Kelly Massol est la fondatrice de la marque de soins capillaires Les Secrets de Loly, des produits spécialement conçus pour prendre soin des cheveux texturés. Son histoire, c’est celle d’une success-story comme on aime en lire. Mais derrière cet engouement, une réalité beaucoup moins belle qui dépeint le manque d’inclusion et de diversité des personnes afrodescendantes.
Comment a commencé l’aventure Les Secrets de Loly ?
Chez moi, dans ma cuisine. C’est là que je préparais mes premiers produits, seule et à la main. L’idée de départ c’est qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Très tôt, je m’intéresse à l’univers de la beauté, des cheveux, du naturel ; j’ai beaucoup discuté, lu, et perfectionné mes connaissances sur le sujet. J’ai appris à lire les étiquettes, à analyser les formules et je n’étais jamais satisfaite à 100 % avec ce que je trouvais sur le marché. Il y avait toujours un piège, un ingrédient caché… J’ai donc décidé de créer mes propres soins capillaires.
Comment expliquez-vous le succès rapide de votre entreprise ?
J’ai répondu à une demande, j’ai comblé un vide sur le marché et je l’ai fait avec des produits naturels qui répondaient aux attentes des consommatrices. Dans ma démarche, il y a de la sincérité, de l’authenticité. Si ma marque a décollé, c’est parce qu’elle était la réponse à différents besoins : ceux des femmes qui voulaient consommer différemment, bio et naturel, celles qui voulaient porter fièrement leurs cheveux au naturel et celles qui en avaient marre de devoir rentrer dans un moule, celles qui voulaient s’assumer telles qu’elles sont, de la tête aux pieds.
Votre parcours personnel avec vos cheveux a lui-même été compliqué ?
Mon parcours a été le même que celui de mes clientes et c’est pour ça, je pense, qu’elles se reconnaissent en moi. Ce fut une relation amie-ennemie. Ma chance est d’avoir eu le déclic très tôt et aussi d’avoir grandi dans une famille où ma grand-mère m’a dit d’attendre d’être adulte pour me défriser. Ensuite, de 18 à 25 ans, j’ai eu le temps de faire quelques dégâts dans mes cheveux, mais rien d’irrattrapable.
Ce manque de produits destinés aux cheveux texturés dépasse le simple problème esthétique selon vous ?
Bien sûr. C’est un problème sociétal. On ne peut pas vivre dans un pays qui connaît un tel brassage des populations pour que finalement six personnes sur dix ne puissent pas s’acheter du shampoing qui leur convient en se rendant tout simplement au supermarché. Si on accueille des gens, on le fait vraiment pour eux ainsi que leurs descendants. On ne peut pas faire les choses à moitié. Je pense également qu’il y a un devoir d’éducation à faire chez les coiffeurs, les distributeurs, mais aussi auprès des jeunes. Les personnes métissées ne sont pas toutes noires, ni d’origine maghrébine et parmi elles, toutes n’ont pas pour désir de se lisser les cheveux et de rentrer dans le moule caucasien des cheveux raides. Il faut fournir une alternative à ces consommatrices.
Vous pensez qu’il y a un manque de formation auprès des professionnel·le·s de la coiffure ?
Il y a de la méconnaissance, en partie. Les coiffeurs et coiffeuses ne sont pas tou·te·s formé·e·s à prendre soin des cheveux texturés. Par contre, n’allons pas dire que les industriels ne savaient pas que les formules qu’ils proposaient n’étaient pas de bonne qualité. Ce n’est pas crédible d’engager des gens qui ont bac+10 à la formulation et ensuite, dire qu’ils ne savaient pas que leurs produits ne convenaient pas aux besoins spécifiques des cheveux texturés.
Et un manque d’intérêt ?
Je pense qu’on n’a pas pris assez de recul sur l’évolution des cheveux texturés. Pour faire simple, avant, en quelque sorte, il y avait les Blancs et les Noirs. Sauf que depuis longtemps, ce n’est plus aussi tranché que ça. Il y a de plus en plus de mixité, de génération en génération. On a plus le choix, on ne peut plus fermer les yeux sur le brassage de la société. Et six personnes sur dix dans le monde, ça commence à faire beaucoup que pour nier leur existence, et leurs besoins.
Malgré tout, les choses vont dans le bon sens, selon vous ?
Les choses bougent, mais de mon point de vue, ça reste trop lent. Il y a quelques années, on était sur la représentation presque clichée de la jeune métisse aux cheveux texturés. Aujourd’hui, c’est mieux, il y a plus de diversité en matière de couleurs et de textures. Les grandes marques se veulent plus inclusives aussi, donc leur communication évolue. Mais au-delà de la représentation de l’image, il faut bosser sur l’éducation à l’école. Il faut normaliser les différences et apprendre la tolérance aux enfants. Les réseaux sociaux permettent une accélération du mouvement, ils permettent à de petites marques comme la mienne de devenir incontournables rapidement, mais on ne peut pas leur confier l’éducation des gens.
Vous êtes étonnée de l’ampleur que ça a pris ?
Je n’ai jamais rêvé petit. Quand j’ai voulu créer ma marque, j’imaginais une vraie marque, une marque multinationale. J’ai toujours vu les choses comme ça. Pour moi mes concurrents n’ont jamais été ceux de ma niche, je visais les géants, les grands groupes, les marques très connues comme L’Oréal Professionnel, Kérastase, etc. Le challenge me motive, c’est évident. En étant précurseure, au début, on ne sait pas trop où on va ni comment y arriver. Finalement, j’ai enfoncé toutes les portes qui se trouvaient sur mon chemin. J’étais la première donc, je n’avais pas le choix. Je dois reconnaître que j’aime bien faire les choses quand elles n’existent pas.
De quoi êtes-vous la plus fière aujourd’hui ?
Je n’arrive toujours pas à réaliser que des milliers de femmes utilisent chaque matin un de mes produits. C’est dingue. Je vois le chemin parcouru et j’en suis très fière.
Quel mot vous représente le mieux ?
J’ai envie de dire casse-couilles (rires), mais plus sérieusement, je dirais pugnacité. Si je ne peux pas entrer par la porte, j’irai par la fenêtre. C’est simple, je trouverai toujours un moyen d’arriver à mes fins. C’est pour ça que je n’ai jamais eu peur de me lancer dans l’entrepreneuriat. Je fais ce qu’il y a à faire, je suis comme ça. Tant que j’y prends du plaisir, je continue à avancer.
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