix. Avec sa voix reconnaissable entre mille, Jean-Claude Van Damme est plus « aware » que jamais. Aujourd’hui, il peut compter sur une énorme communauté de fans, de 7 à 77 ans, et il a gagné en maturité aussi : « Je fais plus attention à ce que je dis maintenant. Quand je parlais des plateformes de streaming en 2001, les gens m’ont pris pour un fou. »
En 36 ans (et ce n’est pas fini !), il a tout connu : les galères, la gloire et la richesse – en somme, des hauts et des bas. Sa carrière a démarré sur les chapeaux de roue en 1988 avec « Bloodsport », suivi de « Kickboxer », « Full Contact » et « Double Impact », jusqu’au cultissime « JCVD » en 2007, où il joue son propre rôle, sans oublier « Expendables 2 », aux côtés d’autres stars du cinéma d’action.
Aujourd’hui, celui qu’on surnomme « the muscles from Brussels » est confortablement installé dans un fauteuil, en compagnie de Lola, sa « chérie », une petite chienne de 7 ans. « Je la trimballe partout. Elle sait que la bouffe est dingue ici ! », dit-il en rigolant et en grignotant des chocolats.
Pourriez-vous pitcher « Le Dernier Mercenaire » ?
J’y joue le rôle de Richard Brumère, un ancien agent secret. Il a parcouru le monde et refait sa vie. Au cours d’une mission, il avait rencontré une femme et ensemble ils avaient eu un fils, Archibald. Pour assurer la protection de ce dernier, il avait conclu un accord avec le gouvernement français. En échange, il devait « disparaître » et garder le secret sur sa liaison. Mais un jour, le voilà obligé de sortir de sa cachette pour sauver son fils des griffes de la mafia avec l’aide de jeunes recrues, et bâtir une relation avec Archibald. En gros, il est dans la merde. Il finit par rentrer chez lui… Problem solved ? Pas si vite ! Le casting de ce film est dingue : Patrick Timsit, Miou-Miou, Alban Ivanov, Éric Judor, Valérie Kaprisky…
De quel genre de film s’agit-il ?
C’est une comédie d’action écrite par un scénariste et réalisateur fantastique, David Charhon, qui m’a offert un rôle sur mesure. Un personnage à la Belmondo, qui est assez difficile à composer – quelque part entre « L’incorrigible » et « L’Homme de Rio » pour la touche américaine. J’ai grandi en regardant Bébel et toujours adoré sa façon d’habiter l’écran. C’est un grand acteur de théâtre, mais il a aussi ses moments de folie. Il s’implique toujours à fond, et ça se voit. C’est comme Louis de Funès dans « Le Grand Restaurant » ou « La Grande Vadrouille » ! Oui, il est très drôle, mais il prend son travail très au sérieux. C’est ce que les gens attendent. En général, les acteurs comiques ont plus de mal. À leurs dépens, ils créent des situations comiques qui font rire les gens. Je suis sûr que quelqu’un comme Robin Williams a beaucoup souffert. J’ai fait un peu de comédie avant « Double Impact », et ça me convenait parfaitement : pour moi, il s’agit d’avoir l’air « neutre », même en pleine action.
Dans la première scène du film, vous exécutez la figure qui vous a rendu célèbre – le grand écart. Ça fait mal ?
Pas du tout ! J’ai commencé la danse classique à l’âge de 13 ou 14 ans – j’en ai fait pendant 5 ans –, et je faisais du karaté depuis mes 9 ans. Ces deux disciplines font appel à des mouvements différents. Un grand écart en danse est beaucoup plus exigeant que le karaté, parce qu’il faut garder le tronc droit. À l’époque, on m’a proposé une place à l’école de danse Béjart. Mais j’ai suivi les conseils de mon père et continué le karaté.
Vous avez des points communs avec Brumère, le personnage que vous incarnez ?
Il peut être difficile à vivre et a du mal à féliciter son fils. J’ai aussi des enfants (Bianca, Kristopher et Nicolas, NDLR), mais je les encourage et les soutiens autant que possible. Je ne leur en fais pas voir de toutes les couleurs. (Au fait, vous voulez un chocolat ? Non ? Vous ne savez pas ce que vous ratez !)
Le tournage a duré 54 jours, étalés sur dix semaines. Comment ça s’est passé ?
Je m’en suis plutôt bien tiré. Je vis à Hong Kong et j’ai l’habitude de voyager partout – en Australie, à Los Angeles, en Turquie et en Arménie. Je voyage en jet privé, ça permet de gagner du temps et je n’ai pas peur de la Covid. J’étais en Australie lorsque l’épidémie a commencé. Le monde entier a paniqué et tout a été annulé. Mais je me suis dit « allons-y ». J’ai serré des centaines de mains. Des gens avaient déjà la Covid, comme Tom Hanks. L’Australie a été l’un des premiers pays touchés. J’y suis resté et j’ai eu de la chance (je n’ai pas attrapé le virus). Depuis, j’ai pu revenir en Belgique, en France et en Italie. Pour l’instant, je vais bien. Mais vous savez, certains virus sont intelligents et savent à qui s’attaquer.
Vous avez joué dans plus de 65 films. Qu’est-ce qui vous motive encore ?
C’est un métier tellement génial ! Il faut travailler sans arrêt, c’est clair, mais j’ai la chance de faire des films en France et aussi aux États-Unis, d’être sollicité des deux côtés de l’Atlantique, ce qui est formidable ! Ici, à Paris, il y a tellement de culture. C’est une ville incroyable. L’Italie est aussi un pays magnifique.
Vous avez travaillé avec des réalisateurs internationaux – français, américains, allemands et chinois. Quelle vision du cinéma vous a le plus marqué ?
Honnêtement, je ne vois pas les choses de cette façon – j’ai pris un risque avec « Chasse à l’homme » en 1993 et John Woo alors qu’il était encore relativement peu connu. Ils m’ont donné un mois pour écrire le scénario avec peu de moyens. C’était pareil avec Roland Emmerich quand j’ai travaillé sur « Universal Soldier » (son plus gros succès au box-office, NDLR) – à l’époque, il n’était qu’un réalisateur allemand parmi d’autres, complètement inconnu. Idem pour Stephen Norrington – personne ne connaissait son travail non plus. Je l’ai engagé et nous avons fait le film « Blade ». J’aimerais beaucoup travailler avec Scorsese, Tony Scott, Peter Weir… Mais j’ai déjà fait un tas de films qui ont rapporté beaucoup d’argent, sans réalisateur. C’est ça qui est beau dans mon métier !
Interpréter le rôle du méchant dans James Bond me conviendrait parfaitement.
En tant qu’acteur, vous aimez être dirigé ?
Je suis facile à vivre et toujours prêt à écouter. Si vous êtes dans une Ferrari avec un pilote de Ferrari, vous ne touchez pas à la voiture. Avec un bon réalisateur, c’est la même chose. Il sait ce qu’il fait. Alors, vous le suivez et la fermez : toc toc… Nous sommes prêts… Rendez-vous sur le plateau. Quand vous êtes uniquement concentré sur votre jeu, c’est parfait. Mais j’ai fait beaucoup de films où je devais aussi m’occuper du montage. Quand on compare Tom Cruise dans « Né un 4 juillet » (réalisé par Oliver Stone) à Tom Cruise dans « Cocktail » (réalisé par Roger Donaldson), on comprend à quel point il est crucial de travailler avec un bon réalisateur. Si je fais un jour un film avec Scorsese, il ne me laissera pas bouger le petit doigt tant qu’il ne sera pas satisfait de ma performance.
Vous avez des projets en cours ?
Quatre ou cinq ! Un à L.A. pour Netflix, un autre génial dans le genre de « Die Hard ». Je suis aussi en train d’écrire quelque chose avec Nick Vallelonga, qui a remporté le Guild Award en 2018 pour le meilleur scénario avec « Green Book ». Il a également écrit le scénario d’un autre film qui marquera ma dernière incursion dans les arts martiaux. Mais pour l’instant, je me détends, et on verra bien ce que l’avenir me réserve !
Jul, le rappeur français, a fait référence à vos « gros bras » dans l’une de ses chansons. Ça fait quoi d’être encore une source d’inspiration pour les jeunes d’aujourd’hui ?
C’est visuel, ils admirent un personnage. Ils voient des acteurs comme moi ou comme Brad Pitt, qui s’oublient dans un scénario, qui habitent un rôle plus vrai que nature. Il est impossible de savoir qui on est réellement, car ils ne nous ont pas rencontrés.
L’honnêteté, la meilleure politique ?
Si vous mentez, vous vous mentez à vous-même, donc c’est un peu bête de s’inventer des histoires et des trucs insensés ; pour moi, c’est encore pire que la mythomanie. Il vaut mieux ne pas se prendre trop au sérieux. Les acteurs sont des gens ordinaires. Ils ont connu le succès, ils étaient là au bon moment et ont créé leurs propres opportunités. Il y a beaucoup d’autres artistes de talent qui n’ont pas droit à la même reconnaissance. Alors, mieux vaut rester cool !
Quelle importance a eu le succès pour vous ?
À 10 ou 11 ans, je savais déjà que je voulais réussir. L’état d’esprit est capital – la façon de penser mais aussi de se comporter. Il est donc indispensable de réfléchir à ce qu’on veut devenir, à la manière dont on veut être perçu par le public, et puis il faut avoir la gnaque. Pour réussir, il faut vraiment le vouloir.
Vous conseilleriez quoi aux jeunes qui veulent faire carrière dans le cinéma ou les arts martiaux, ou bien aux jeunes en général ?
Tout d’abord, qu’ils apprennent à se connaître. De nos jours, les jeunes ne savent pas qui ils sont. Ils sont bombardés d’informations, ils sont distraits par les bruits extérieurs et n’écoutent pas leur voix intérieure. Le son est à l’intérieur ; le bruit est à l’extérieur. Ils devraient s’écouter. Qui suis-je ? Que suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Quelles sont mes forces ? Alors, prenez le temps de vous regarder. Laissez tomber YouTube et votre téléphone portable ! Les réseaux sociaux ne vont pas disparaître, essayez de déconnecter pendant un mois et apprenez à vous connaître !
De nos jours, les jeunes ne savent pas qui ils sont. Ils sont bombardés d’informations, distraits par les bruits extérieurs et n’écoutent pas leur voix intérieure.
Et vous, vous y arrivez comment ?
J’appelle ça le « basic instinct » : développer le corps et l’esprit, mais pas à l’école. Lorsqu’on est submergé d’informations, l’instinct n’a pas le temps de se développer. J’ai arrêté l’école tôt, ce que je ne recommande pas, mais grâce à ça, j’ai eu l’occasion de stimuler mon intuition. Lorsque j’ai quitté L.A., après avoir connu de nombreux hauts et bas, je suis parti à Hong Kong où je vis toujours. Maintenant, je vais sur YouTube et j’apprends ce que j’ai envie d’apprendre – tout ce qui remonte à l’époque sumérienne, mais aussi les symboles, les constellations (et plus particulièrement celle d’Andromaque), le réchauffement climatique, les ordinateurs quantiques – des choses capitales de nos jours –, la génétique humaine, d’où nous venons… Apprendre autant est une bénédiction (et parfois une malédiction !), mais je me sens beaucoup plus instruit maintenant et je peux parler d’un tas de choses, en particulier de l’histoire, de ce que c’est que d’être humain, de la terre, du cosmos, des mathématiques, de la vie, du destin, de tout ! Bien sûr, je ne suis pas parfait, je dis des conneries comme tout le monde !
Vous êtes quelqu’un de discipliné ?
Concernant la nourriture par exemple, je trouve qu’il y a une façon de manger. On peut prendre six à sept repas par jour. Et on peut aussi manger plus de malbouffe (rires). Lorsque le corps est habitué à manger aussi souvent, il ne conserve que 30 % des graisses et brûle le reste parce qu’il « sait »… Alors que si on ne mange que deux à trois fois par jour, le corps conserve 70 % des graisses ! Le secret : de petites portions. Au début, on se sent ballonné, car le corps n’est pas habitué. Un demi-repas, une petite banane par-ci par-là. Par exemple, je suis en train de grignoter du chocolat, c’est génial, c’est délicieux et dans 20 minutes, je vais manger des pâtes. En brûlant les graisses, mon corps se nettoie naturellement.
Vous faites encore régulièrement du sport ?
Tous les jours ! Obligé, au moins deux heures par jour. Étirements, haltérophilie, vélo, j’alterne. Mon corps en a besoin, mon cœur aussi – mon taux de sérotonine doit être élevé –, c’est comme une drogue. Mais parfois, je suis fatigué. Alors, je vais à la salle de sport, je soulève des poids légers. Et puis je nage. Ces temps-ci, plutôt que de faire du sport comme un forcené, je reste actif, et il m’arrive même de m’endormir à la salle de sport ! On ne dort pas vraiment quand c’est comme ça – on continue à penser, notre inconscient continue à fonctionner… Quand je m’entraîne, je sépare mon esprit de mon corps. Sur un vélo, je me cale sur un rythme jusqu’à ce que je n’entende plus que les battements de mon cœur. Les idées affluent à mesure que mon cerveau s’oxygène ! Il m’est déjà arrivé deux fois de m’endormir sur un vélo.
Et la mode ?
Hum… La mode, c’est beau. Je m’habille toujours en noir de la tête aux pieds. Là, je porte un training noir (j’ai oublié mon pantalon sur le bateau !). Ça me rappelle le temps où je bossais sur « Expendables » avec Stallone, il m’a dit un jour : « Je n’aime pas ta veste à col en fourrure », ce à quoi j’ai répondu : « Je m’en fous. » J’ai dit : « Stallone » – enfin, je l’appelle Monsieur Stallone… On s’est disputés, je n’ai pas peur de dire les choses comme elles sont… Avec respect… Alors j’ai répondu : « Monsieur Stallone, je me fiche d’être habillé en noir, en rouge, en rose… ça n’a aucune importance… Je vais vous donner ce dont vous avez besoin… Un vrai méchant… Un pur bad guy ! »
Vous préférez des rôles de héros ou de bad guy ?
Ça dépend du scénario. Mais jouer un méchant est amusant. Je peux vraiment m’investir dans le rôle. Interpréter le rôle du méchant dans un film de James Bond me conviendrait parfaitement ! J’adorerais ça, mais Marvel et d’autres franchises du genre ne m’ont jamais contacté ! Ils ont peur de m’appeler ! J’aurais pu jouer le rôle de Spider-Man ou Batman – c’est comme la saga « Fast and Furious », Vin Diesel ne veut pas que Van Damme joue dans ses films. Je les intimide !
Je suis in love de tout. C’est ce qui me permet d’être heureux, même face à la tristesse.
Vous leur faites peur ?
Je ne sais pas. Peut-être qu’ils ne peuvent pas rivaliser avec moi ! Ils peuvent faire des films d’action, mais, en même temps, ils n’y connaissent rien en danse ou en chorégraphie. Ils ne peuvent pas faire les deux. Ils ne sont pas Bébel ! Alors que Belmondo peut être un Stallone, un Arnold, un Jason, c’est du grand art. Ils ont peut-être peur de cette dualité et se prennent beaucoup, beaucoup trop au sérieux. Michael Jackson est mort – comme beaucoup de grandes stars, et une fois qu’on n’est plus là… Je l’avoue, il m’est arrivé de me prendre au sérieux, avant…. Je suis croyant (en Dieu), ou plutôt en tout un tas de choses. Il y a certainement quelqu’un là-haut. L’esprit humain est si fort, ça signifie que l’espèce humaine a été créée. Nous sommes plus forts qu’un seul Dieu. Après tout, ne voudrait-il pas que nous soyons meilleurs que lui ?
Vieillir vous pose un problème ?
Je sais où je vais, et où tout ça me mènera. Et quand on meurt, on passe dans une autre dimension. On ne meurt jamais. On est toujours là, mais transformés. Des expériences de mort imminente ? Il y a des gens qui en sont revenus et décrivent ce qui s’est passé. Et une fois que vous en avez fait l’expérience, vous ne craignez plus la mort… Les gens vont encore penser que je raconte des conneries, alors je ne vais pas m’étendre sur le sujet… Mais ce qui est dur, c’est que vous ne pouvez plus toucher les gens, serrer vos enfants dans les bras. Il n’y a plus de contact physique.
Et l’amour dans tout ça ?
C’est génial. Je suis in love de tout ; l’amour, c’est tout ! C’est ce qui permet d’être heureux, même face à la tristesse. Moi, je fais des films pour l’amour de mes fans !
À LIRE AUSSI
Interview exclusive : qui est Gaëlle Garcia Diaz ?