[caption id="attachment_36021" align="aligncenter" width="354"] Fashion Revolution Day[/caption]
Slow food, slow tourisme, slow design... Lentement, la vague "slow" a fini par toucher la mode. Consommer mieux, en restant stylé: possible ou pas ?
Il y a un an, les ateliers de sous-traitance du Rana Plaza au Bangladesh s'effondraient et faisaient plus de 1100 victimes. Ce jeudi 24 avril, plusieurs organisations lancent une campagne de sensibilisation internationale aux conditions de travail des sous-traitants de l’industrie de la mode: The Fashion Revolution Day. Un an après ce drame, les fausses idées sur la slow fashion restent encore bien ancrées. Et pourtant...
1. La modeuse se fout-elle de l’éthique ?
Pas nécessairement. Nous sommes mal placées pour les discours moralisateurs. Mais aujourd'hui, nous nous posons aussi des questions sur notre propre consommation de vêtements. Difficile de résister à ce petit haut fleuri, ces sandales à franges ou cette jolie robe fendue. Mais aussi difficile de rester sourd aux dérives de la mode. Il y a comme un hic entre la passion du vêtement et le bon sens. Mais qui a dit qu'une fashionista ne pouvait pas garder des valeurs éthiques ? Prenons par exemple...
2. Une autre lubie d’écolo, cette mode éthique ?
En quelques années, notre relation à la mode a changé: plus besoin de payer des sommes à trois chiffres pour être à la mode, on file chez H&M, Zara, Mango ou encore Primark. Ce qui compte, c'est la nouveauté. Alors on achète, sans savoir ce que l'on consomme.
Une alternative parmi d'autres: la slow fashion. D'après Carole Crabbé, coordinatrice d'AchACT (association qui vise l'amélioration des conditions de travail dans l’industrie de l’habillement ), "il y a des créateurs éthiques qui respectent des critères bien définis liés à l'écologie et veulent diminuer l'empreinte écologique de leur production: matières écologiques, bio ou recyclées, processus de fabrication qui consomment moins d'eau, d'énergie et de transports. D'autres s'intéressent plutôt aux aspects sociaux: un salaire décent, le respect des droits des travailleurs, l'interdiction du travail des enfants".
3. Inutile de dramatiser ?
Pas besoin d'être écolo ou altermondialiste pour être sensibilisé. Quelques chiffres suffisent:
- Une marque sort 4, 6, voire 8 collections par an, bien emballées avec des campagnes dignes d'un show. Avant, elle n'en sortait que 2.
- Forcément, on a envie d'acheter plus. Au final, on porte seulement 2/3 de nos vêtements. Parfois, on ne les porte qu'1 fois, voire jamais.
- 40% des chaussures analysées importées du Bangladesh contiennent du Chlore, du Chrome 6 et d'autres substances très dangereuses et interdites en Europe.
- 2000 litres d'eau sont nécessaires pour produire un t-shirt vendu 5$
- Environ 60€/mois, c'est le salaire moyen des travailleurs de l'habillement au Bangladesh et au Sri Lanka, alors que qu'une famille de 4 personnes a besoin de plus de 265€ pour couvrir ses besoins essentiels...
Pourquoi ? Pour proposer des prix bas et continuer à produire plus, les marques font appel à une main d'œuvre à bas coût. Comme elles peuvent délocaliser leur production d'un pays à l'autre, elles font jouer la concurrence et profitent de leur pauvreté. C'est pourquoi les gouvernements de ces pays fixent souvent les salaires en-dessous du minimum vital.
4. Sans impact sur les grandes marques ?
Quand il y a pile un an, les ateliers de sous-traitance textile du Rana Plaza au Bangladesh s'effondrent et entraînent la mort de plus de 1100 personnes, c'est le choc. Si l'on sait depuis longtemps que les modes de production de nos sneakers, de nos t-shirts à 15€ ou de nos jeans sont louches, on en a maintenant le cœur net. Après l'indignation publique qui s'en est suivie, l'industrie textile a donc décidé de se bouger. "Tout le monde savait que ces bâtiments étaient précaires, il y avait un petit effondrement par semaine. À l'époque, l'accord pour l'inspection des usines avait seulement été signé par le groupe Calvin Klein-Tommy Hilfiger. Aujourd'hui, on en est à 150 signatures avec, par exemples, Mango, Primark et H&M", explique Carole Crabbé.
Même s'il y a encore du chemin à faire au niveau des salaires et de la responsabilité (la question des indemnisations des victimes reste encore à régler), ça reste un bon départ. D'où viennent nos vêtements ? Comment sont-ils fabriqués ? C'est en se posant les bonnes questions qu'on va vers une consommation plus responsable, et que les grandes marques réagissent à notre demande. L'Institut Français de la Mode a interviewé une experte européenne sur la question:
http://dai.ly/x17qr09
Pour creuser le sujet des pratiques de grandes marques présentes sur le territoire belge: "Devenez achACTEURS".
5. H&M, c'est pas du tout éthique ?
Certaines grandes enseignes proposent maintenant des gammes éco-responsables. Carole Crabbé nuance la chose: "on ne peut pas avoir des produits garantis 100% responsables car ces marques possèdent une multitude de sous-traitants. Et il n'y a aucune loi qui les rende responsables des conditions des travailleurs". Une production donc difficile à tracer, même dans le cas de grosses enseignes comme H&M.
Malgré tout, celle qui figure parmi les plus grands acheteurs de coton du monde a eu un bon déclic: le bio, ça peut aussi être fashion. Du coup, elle a commencé à proposer de plus en plus de coton organique. Et a lancé ses collections Conscious. Depuis fin février, certains magasins proposent aussi des produits fabriqués à partir de fibres recyclées de la collecte de vêtements lancée en 2013 (des jeans par exemple). Grâce à ces initiatives, la marque fait partie des entreprises les plus éthiques de l'année, selon l'Institut Ethisphere.
L'éthique ? Catarina Midby, à la tête du département Fashion & Développement durable de l'enseigne, explique que tous les vêtements de la marque s'inscrivent dans une démarche durable: "on respecte un code de conduite, on a une liste de restrictions chimiques, on doit travailler sur la consommation d'eau et d'énergie, ainsi que sur les conditions sociales des travailleurs". Ces articles Conscious comportent au moins 50% de matières bio, recyclées ou en cellulose. Fashion, green et abordable: comme quoi, c'est possible !
6. Rester stylé et éthique, c’est mission impossible ?
La preuve que non, avec H&M. Maintenant, on trouve des sandales bio chez Zara. Du bio ou du recyclé qu'on retrouve aussi dans d'autres enseignes comme C&A, Levi's ou encore Adidas. Pour le moment, l'offre dans ces magasins se limite surtout aux vêtements "eco-friendly". À quand de vraies initiatives pour améliorer les conditions des travailleurs ? En attendant, la slow fashion s'élargit et se démocratise. Et elle ne touche plus seulement les babas cool écolos !
Quelques créateurs et marques, comme McGregor, Gaastra, Fendi, Stella McCartney ou Vivienne Westwood, essayent déjà de créer avec plus d'éthique. En Belgique, Bruno Pieters, ancien directeur artistique d'Hugo Boss, a lancé sa plateforme Honest By. Elle se base sur le principe de transparence et de qualité. On y trouve des vêtements made in Europe ou en matières bio, vegan, recyclées, voire hypoallergéniques.
Pour des prix plus sweet, on fait comme Marion Cotillard et on porte des fringues Ekyog. En Angleterre, des sites comme Komodo et People Tree proposent de belles collections.
Plus d'idées de shopping éthique par ici. À part la slow fashion, d'autres alternatives existent, pour celles qui veulent acheter conscient sans se priver de la mode.
7. Acheter local, c’est dur à dénicher ?
Si on achète du Made in Europe, on est au moins sûr que la fabrication est encadrée par des lois et des conventions.
C'est le credo de Stéphanie Fellen, une jeune Liégeoise qui a lancé fin 2013 Made & More, un e-shop multimarques. L'idée de cette accro à la mode est de privilégier la consommation transparente: pas forcément "green", mais Made in Europe. Elle s'explique: "J'aime la mode, mais je veux savoir d'où elle vient, comment elle est produite. Donc, je suis allée vers des marques qui mettent en avant leur origine européenne et qui n'ont rien à cacher de leur mode de fonctionnement". La preuve, elle se rend parfois sur place et propose des vidéos ou des articles sur les marques de sa boutique virtuelle. Plus transparent que ça, y a pas ! Chaque étiquette détaille l'origine du vêtement, les matières utilisées, l'atelier dans lequel il a été produit...
Son avis: "il y a beaucoup de marques françaises qui mettent en avant leur "Made in France" alors qu'elles délocalisent leur production. En fait, c'est juste designed en France". Made & More fait donc le tri pour nous et propose des vêtements qui viennent de Belgique, de Scandinavie, d'Angleterre, du Portugal... Local, fashion et éthique.
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8. Acheter vintage, c’est pour les marginaux ?
C'est plutôt carrément tendance ! Les boutiques de seconde main trendy pullulent dans les grandes villes comme Bruxelles ou Anvers et elles renouvellent souvent leur assortiment. Acheter vintage, ce n'est plus un signe de pauvreté. On peut dénicher des pièces totalement stylées qui feront la différence sur notre look. L'astuce à adopter pour ne pas porter les mêmes fringues que la moitié de la ville.
Le parcours bruxellois pour s'initier:
- Il débute à Ixelles, avec Lady Dandy (rue du Page, 81) et Les enfants d'Edouard (avenue Louise, 175-177), un peu plus loin.
- Il s'incruste chez Look 50 près de Porte de Namur (rue de la Paix, 10) avant de prendre le chemin du centre, où Foxhole (rue des Renards, 6), Bernard Gavilan (rue Blaes, 146), Idiz Bogam (rue Haute, 180-182), Gabrielle Vintage (rue des Chartreux, 27) et Isabelle Bajart (rue des Chartreux, 25) se succèdent dans une myriade de pièces uniques à dénicher.
- Et il termine la série en beauté avec Episode (rue de la Violette, 8) et Think Twice (rue du Vieux Marché au Grain, 57).
9. Faire du troc, c’est d’une autre époque ?
Comprenez, participer à des vide-dressing. Encore une option très tendance et une manière sympa de socialiser. L'avantage, c'est qu'on rencontre la personne à qui appartiennent les fringues et qu'on y fait de bonnes affaires. Et rien n'empêche d'en organiser soi-même. On peut aussi le faire virtuellement, grâce à des sites comme Lipsti (belge et sans commission) ou vide-dressing.com (français, mais avec une commission de 10% sur la vente), Oh My Dress! ou encore Fri.pe.
Et du côté des réseaux: Vide-Dressing Bruxelles, Vide-Dressing et Hipster’s closet Brussels pour les bruxelloises à l'affût. Et pour les liégeoises, Vide-Dressing Liège-Huy.
10. Acheter moins, le conseil à deux balles ?
Avec la crise, nous avons parfois décidé de diminuer la part de notre budget consacrée au shopping démesuré. Notre consommation devient, de ce fait, plus raisonnable. Et ce n'est pas plus mal: on peut consommer la mode de manière responsable en diminuant simplement nos achats compulsifs. Surtout si au final, ces fringues qu'on achète pas cher ne tiennent pas la route ou ne sont jamais portées. Une astuce: laver ses vêtements à 30° au lieu de 40°, le geste écologique qui les préservera plus longtemps. Sur ce, un petit vide-dressing s'impose !
Ayla Kardas