Sara Martin Garcia, liégeoise de 27 ans, a lancé en 2020 son propre média 100% féministe axé sur la sexualité, Nicole Magazine. Son objectif : déconstruire les clichés et briser les tabous autour du plaisir féminin, du sexe, du cul, de la baise. Rencontre.
Nicole Magazine, c’est qui, c’est quoi ?
Je suis une fille, une femme, une meuf, une gonz. Et c’est sous cette identité que je vis et interagis dans notre société. J’ai grandi dans une famille où la sexualité n’était pas un sujet tabou. J’ai été éduquée pour être indépendante et libre. Libre de dire oui, et aussi de dire non. Pourtant, j’ai rapidement fait face à beaucoup de clichés et de fausses croyances sur le corps et le plaisir. Donc évidemment, je me questionne. Pourquoi ? Comment ? Et surtout, comment déconstruire tout ça ? Et là, clairement, on a du taf.
J’ai donc lancé Nicole, une communauté où l’on peut parler de cul librement jusqu’à transposer les discussions autour d’un verre à l’apéro. L'objectif, c'est de déconstruire les clichés, briser les tabous et libérer la parole sur les fausses croyances liées au féminisme, au corps, la sexualité, les relations, l’amour, l’intimité. C’est un média, plus précisément un blog, qui pose une multitude de sujets sur la table et ouvre le débat avec des articles toutes les semaines, une page Instagram avec du contenu tous les jours, des évènements, une newsletter mensuelle et un livre.
Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer ce projet ?
Après un bachelier en communication visuelle et graphique et un master en design éditorial suivis à l’ESA Saint-Luc de Liège, j'ai ensuite obtenu un certificat d’université en genre et sexualité. Et Nicole, c’était mon mémoire et mon jury de fin d’étude dont le thème était « la perception du plaisir féminin dans notre société ». Un an et demi de recherches, lectures, rencontres, échanges, reportages m'ont permis de rédiger ce mémoire. Ensuite, est venue la partie créative et c’est là que Nicole est née, sous forme d’un magazine artistique et conceptuel. Le jour J étant arrivé, je présente mon travail, et puis fini. L’école et Nicole. Et c’était inconcevable pour moi. Je décide alors de suivre plusieurs formations et coachings en création d’entreprise pour que Nicole puisse devenir concret, et s’ancrer dans ma réalité professionnelle.
Quels sont les sujets abordés et quel est le public cible ?
On parle sexualité et plaisir féminin, mais aussi rapports hommes-femmes : les relations, l’amour, le couple, la place de chacun dans ces schémas,... Plus largement, on aborde aussi des sujets comme la virilité, la masculinité, la féminité, les formes d’amour, la notion de couple. Nicole vise principalement les jeunes adultes, femmes et hommes, et plus précisément les 25-35 ans puisque je fais partie de cette génération. C’est le moment où on entre dans la « vie d’adulte », et cette transition peut être assez violente, c’est comme ça que je l’ai ressenti personnellement. On devient (on doit devenir) une femme, une amie, une cheffe d’entreprise, une employée, une amante, une compagne, une propriétaire, une locataire, une femme d’intérieur, une mère et on reste aussi la fille de ses parents. Tout est chamboulé et la société dans laquelle on évolue l’est aussi. Les sujets sont tirés de mes propres réflexions à ce stade de ma vie : c’est quoi le couple ? Comment être féministe et hétérosexuelle ? Comment vivre sa sexualité et son plaisir ? Je me rends compte que je ne suis pas la seule à me poser ces questions. La cible principale, c’est celle-ci, mais je constate que finalement elle est plus large : il y a les parents de ma génération et les plus jeunes qui s’y intéressent également. C'est super !
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Quels ont été les plus gros challenges dans le développement de Nicole Magazine ?
Le plus gros challenge, c’est de se faire entendre et être prise au sérieux. Quand je dis que j’ai lancé un média qui parle de sexualité, je vois souvent des sourires en coin et des yeux levés au ciel du genre « Oh, elle est mignonne… ». Finalement, ces anecdotes finissent en articles ou en post Instagram, je préfère le voir comme ça et me dire que ce que je fais a du sens. Développer un média aujourd’hui ce n’est pas le plus évident, je pense qu’il faut savoir où on va et être bien entourée. Pour ça, j’ai la chance d’avoir une équipe en or : des rédactrices qui écrivent sur le blog et mon amie Hélène qui m’aide au quotidien.
Qu’est-ce qui vous anime le plus dans ce projet ?
En réalité, tout. Nicole reprend tout ce qui me passionne : discuter féminismes (il en existe plusieurs), écrire sur la sexualité, le corps, le plaisir féminin, questionner les normes de notre société et surtout se rencontrer pour partager.
Vous avez également lancé une merchandising en lien avec Nicole Magazine. C’était un objectif pour vous d’en créer un business ?
Non. Nicole est une communauté et un média, pas une boutique. L’idée n’est pas d’en faire un business à part entière, mais plutôt une façon de faire vivre le projet, de décliner le message aussi sur d’autres supports et de soutenir Nicole, une aide financière pour son développement et pour qu’il puisse perdurer et grandir. Jusqu'à récemment et pendant 2 ans, j’étais seule sur ce projet, le contenu est gratuit, et comme pour toute entreprise, son développement nécessite de l’investissement financier.
Vous avez récemment sorti le livre « Dîner avec Nicole : N°1 - Tremper le biscuit ». De quoi ça parle ?
Il s’agit d’un livre à la fois féministe et artistique illustré par le photographe liégeois Fabio Amato façon menu gastro-orgasmique. En entrée, patriarcat et charge mentale. En plat, mythe de la vulve parfaite et consentement. En dessert, une part de porno... au féminin ! Des textes qui nourrissent les grandes réflexions féministes d’aujourd’hui, qui poussent à la discussion, mais aussi des références pour aller encore plus loin.
« N°1 », ça veut dire qu’il y aura un deuxième bouquin prochainement ? Un petit teaser ?
Il y aura un N°2, c’est sûr. Mais pour l’instant, d’autres projets sont en cours dont un podcast tout bientôt, ainsi qu’une très grosse refonte du site pour le transformer en un vrai média, plus complet et avec une navigation plus simple. J’ai hâte, c’est un grand pas en avant pour Nicole !
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