Je ne suis pas riche, je ne m’en donne pas l’air, je n’ai pas de problèmes avec mes voisins, mes collègues, ni avec ma famille. J’ai depuis un moment renoncé à rester jeune et si je me maintiens en forme, je ne suis plus un objet de désir brûlant pour les hommes qui m’entourent. C’est en tout cas ce que j’ai cru…jusqu’à ce que je sois victime d’une arnaque.
Thierry venait de décéder. Après près de 20 ans de vie commune, l’homme qui m’avait consolée de mon divorce et qui avait élevé mes deux filles presque comme les siennes était parti. Une longue agonie qui avait posé un voile noir sur toute la maison et sur mon quotidien. Je traversais une grosse dépression. Thierry me manquait terriblement et je ne parvenais pas à entretenir seule cette grosse baraque entourée d’un énorme jardin et de haies devenues gigantesques au fil des années. Lorsque nous nous étions installés ici, nous étions six : les deux filles de Thierry qui avaient alors une dizaine d’années et vivaient avec nous en garde alternée et les deux miennes, un peu plus jeunes, qui ne voyaient plus leur papa. Cinq chambres, trois salles de bains, une énorme cuisine, un salon entouré de baies vitrées… Nous avions acheté la maison ensemble, après que j’ai hérité de mes parents, juste avant que notre quartier devienne l’endroit chic et « bien fréquenté » qu’il est aujourd’hui. L’impression que nous donnions pouvait être celle d’une famille fortunée, alors qu’en réalité, entre le boulot de kiné de Thierry et le mien de secrétaire médicale, nous vivions des périodes compliquées, en particulier durant les études supérieures des filles.
Maintenant que Thierry était parti et que ma retraite approchait, je n’allais pas pouvoir assumer seule les charges d’une maison si grande. La décision m’appartenait, car Thierry, avant sa mort, avait tenu à me privilégier dans sa succession plutôt que ses filles qui, à ce stade de leur vie, n’avaient pas besoin d’argent. Certes, j’allais sans doute être grand-mère un jour, certes, il y avait ici des souvenirs, mais à chaque fois que j’appelais le jardinier pour couper ces foutues haies ou que le système d’alarme se déclenchait parce qu’une mouche passait, je n’avais qu’une envie : vivre dans un espace que je maîtriserais.
Sur les conseils du mari de Justine – la fille cadette de Thierry –, j’ai donc contacté une agence immobilière et demandé à parler au gérant. Une recommandation sur laquelle mon gendre avait insisté : « Tu ne t’adresses qu’à lui, c’est le meilleur et il pourra vraiment t’aider administrativement. » Rendez-vous fut pris avec Xavier qui, quelques jours plus tard, se présentait à moi tout sourire. Xavier avait une personnalité chaleureuse, il semblait bienveillant, se montrait à l’écoute. Après avoir visité la maison, il a listé les choses qui devaient être réparées avant de mettre le bien sur le marché. Un robinet à remplacer, un carreau de la douche qui avait sauté, une trace d’humidité due à la condensation dans la buanderie… Des petits bricolages pour lesquels j’allais devoir trouver quelqu’un, car je ne me sentais pas capable de les réaliser.
Après quelques jours à chercher vainement, j’ai demandé conseil à Xavier qui devait bien avoir des références dans son carnet d’adresses. Il m’a répondu : « Ne vous embêtez pas à chercher quelqu’un qui va vous demander des sommes folles, je vais m’en occuper. Vous êtes à la maison le week-end prochain ? » J’ai d’abord refusé avant de me laisser convaincre. « Je serai heureux de vous aider et ne vous inquiétez de rien, j’apporte mes outils, mais je vous préviens : j’ai de l’appétit, je risque de vider votre frigo. » J’ai ri, ça m’a fait penser à ce que les plombiers disent dans les films pornos. Il est en effet venu et pendant qu’il réparait ce qui devait l’être, nous avons bavardé. Il avait perdu son père peu de temps avant, il savait ce que c’est que d’accompagner quelqu’un dans une longue maladie. Il avait été marié, sa femme lui avait brisé le cœur et il avait des difficultés à accorder sa confiance depuis. Son job le passionnait, il l’envisageait comme une mission pour rendre les gens heureux. Il se disait « un peu trop honnête », ce qui réduisait ses commissions, mais qui lui permettait de s’endormir serein le soir. Xavier se montrait aux petits soins. Petit à petit il s’est imposé comme mon « homme de confiance », je pouvais l’appeler n’importe quand, qu’il s’agisse d’une question à propos de la maison ou d’un coup de cafard. Je me suis attachée à lui, pudiquement. Il était devenu la personne la plus importante de ma vie.
Après quelques visites, il m’a annoncé que la maison avait été vendue. Un soir, il est venu dîner, il avait apporté du champagne pour fêter la signature du compromis de vente. Nous avons trinqué, il m’a dit des choses envoûtantes et m’a embrassée pour la première fois, pendant qu’il me tendait un stylo. J’ai signé, enivrée. Il s’est avéré que la maison avait été vendue à la sœur de mon gendre à un prix bien inférieur à ce que j’en attendais. Sur les documents, initiaux, j’avais accepté que Xavier mette la maison en vente à un prix ridicule pour ensuite laisser les offres se faire jusqu’à atteindre le maximum envisageable. C’était une arnaque. Tout cela avait été orchestré.
J’ai déposé plainte contre Xavier, mais aussi contre mon gendre et sa sœur, et j’ai bon espoir de voir la vente annulée. Mais le plus dur, c’est que l’affaire n’a pas été qualifiée ni d’arnaque aux sentiments ni d’abus de faiblesse. C’est pourtant comme ça que je la ressens…
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