En Belgique, les femmes sont moins nombreuses à entreprendre et investir que leurs homologues masculins. Pourtant, chaque année, les chiffres augmentent et à Bruxelles. Les indépendantes sont aujourd’hui légèrement plus nombreuses que les hommes. L’entrepreneuriat a le vent en poupe chez les femmes.
Lorsqu’on pense entrepreneuriat, on imagine souvent reconversion de carrière, mais Loubna Azghoud, experte en entrepreneuriat et en inclusion digitale assure que c’est aussi une voie d’émancipation et d’organisation. Les femmes font pourtant face à de nombreux freins lorsqu’il s’agit d’entreprendre.
Entre autres, la peur du risque due à une éducation moins téméraire donnée aux filles qu’aux garçons ou la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, et la charge mentale dans le foyer encore souvent portée par la femme. Loubna remarque également les codes masculins qui entourent le monde entrepreneurial et financier. « L’investissement utilise un jargon de compétition qui demande certaines connaissances qui ne sont pas apprises aux femmes, » explique-t-elle, « par exemple, comment pitcher son projet en donnant envie tout en allant droit au but. » Or, lorsque l’on sait que la moi- tié des femmes entreprennent dans l’impact, on se rend compte que les valeurs diffèrent et ce jargon est donc inadapté.
L'entrepreneuriat à impact à la hausse
L’accès au financement est un autre frein important à l’entrepreneuriat féminin. En 2021, seulement 1,1% des fonds européens liés à l’entrepreneuriat ont été attribués à des femmes. Pour Loubna, il est essentiel de démystifier l’accès au financement en sensibilisant non seulement les femmes à passer la porte des fonds d’investissement, mais aussi les investisseurs à investir dans leurs projets. Heureusement, dans un monde qui change, les priorités changent également et les fonds d’investissement s’intéressent de plus en plus à l’impact. Et c’est important, car les femmes ont un rôle important à jouer.
Eva Ceh et Flore Beaumond sont Impact investing Associates chez Shaping Impact Group, une entreprise qui gère entre autres différents fonds d’investissement à impact. Dans ces fonds, l’aspect social prend autant de place que le financier : « nous croyons qu'une partie de la durabilité est aussi financière, donc les retours sur investissement que nos investisseurs reçoivent sont plutôt symboliques, » explique Eva. Les retours s’élèvent ainsi en général à 3 à 5 %, mais le retour social sur investissement est beaucoup plus important, avec un retour attendu de 200 à 300 %, que les investisseurs d'impact peuvent envisager d'investir encore et encore pour continuer d’étendre leur impact.
La phase préliminaire de financement est également différente, puisqu’il est question de définir si l’entreprise correspond à leurs fonds, en déterminant quel problème elle essaye de résoudre et les solutions apportées pour le faire.
L'investissement, une pièce à deux faces
Entrepreneuriat à impact ou non, les investisseurs préfèrent qu’une entreprise soit portée par plusieurs collaborateurs plutôt qu’une personne seule. Dans la même optique, la présence d’une femme dans l’équipe a tendance à les rassurer. « On sait que le taux de réussite est plus élevé, car les femmes sont plus responsables financièrement, plus attentives, » explique Amélie Alleman, business angel et CEO de Betuned, qui aide les candidats et les entreprises à se rencontrer d’une manière innovante et authentique. Avant de s’engager, les investisseurs contestent différents aspects du projet, comme la réalisation d’un prototype, la traction sur le marché, l’existence ou non d’un chiffre d’affaires. Il est donc important qu’ils connaissent le domaine dans lequel ils vont investir. Ainsi ils peuvent poser des questions plus pertinentes et seront plus aptes à s’assurer que le projet est viable.
La CEO de BeAngels, l’un des réseaux de business angels les plus actifs d’Europe, Claire Munck, souhaite aussi que les femmes investissent plus. « Il faut plus de femmes qui entreprennent, qui créent des sociétés à forte croissance et qu’on les aide à avoir cette ambition en les finançant, »assure-t-elle, « mais évidemment, elles auraient d’autant plus de succès si plus de femmes étaient à nos côtés pour prendre des décisions. »
Pour celles qui pensent un jour entreprendre, intégrer un réseau d’investisseurs peut être crucial afin de comprendre le fonctionnement d’une levée de fond et de se familiariser avec cet univers intimidant. Cela permet de comprendre le schéma de pensée d’un investisseur qui facilitera la construction d’une relation de confiance solide avec un actionnaire, une étape essentielle selon l’entrepreneur et cofondateur d’Evenisto et Smart Venture, Jeremy Thomas. La relation entre un entrepreneur et un investisseur est une relation de moyen à long terme qui, loin d’être seulement financière, est surtout humaine. Être transparent et ouvert avec l’actionnaire ou le business angel est un moyen d’assurer qu’il restera à nos côtés lors de moments de difficultés.
Cela implique notamment faire part de ses craintes et incertitudes, qui pourront aiguiller l’investisseur sur l’aide qu’il peut éventuellement apporter. Cette transparence est une qualité que Jeremy a pu observer chez les femmes, là où les hommes auront plus tendance à laisser leur égo prendre le dessus.
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