Ça y est, les fêtes sont derrière nous, les cadeaux déballés, les sapins déshabillés et on subit tous un peu cette gueule de bois latente qui survient quand on a passé un très bon moment et que tout est fini. Oui, ça brille un peu moins qu’avant et il fait toujours aussi froid. De là à parler de January Blues ou encore de Blue Monday, élu le jour le plus déprimant de l’année ? On a posé la question à la médecin psychothérapeute Anne-Françoise Meulemans, fondatrice du CentrEmergences.
Le Blue Monday, un concept bidon ?
Car il ne faut pas chercher bien loin pour trouver l’origine du Blue Monday sur Internet. Le concept, né aux États-Unis en 2015, est en fait l’invention de l’agence de voyage Sky Travel. L’objectif ? Nous vendre des vacances pour fuir le jour le plus triste de l’année, censé arriver tous les troisièmes lundis du mois de janvier. Pour rendre le truc crédible, une équation a même été inventée pour donner au Blue Monday un poids quasi-scientifique. Derrière ce calcul « savant » ? Cliff Arnall, professeur de psychologie, qui a mis au point cette fraction en mêlant différents paramètres tels que la météo, les dettes contractées pendant les fêtes, le temps écoulé depuis Noël et Nouvel An ou encore le manque de motivation.
En cherchant un peu plus loin, on découvre que Cliff Arnall a également été commissionné par Wall’s, une marque de glace, pour médiatiser le jour le plus heureux de l’année grâce à une équation similaire. Pour les curieux, la date se situe au cours de la seconde moitié de juin. Cliff Arnall a finalement avoué par la suite que sa formule n’avait aucun sens. Joli coup marketing, puisque 18 ans après, on en parle encore…
Doit-on tous déprimer au mois de janvier ?
Oui et non selon Anne-Françoise Meulemans. « Ça marche d’en parler, et il y a derrière le Blue Monday et le January Blues un phénomène marketing et médiatique qui fait vendre », explique-t-elle. « On essaie de créer des événements pour fournir ensuite les recettes qui vont avec, et le business fonctionne pas mal ». La psychothérapeute concède cependant que le mois de janvier n’est certainement pas le plus glamour : période post-fêtes, journées plus courtes, mauvais temps… « Il y a d’une part un conditionnement à travers la presse qui tend à normaliser une soi-disant pathologie qu’elle dénonce, et d’autre part des éléments de vérité qu’il est difficile d’ignorer ».
En hiver, le manque de lumière cause un déficit de sérotonine et un surplus de mélanine. On hiberne. Forcément, cette période mène à plus d’introspection, notre jauge d’énergie descend et on se sent plus fatigué, ce qui déteint forcément sur le moral. Mais la médecin psychothérapeute rappelle qu’il est tout à fait normal de passer par des périodes de blues. Le danger vient plutôt du conditionnement, lorsqu’on met des lunettes noires à ceux qui ne les avaient pas encore sur les yeux, et de la généralisation de cet état comme un trouble à guérir. « Il peut être rassurant de se dire qu’on n’est pas tout seul, que ce n’est pas nous mais la météo, ça nous permet de relativiser autour d’une souffrance commune. Mais il serait intéressant d’interroger aussi notre rapport au temps et à la météo. »
Les charmes de l’hiver
Son conseil ? Puisqu’il faut de toute façon y passer chaque année, essayer de déceler les charmes de l’hiver, voire des avantages de ce petit blues hivernal et de cette fatigue liée à la saison. D’amener un nuancier en somme, au lieu de suivre automatiquement l’injonction tacite de rester calfeutré chez soi car il fait moche. « Il y a cette tendance à dire ‘faites-vous plaisir, cocoonez, prenez soin de vous…’ Ça donne finalement une vision un peu misérabiliste de la saison. Je conseillerais plutôt de sortir de chez soi, d’aller faire une balade même quand il fait froid, et de cocooner après pourquoi pas ». La psychothérapeute cite l’exemple des Nordistes qui ont pris l’habitude de se faire plaisir en tout temps. « L’hiver, c’est aussi le moment de se mettre au défi et de tester sa résistance. Le mauvais temps a ses charmes aussi, car on peut s’en plaindre et ça fait parfois du bien de râler (rire) ».
Quand peut-on parler de déprime saisonnière ?
Certaines personnes plus vulnérables peuvent éprouver plus de difficultés que les autres lors des changements de saison. On ne dort pas ou on dort mal, on ne parvient plus à se motiver, ni à puiser dans nos ressources pour rebondir aux différents événements de la journée. Pour certain.e.s, il s’agit simplement d’une période plus compliquée, et le fait que les jours raccourcissent n’arrangent rien. « Quand on observe des signes dépressifs, il est important d’être vigilant. Vous pouvez consulter un spécialiste, mais pas que. Vous pouvez aussi faire appel aux moyens autour de vous, et mettre en place des moyens d’aller mieux ».
Anne-Françoise Meulemans rappelle également que le blues saisonnier n’est pas uniquement lié à l’hiver. Tout comme certain.e.s n’aiment pas la période de Noël, certain.e.s n’aiment pas l’été pour des raisons personnelles ou pour des raisons liées à leur histoire et à leur expérience. Il y a donc une part de vrai et une part de conditionnement dans le Blue Monday, mais que faire si l’on se sent tout de même déprimé en ce moment ? Trouver cinq avantages à l’expérience que l’on est en train de vivre, conseille-t-elle. L’objectif : réaliser un travail de reconditionnement positif. Autrement dit, revoir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. « Penser qu’un lundi matin de janvier est forcément terrible n’est qu’une croyance acquise. On peut tout à fait essayer de mettre quelque chose de doux et de tendre en trouvant des points positifs dans chaque situation ». Le blues de l’hiver rend l’été d’autant plus joli, il permet de cocooner chez soi, d’avoir l’excuse parfaite pour ne rien faire parfois, puis une fois ce délicieux moment d’auto-complaisance passé, de sortir enfin de chez soi.
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