Sacs à main, chaussures, montres, make-up… S’il y a des paillettes, le cerveau des glitterazzi de la rédaction s’emballe. Mais une paillette n’est pas l’autre. Plongeons dans l’histoire fascinante du glitter… et cessons de nous sentir coupables d’être fabuleusement brillant·e·s.

Le terme « glitter » vient du vieux norrois glitra, qui signifie « scintiller ». Nos ancêtres étaient déjà obsédés par les paillettes, s’il leur restait un peu de temps en dehors de leur travail quotidien – se procurer une tranche de mammouth fraîche et ne pas se faire rayer de la carte par un tigre à dents de sabre. Les archéologues ont trouvé des pétroglyphes décorés de minéraux broyés datant d’une période comprise entre 1.000 et 40.000 avant J.-C. Les Mayas décoraient leurs temples avec de la peinture minérale pailletée pour les faire scintiller au soleil afin d’accentuer le pouvoir du souverain. Cléopâtre ne mettait jamais le nez dehors sans une touche de paillettes. Que celles-ci proviennent de scarabées écrasés, voilà un détail dont se passait volontiers son Jules.

Tout ce qui brille

Pourquoi l’humanité entière est-elle si friande de scintillements ? Des chercheurs et chercheuses des universités de Gand et de Houston en attribuent la cause à notre instinct, qui nous pousse à chercher de l’eau. La plomberie de l’ère préhistorique n’étant pas encore au point, il était nécessaire de scruter au loin l’éclat d’un ruisseau ou d’un lac. C’est donc par pur instinct de survie qu’on craque pour une énième veste à paillettes.

Les premiers accoutrements pailletés répondaient à des impératifs bassement pratiques : il était plus facile pour les nomades de coudre des pièces d’or sur leurs vêtements que de les conserver dans une valise. Non seulement ils s’en servaient comme assurance antivol, mais leurs reflets métalliques éloignaient aussi les mauvais esprits. Ces vêtements clinquants reflétaient également le statut social. Selon l’historienne de la mode et du textile Nancy Deihl (NYU), « les paillettes évoquent les bijoux et les métaux précieux, que nous associons à la richesse et au pouvoir ».

Le Moyen Âge était moins sombre qu’il n’y paraît : la noblesse luttait contre la « dépression de l’âge moyen » à grand renfort de paillettes. L’Opus Anglicanum, broderie anglaise aux fils d’or et d’argent, était incroyablement chronophage, mais très prisée. Plus tard, entre le XVIIe et le XIXe siècle, les paillettes ne relevaient pas de la fast fashion : des perles de verre étaient cousues une à une sur les accessoires et les vêtements pour les égayer. 

L’année 1922 est entrée dans les livres comme l’année glam’. Howard Carter découvre alors la tombe intacte de Toutankhamon. Ses robes royales sont recouvertes de paillettes d’or et rencontrent un succès immédiat dans les années folles. Pour Francis Scott Fitzgerald, « la beauté doit être étonnante, stupéfiante – elle doit s’immiscer en nous comme un rêve ». Les robes des Flappers ou garçonnes croulaient littéralement sous les paillettes métalliques. Les tentatives pour en fabriquer à base de gélatine ont été peu concluantes. La main d’un·e partenaire de danse en sueur suffisait à faire fondre le tout sur les fesses de l’intéressée.

Les paillettes de la déchiqueteuse

Les paillettes modernes ont été inventées par accident en 1934 par Henry F. Ruschmann, éleveur de bétail et machiniste, concepteur d’une machine à couper le papier photo. Il arrivait que cette machine tombe en panne, laissant échapper de petites particules que les ouvrier·e·s récupéraient pour décorer le sapin de Noël à la maison. Pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les matières premières se sont raréfiées, Henry F. Ruschmann a fait passer les restes de plastique dans la déchiqueteuse. La laine et le coton étaient peut-être des denrées rares, mais les paillettes ont inondé le marché.

C’est en 1948 que Henry F. Ruschmann fonde Meadowbrook Inventions, qui demeure aujourd’hui encore le leader du marché des paillettes, en produisant plusieurs tonnes par jour. Pour occuper un job glamour, postulez sur meadowbrookglitter.com. 

Au fil du temps, les paillettes ont conquis notre culture. Ella Fitzgerald et The Supremes montaient sur scène dans des tenues scintillantes qui ressortaient encore plus sous les spotlights. Le glamour avec un grand G était inextricablement lié au bling dans les années 40 et 50. Marlene Dietrich, Rita Hayworth et Marilyn Monroe ont fait entrer les robes à paillettes dans leur dressing. Les maisons de couture ont adopté l’invention d’Henry F. Ruschmann et, aujourd’hui encore, les paillettes font fureur sur les catwalks.

Glitter Rock

Dans le sillage de Mai 68, le Glam Rock (aussi appelé Glitter Rock) fait son apparition. Des stars comme David Bowie et son alter ego Ziggy Stardust utilisent les paillettes pour brouiller la frontière entre masculin et féminin. Des looks androgynes étincelants truffés de références à la science-fiction, à la mythologie et au cabaret trustent le haut des charts. Iggy Pop, les Rolling Stones et Elton John ont sillonné les années 1970 le visage peinturluré de paillettes. Des légendes comme Abba et Queen se sont inspirées de la tradition vestimentaire du Glitter Rock. Dans les années 70, le disco dégoulinait de paillettes.

Quelques moments forts de l’histoire de la musique brillent de mille paillettes. Pensez à Michael Jackson lors de la première de « Billie Jean » en 1983, devant quelque 47 millions de téléspectateurs·trices. Cette veste noire à paillettes. Ce gant scintillant. Et ce moonwalk.

Tina Turner, Cher, Madonna, Beyoncé, Lady Gaga : les reines de la pop ont laissé une traînée de paillettes sur les tapis rouges des galas et les plus grandes scènes. La tendance s’est propagée au reste de l’économie : cosmétiques, chaussures, sacs… Si ça brille, ça finit en vitrine.

Jeune femme noire portant une création à paillettes rose signée Simkhai.

©Simkhai

Glamorama

Les paillettes constituent un symbole fort de la communauté queer. Pour ses membres, en arborer revient à assumer pleinement leur identité. Associées aux drag queens et à la vie nocturne fastueuse, elles sont un vecteur d’expression de soi et de reconnaissance, surtout après des années de sexualité refoulée. L’application de paillettes est devenue un rituel à travers lequel on circule avec fluidité d’une identité de genre à une autre.

Les paillettes accentuent et reflètent. La communauté queer fait face à l’oppression en affirmant frontalement et avec fermeté sa présence dans la société. La subtilité est vue comme une perte de temps, les attentes sociales se voient gratifier d’un immense doigt d’honneur. Avec un ongle orné de paillettes, bien sûr. 

Les militant·e·s LGBTQ+ vont encore plus loin. Les politiques conservateurs, détracteurs du mariage homosexuel, sont la cible de bombardements à base de paillettes. Les Glitterati, adeptes des paillettes, ont déversé des bombes sur la tête de Mitt Romney, entre autres. Cette forme de protestation créative, mais non violente, fait mouche. La bombe à paillettes véhicule un message fort et s’incruste dans les peignes pendant des semaines.

Microplastiques

Les paillettes ont-elles un brillant avenir devant elles ? Bémol : fabriquées à partir d’une combinaison de plastique et d’aluminium, elles mettent mille ans à se dégrader. Après utilisation, elles se retrouvent dans les nappes phréatiques, les mers et finalement les poissons. Il est impossible de filtrer les minuscules particules de l’eau, de sorte qu’on pourrait se diriger vers une interdiction totale des paillettes. Devra-t-on s’en passer dorénavant ?

Non. Car heureusement Bioglitter est là. L’ingénieur Ronald Britton a réussi à concevoir des paillettes à base de matières végétales, biodégradables dans l’eau. Exit les microplastiques déversés dans la mer, rebonjour les paillettes sur nos minois. Merci Rony.

Le hashtag #bioglitter est omniprésent sur Instagram. Les comptes consacrés au bling-bling écologique ont le vent en poupe. Notre rédactrice en chef Marie a commandé une demi-tonne (OK, peut-être un peu moins) de bioglitter pour son mariage. Les premières boutiques en ligne belges de paillettes écologiques sortent de terre. Alors, scintillons la conscience tranquille.

Photo backstage du défilé Halpern avec 3 modèles portant des créations à paillettes.

©presse Halpern

Paillettes facts

Dans le monde, 20.000 types de paillettes sont fabriqués : sequins, vernis, paillettes comestibles, applications pour les cosmétiques… On estime qu’entre 1989 et 2009, la production de paillettes s’élevait à quelque 4,5 millions de kilos.

Le site shipyourenemiesglitter.com, lancé en 2015 par un entrepreneur australien, est entré dans la légende. Pour seulement 9,99 dollars, on envoie à un·e ami·e un colis pailleté. Celui-ci explose dans le hall, le salon ou les toilettes, et le destinataire se retrouve avec des semaines de plaisir étincelant sur les mollets (ou plus haut, s’il a éclaté dans les WC).

Un temps, Etsy a vendu des pilules controversées : pas du tout propres à la consommation, leur emballage semblait suggérer qu’après ingestion, le produit digéré ne serait autre que… du caca de licorne.

L’armée américaine est l’un des plus gros consommateurs de paillettes. What ? En fait, c’est top secret. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’US Air Force a expérimenté l’idée de saupoudrer ses avions de paillettes pour tromper les radars. Ça n’a pas marché.

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