Le métavers n’en est qu’à ses débuts et pourtant, il est déjà pris d’assaut par les grands noms de l’industrie cosmétique. Mais qu’attendent-ils de ce nouveau « place to be » virtuel ?
Cyptomonnaie par-ci, NFT par là. Bienvenue dans une nouvelle ère, celle du Web 3. Une version améliorée, décentralisée (et un brin futuriste) d’internet tel que nous le connaissons aujourd’hui. La star de cet internet des temps modernes ? Le métavers, littéralement au-delà (« méta ») de l’univers (« vers »). L’idée est simple : repousser les frontières du virtuel grâce à un espace en 3D totalement immersif et interactif. Dans cet univers parallèle, nos avatars (nous, en version pixellisée) pourraient donc interagir presque comme dans la vraie vie : socialiser, jouer, explorer, travailler… Ce monde numérique n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais il suscite déjà l’intérêt de nombreuses entreprises bien décidées à ne pas louper le coche.
The univers to be
« On constate que les entreprises voient un énorme potentiel dans le métavers », commente Aline Strouvens, Head of PR pour Sortlist, la plateforme qui met en relation entreprises et agences marketing. « Notre sondage* montre qu’elles y investissent 10 à 20% de leur budget innovation, ce qui est énorme pour une technologie qui en est à ses prémisses. La majorité des entreprises sondées affirment que le métavers va exploser dans les cinq prochaines années. Le fait qu’elles investissent déjà un budget important montre qu’elles le voient comme une révolution et un univers dans lequel il faudra être présent. »
Si le terme « métavers » est sur toutes les lèvres, c’est parce qu’il a de quoi faire rêver. Notamment du côté des grands noms de la mode et de la beauté qui y voient là un nouveau terrain de jeu à explorer. Gucci, Dior, Clinique, Nars, Charlotte Tilbury ou encore Guerlain… Nombreux sont les acteurs de l’industrie cosmétique à s’aventurer dans ce monde virtuel dont on ignore encore presque tout. En mars dernier, la toute première Fashion Week organisée dans le métavers voyait le jour. À cette occasion, Estée Lauder, partenaire beauté exclusif de l’événement, a développé un NFT (acronyme de « non-fongible token », soit un « jeton non fongible ») inspiré du sérum iconique de la marque, Advanced Night Repair. On pouvait alors essayer virtuellement le produit et constater immédiatement ses effets grâce à un filtre lumineux appliqué sur notre avatar. La technologie a donc permis de rendre tangible – instantanément – la promesse du sérum.
Un nouvel espace de créativité et de communication
Avec les filtres de maquillage, les miroirs connectés, et les applications d’essais virtuels, l’industrie de la beauté n’est pas étrangère aux innovations technologiques. « Le métavers amène une réflexion sur comment évoluera le virtuel demain, mais c’est aussi de nouvelles opportunités d’expression », analyse Sébastien Perret, consultant mode. « Le métavers offre aux marques un nouveau moyen de communiquer et de diffuser auprès du consommateur et de la consommatrice. L’interaction est plus proche, plus axée sur la relation client·e. Cela permet de créer des expériences, mais aussi d’amplifier le storytelling, de générer de l’émotion et du rêve. »
Se lancer dans le métavers permet aussi de toucher une nouvelle cible : les adeptes des jeux vidéo. Et ce n’est pas un secret que le marché du gaming a explosé ces dernières années. À tel point que les marques s’y intéressent de près : Charlotte Tilbury a parrainé le Girl Gamer Festival, Nars et Givenchy ont signé des partenariats avec Animal Crossing, Fenty Beauty s’est associé avec le développeur de jeux vidéo Riot Games, et Dior Beauté a imaginé une ligne de maquillages pour avatars sur Zepeto, une célèbre application sud-coréenne de jeux en ligne qui compte plus de 200 millions d’utilisateurs/trices dans le monde.
Pour l’expert des transformations digitales Dado Van Peteghem, ces jeux sont « le prélude du métavers » et il suffit d’observer les habitudes de dépenses des jeunes sur Fortnite ou Minecraft pour imaginer l’importance que prendra « l’identité numérique » dans le métavers. « Nous ne faisons que commencer, et je suis convaincu que vous et moi dépenserons de l’argent pour l’identité de nos avatars à l’avenir », assure l’entrepreneur flamand.
Un avis partagé par Aline Strouvens : « Sur les réseaux sociaux, on remarque déjà que beaucoup de personnes se construisent une image virtuelle et y accordent beaucoup d’importance. Les filtres sur les photos en sont un bon exemple. » Et dans le métavers ? « On peut se réinventer dans un monde virtuel, être la personne qu’on aurait voulu être et c’est là tout l’intérêt des marques de cosmétiques. »
Une expérience à 360°
Alors qu’on reproche souvent aux écrans de créer une barrière entre la réalité et le virtuel, le métavers nous plonge dans un univers en trois dimensions. « On est dans un espace complètement immersif à une époque où l’on dit que ce qui prime, c’est l’expérience », souligne Karine Rabreau, consultante beauté. « C’est un nouvel espace de créativité qui s’ouvre, mais il faut savoir ce qu’on veut y raconter et comment on veut s’y exposer. »
Et certaines marques ont déjà bien compris la nécessité d’explorer ce nouveau monde en étant en adéquation avec les valeurs qu’elles prônent dans la vraie vie. Pour preuve, Clinique et sa campagne « Metaverse Like Us » qui vise à « construire un monde de beauté numérique meilleur et plus inclusif, axé sur l’accessibilité, afin de remédier au manque de représentation dans le métavers ». Ainsi, Clinique propose aux utilisateurs/trices 8 888 profils d’avatars féminins ou non binaires, en veillant à représenter aussi bien les personnes atteintes du syndrome de Down que celles touchées par le vitiligo. Dans la vraie vie, la marque a fait appel à trois make-up artistes pour imaginer les mises en beauté de ces avatars. Et les client·e·s peuvent acheter les produits qui ont inspiré les looks numériques ou prendre part à différents évènements sur le thème de l’inclusivité.
Autre exemple avec NYX Professional Makeup qui a organisé en juin dernier une parade virtuelle en faveur de la communauté LGBTQIA+ sur la plateforme de jeu décentralisée The Sandbox. L’idée ? Montrer que le maquillage n’est pas une question de genre à l’aide d’une collection d’avatars pimpés à l’aide de la gamme de teintes diversifiée de NYX Professional Makeup. Baptisée « Paint Your Own Story », cette Pride virtuelle s’accompagnait d’actions concrètes dans le monde réel, montrant l’intérêt de la marque pour la cause LGBTQIA+ tant dans le monde numérique que physique.
Si le métavers semble encore complexe pour le moment, il n’en est pas moins un lieu incontournable pour les marques de beauté les plus innovantes qui se doivent d’être toujours en avance dans l’expression de la société.
Des défis à relever
Si l’engouement du côté des entreprises est confirmé, qu’en est-il des consommateurs et consommatrices ? 54% des utilisateurs/trices interrogé·es par Sortlist disent qu’ils ne feraient pas confiance à un monde virtuel. À l’heure de la méfiance vis-à-vis des technologies et des problèmes liés à la cybersécurité, les entreprises vont devoir trouver des solutions. Un double défi se profile donc à l’horizon : « Il va non seulement falloir éduquer les gens sur l’utilisation du métavers, mais aussi mettre en place des systèmes pour protéger les données et les utilisateurs/trices », estime Aline Strouvens. « Les entreprises sont conscientes de ces enjeux et travaillent déjà dessus. Le succès du métavers dépendra aussi de la façon dont elles répondront à ces problématiques. »
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