Un coup de foudre. Voilà ce qu’il s’est produit lors du premier voyage d’Yves Saint Laurent à Marrakech. La naissance d’une véritable histoire d’amour qui l’a marqué à jamais.
Et qui de mieux que Laurence Benaïm, biographe d’Yves Saint Laurent, journaliste et écrivaine, pour éclairer sur cette période de la vie du mythique créateur ?
YSL découvre Marrakech en 1966. Qu’est-ce qui le mène là-bas ?
Il s’y rend pour la première fois avec son compagnon Pierre Bergé lors d’un voyage privé. Ils raconteront que, ce jour-là, le temps était mauvais, il faisait gris, la vision n’est pas du tout idyllique. À cette époque, Marrakech n’est pas du tout celle que l’on connaît aujourd’hui avec sa Palmeraie et ses belles villas.
Lors de ce premier voyage, le couple décide tout de suite d’acheter une maison. Cette spontanéité le caractérise-t-il ?
Je ne parlerais pas de spontanéité. Yves Saint Laurent était resté un grand enfant, quand il voyait une chose qu’il aimait, il la lui fallait tout de suite. Et Pierre Bergé aimait posséder les choses, c’est son côté prédateur.
Qu’avait-il l’habitude de dire lorsqu’il parlait de Marrakech ?
Il parlait de la bienfaisante magie rose de Marrakech. Il est tombé amoureux de cette ville, sa lumière, sa culture, ses arts, ses habitant·e·s. Là-bas, il va vivre cet âge d’or très libérateur et vivre la féerie orientaliste qui a séduit tous les amoureux de l’Orient.
Est-il différent là-bas de celui qu’il est à Paris ?
Chez Yves Saint Laurent, il y a une dimension assez bipolaire. À Marrakech, on le voit en photo dans sa villa avec sa djellaba blanche et portant des babouches alors qu’à Paris, il s’habille en costume. Il a l’intelligence d’un caméléon, le sens des lieux, il ne se déguise pas en Parisien à Marrakech ni en nomade à Paris.
Dans les années 70, Marrakech devient très festive. Il n’y va donc pas spécialement pour s’isoler en quête de calme et de solitude pour créer ?
Effectivement, Marrakech se transforme et devient très festive. Il vivra à fond cette période, les soirées, la débauche de toute une génération, celle du baby-boom. Il vit totalement cet exutoire charnel et sensuel. Mais au bout d’un certain temps, il a fait le tour de ce monde de la fête. On peut dire qu’il en est en quelque sorte le baromètre. Il se réveille dans ce silence de mort des premières victimes du sida. Et y échappe. Dans la seconde partie de sa vie, à partir de 1983, il va s’identifier à Proust, et faire de Marrakech un endroit où il va se réfugier. Les deux aspects sont présents. D’ailleurs, symboliquement, la première maison qu’il achète se trouve dans la médina, alors que les autres seront plus isolées, à la campagne. Il aimait y venir pour se cacher, être incognito, vivre une vie beaucoup plus intimiste et fuir l’exposition qu’il vivait à Paris.
Cette passion pour Marrakech transforme le couturier, mais est-ce qu’elle transforme aussi l’homme ?
Je ne sais pas si elle le transforme, je dirais plus qu’elle le révèle. Tant le couturier, qui a grandi à l’école du tailleur et qui passe alors au flou, à la sensualité des crêpes, des mousselines, de la transparence, que l’homme que l’on voit apparaître barbu, lui qui était un jeune homme si rangé, toujours en blouse blanche. Il devient ce que j’appelle le « beatnik de la rue Spontini ». Il se transforme, il ne porte plus de cravate, il fait de la gymnastique, travaille son bronzage, il découvre son propre corps.
Il s’inspire par la suite de cette ville pour ses créations mode, mais cette ville l’inspire-t-elle pour le développement de ses parfums ?
Tout à fait et je pense en particulier au parfum Opium (1977) qui est l’oriental par excellence ou encore Paris (1983), un concentré de roses incroyable. Il y a toujours dans ses créations de mode, de parfum, mais aussi de maquillage, des couleurs saturées, puissantes, qui sont des clins d’oeil à Marrakech. Une incroyable palette chromatique qui ne va cesser de l’inspirer. Pour lui, la beauté et la mode sont complètement liées au Maroc à travers cet idéal orientaliste, très charnel, les yeux noirs maquillés, les femmes parfumées et des couleurs très intenses. Lorsqu’il lancera la beauté, il dira même : « Il manquait un visage à la femme que j’habille. »
Quelles sont les odeurs qu’il aimait tout particulièrement ?
Des odeurs puissantes, à commencer par celle du lys, l’anagramme de son nom, de la rose, des tubéreuses, toujours des parfums intenses, des notes animales, ambrées, mais aussi très fleuries.
Quel lieu à Marrakech symbolise le mieux YSL ?
Selon moi, toute l’âme d’YSL est dans ce jardin conçu par les paysagistes Éric Ossart et Arnaud Maurières pour YSL Beauté. Il ne s’agit pas de nostalgie, pas de pèlerinage. C’est le témoin de ce que la nature peut nous offrir de meilleur à travers l’ensorcellement des couleurs qu’aimait tant Yves Saint Laurent. Il s’agit d’expérience, d’imprégnation.
Comment prenait-il soin de lui au quotidien ?
Au début de sa carrière, il était comme une sorte de geek, un jeune homme tellement sérieux, qui ne s’occupait pas trop de lui, même s’il a toujours été obsédé par son apparence et l’image qu’il pouvait renvoyer. Ensuite, il a commencé à prendre soin de lui et à devenir beau tardivement. Il est même, à un moment donné, devenu une sorte d’incarnation de jeune dieu sur terre en posant nu en 71. Après, il y a eu les drogues, l’alcool et ces paradis artificiels qui l’ont progressivement détruits, mais, malgré tout, jusqu’au bout, il était dans le contrôle de son image. Tout en opposition. À la fois le monstre de sa propre vie par ses excès, mais aussi le plus exquis gentleman qui soit.
Quelles sont ses plus grandes qualités d’homme et de créateur ?
L’intelligence, la générosité. C’est difficile de différencier les deux, Yves Saint Laurent c’est tout terriblement, tout est lié.
Libre, est-ce un mot qui définit bien YSL ?
C’est un mot qui définit très bien le créateur puisqu’il a été celui qui s’est affranchi le premier des codes de la mode de son époque et le premier à démolir les barrières et conventions existantes autour du sexe, de la mode, etc. Il avait toujours besoin d’un cadre, mais sa liberté c’était de pouvoir inventer ce cadre,
à sa façon.
Une nouvelle facette de Libre
Libre, ce mot qui collait si bien à la peau du créateur, Yves Saint Laurent Beauté a décidé d’en faire un parfum car il est évident que rien n’est plus vital aujourd’hui que la liberté. Une fragrance au succès immédiat, désormais emblématique de la marque, qui revient avec une nouvelle signature olfactive florale épicée et miellée. Les parfumeurs, Anne Flipo et Carlos Benaïm, ont voulu décupler sa sensualité, son intensité, en l’habillant de notes chaudes. Une structure fougère, signature de Libre, des notes amplifiées de fleur d’oranger, une lavande fraîche, de la bergamote, une explosion de gingembre alliée à l’accord de safran cultivé dans les Jardins collectifs de l’Ourika d’YSL Beauté au Maroc et utilisé pour la toute première fois dans une fragrance.
Touché par l’épice flamboyante, Libre Le Parfum devient aussi rouge que la terre du Maroc qui a tant inspiré la palette flamboyante du couturier.
50 ml, 124 €
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