Penélope Cruz n’a rien perdu de la force et du charisme qui ont fait d'elle une star internationale. Outre sa beauté, son talent et son humilité sont ses plus précieux atouts en tant qu’égérie Lancôme.
En elle coexistent deux femmes. L’une est éthérée, divine, brillante ; une star internationale qui respire l’élégance sur le tapis rouge et brille avec le même naturel au cinéma, que ce soit en Europe ou à Hollywood. Et puis il y a la femme, la vraie, la mère, empathique, sensible et engagée pour que les causes qu’elle défend ne soient jamais perdues. Son moi bien réel, qu’elle a progressivement appris à mettre de côté pour ne pas souffrir à cause de ses multiples personnalités fictives, incarne désormais un trio de personnages qui crèvent l’écran. Celui qu’a imaginé Pedro Almodóvar – qui, sauf dans « Étreintes brisées », l’a toujours présentée comme une femme enceinte ou une mère courage – symbolise dans « Madres paralelas » le sacrifice de la maternité et la lutte politique.
Dans « 355 », aux côtés de Jessica Chastain, elle rejoint les rangs de l’une des unités d’espionnage les plus prestigieuses au monde. Et dans « Compétition officielle », présenté il y a quelques mois à la Mostra de Venise, elle joue le rôle pervers d’une réalisatrice qui tyrannise l’ego de ses acteurs principaux (dont Antonio Banderas). Rencontre avec Penélope Cruz, l’une des ambassadrices de prédilection du ELLE.
La première fois que vous avez fait la une du ELLE, c’était en 1997. Vous nous aviez alors confié que vous aimiez lire les magazines de mode. Que vous ont-ils apporté ?
Petite, je les feuilletais dans le salon de beauté de ma mère. J’y passais beaucoup de temps, tantôt à faire mes devoirs, tantôt à scruter les femmes qui allaient et venaient. J’ai observé comment elles se comportaient et comment elles révélaient leurs secrets à ma mère. Le salon était toujours parsemé de magazines, dont le ELLE. Je découpais des articles, je faisais des collages ou de la peinture sur les photos, je recomposais les looks… Je m’amusais à faire ça avec ma sœur et, au fil du temps, nous les avons collectionnés.
Comment avez-vous réagi quand vous êtes passée du rôle de lectrice à celui de protagoniste ?
J’étais à la fois surprise et sceptique. Je me souviens très bien de ce que j’ai ressenti en découvrant les premières couvertures. Cette sensation ne m’a d’ailleurs jamais vraiment quittée. ELLE est un magazine qui m’a toujours soutenue avec bienveillance au cours de ma carrière. C’est une relation qui dure depuis de nombreuses années.
Cette couverture a été faite lorsque vous étiez sur le point d’incarner votre premier rôle pour Pedro Almodóvar, dans « En chair et en os ». Depuis lors, et jusqu’à « Madres paralelas », on observe un parcours marqué par une grande complicité. Peut-on dire que c’est l’une des personnes qui vous a le plus aidée à avoir confiance en vous ?
Sans aucun doute. Parce qu’il a été très honnête avec moi. Pedro m’a toujours dit la vérité, sur le plateau comme dans la vie. Il n’y a pas de filtres entre nous. Notre relation est bâtie sur le respect et l’affection. C’est une amitié très forte qui s’est forgée de manière naturelle, avec une grande connexion dès le début, ce qui nous permet d’être transparents. Si j’arrive tracassée ou distraite à une répétition, il le remarque instantanément. Et pour ma part, je vois tout de suite s’il n’a pas dormi ou s’il est inquiet. C’est comme s’il faisait partie de ma famille. Cela dit, une distance très subtile se crée sur le plateau. Une distance saine que nous maintenons pour protéger notre travail et notre relation. Nous nous sommes rencontrés quand j’avais 17 ans, ça fait un bail et nous avons tourné beaucoup de films ensemble depuis lors.
Votre filmographie est jalonnée de figures de femmes puissantes et indépendantes. Mais celles-ci sont aussi pleines d’abnégation, sensibles et imparfaites. Où se situe selon vous l’essence du féminin ?
Dans la force des femmes de ma famille – mes grands-mères et ma mère – qui m’ont toujours inspirée. Je les ai vues se battre et se respecter mutuellement. Surtout ma mère, qui est une vraie force de la nature. Elle a toujours été instinctivement féministe, sans faire de longs discours, mais simplement en se donnant une place, ce qui est fondamental. Mon autre source d’inspiration est Pedro, parce qu’il aime les femmes, il les respecte, les analyse, les admire. Il nous comprend très bien. Ses films sont un hommage constant à cette mère qui l’a tant marqué, à ses sœurs et ses voisines. Tout ce qu’il a appris en observant leur instinct de survie est restitué dans ses films, ce je-ne-sais-quoi de féminin qu’ont nombre de ses personnages. Il a le don pour jouer avec les non-dits et les sous-entendus. Pour moi, c’est un grand féministe.
Et comment définiriez-vous le féminisme ?
Je pense qu’il s’agit d’un effort pour comprendre les hommes et les femmes, sans créer de divisions, bien au contraire. Selon moi, ça commence par la suppression de la séparation entre garçons et filles dans les écoles lorsqu’on explique les changements hormonaux, l’arrivée des règles ou la sexualité. Ça n’a aucun sens, car en séparant de la sorte filles et garçons, on crée des tabous. Il me semble donc qu’il y a un effort à faire dans le domaine de l’éducation.
« Compétition officielle » dissèque de manière à la fois fascinante et cruelle le métier d’acteur, en mettant sur la table des problématiques comme l’ego et l’autocritique. Comment gérez-vous ces deux questions ?
L’autocritique est une réalité. J’essaie, même si je n’y parviens pas toujours, de ne pas laisser cette voix s’exprimer entre le moment où on me dit « Moteur ! » et celui où j’entends « Coupez ». Je peux donc me permettre de m’évader et de commettre des erreurs en étant quelqu’un d’autre. Je suis capable d’entrer et de sortir de mon personnage sans le ramener chez moi. J’avais cette mauvaise habitude avant, jusqu’au jour où je me suis rendu compte que ça n’allait pas améliorer ma carrière ni ma vie. Maintenant, j’essaie de faire taire cette petite voix sans lutter, je la laisse aller et venir. Quand le travail est terminé, elle revient me tarauder, bien sûr, parce que j’analyse beaucoup ce que je fais. Quant à l’ego, il ne doit ni nous paralyser ni nous troubler. Il faut créer de la distance pour savoir comment gérer sainement les opinions, bonnes ou mauvaises. Et c’est quelque chose qui s’apprend au fil du temps. Quand on est jeune, c’est plus difficile, même si je pense que grâce à ma famille, j’ai toujours bien géré la situation. Et depuis que je suis devenue mère, j’ai radicalement changé. Ce n’est pas comme si tout à coup on passait au second plan, non, on passe au quatrième plan ! Les priorités sont différentes, mais elles apportent beaucoup de bonheur.
À ce stade, vous préoccupez-vous de la façon dont les gens vous perçoivent ?
Pas après autant d’années. Je fais ce métier depuis que j’ai 15 ans et à l’époque, il n’y avait pas de réseaux sociaux, pas internet. Et bien sûr, pas question de se Googler soi-même (ce qu’il faut, à mon avis, éviter à tout prix). Je m’en moque, je ne lis pas les commentaires ; je ne crois ni aux bons ni aux mauvais.
Pensez-vous que les réseaux sociaux sont un terrain miné ?
Il faut les utiliser en connaissance de cause et avec prudence. Des milliers d’adolescents y sont actifs, et si même nous, adultes, avons parfois du mal, imaginez ce qu’il en est pour eux. L’accès incontrôlé et non surveillé des enfants me préoccupe. Ils ne sont pas préparés à cette exposition. De nombreuses situations d’insécurité peuvent survenir, avec quelles conséquences ? C’est une question très sérieuse, sur laquelle je suis intraitable. Les enfants devraient avoir droit à leur enfance. Or, les statistiques montrent qu’ils sont en train de la perdre. On ne peut pas faire semblant de rien. Cette génération mérite qu’on s’attaque sérieusement à ce problème.
La pandémie a paralysé les tournages, nous a enfermés chez nous, pétrifiés par la peur. Vous avez décidé de faire don de matériel de santé et de collaborer avec la Croix-Rouge et la Banque alimentaire.
Personne n’a été touché dans notre famille, mais nous avons vu de nombreuses personnes mourir dans des conditions terribles. Nous ne pouvions pas rester les bras croisés. La vie nous a offert, à mon mari et à moi-même, l’occasion de donner un coup de main. C’était trois fois rien, mais je me suis sentie chanceuse de pouvoir faire quelque chose, car je pense que chaque geste compte. Le plus difficile, ça a été l’organisation : des heures au téléphone, à chercher un moyen d’obtenir ce dont nous avions besoin, puis de tout acheminer...
Tout au long de votre carrière, vous avez évolué en tant qu’actrice, vous êtes passée à la réalisation et maintenant vous produisez également. Pourquoi ?
Je suis arrivée à un stade où je peux défendre mes propres projets. Ils ne sont pas toujours couronnés de succès, mais j’essaie de soutenir des initiatives qui racontent des histoires importantes à mes yeux. Le prochain, « En los márgenes », est réalisé par Juan Diego Botto. Nous nous connaissons depuis l’âge de 13 ans, nous avons étudié ensemble et je l’ai vu faire des choses incroyables.
Je lui ai donc proposé qu’on monte un projet. L’idée, c’était qu’il écrive le scénario, que je le produise et que nous jouions tous les deux dans le film. Mais quand il a eu fini d’écrire, je lui ai dit qu’il devait aussi le réaliser. Je suis fière de ça. Fière d’apprendre et d’apporter ma petite pierre à l’édifice, comme je l’ai fait avec le documentaire « Soy uno entre cien mil », qui a permis de récolter des fonds pour lutter contre le cancer pédiatrique. Très bientôt, je produirai et réaliserai un autre documentaire, qui me prendra deux à trois ans, car il implique de nombreux voyages, de multiples rencontres et interviews. Ça fait dix ans que je veux le faire, mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. Une chose est sûre, c’est ma priorité sur le plan professionnel.
Équipe de production - Réalisation : Sylvia Montoliu. Make-up et coiffure : Pablo Iglesias pour Lancôme. Manucure : Lucero Hurtado. Assistant stylisme : Itziar Saettone. Modèle : Penélope Cruz.
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