S’engager main dans la main dans l’aventure entrepreneuriale, ça passe ou ça casse. Rencontre avec 5 couples belges qui ont su faire prospérer leur entreprise, et qui partagent avec nous leurs précieux conseils pour garantir le succès.
Florian et Tiffany, les fondateurs de Maison Minus
Florian Facchin, connu sous le nom d’artiste Minus Tattoo, et Tiffany Facchin, sa partenaire à la fois dans les affaires et dans la vie, ont récemment inauguré Maison Minus, un studio privé de tatouage niché au cœur de Bruxelles.
Comment vous êtes-vous rencontré et comment est venue l’idée de travailler main dans la main ?
Tiffany : “On se connait depuis l’adolescence grâce à des ami·e·s en commun, mais on s’est ensuite perdu de vue. Quelques années plus tard, on s’est recroisés et depuis on ne s’est plus jamais quitté ! Au départ, je travaillais dans le milieu du Marketing et n’avais aucun lien ou affinité avec le milieu du tatouage. J’adorais mon métier, mais avec le succès grandissant de Minus et les voyages de plus en plus nombreux, il fallait quelqu’un pour l’aider au niveau de l’organisation. J’ai décidé de l’épauler au quotidien.”
Florian : “Ce qui n’était pas facile ! Dépendre de moi a été un coup dur pour elle, car notre relation mêlait le couple et le professionnel, et donc le financier. C’était donc plus risqué. Mais avoir Tiffany m’a tellement soulagé et m’a permis de me consacrer à mon art. C’est un accélérateur de business.”
Comment gérez-vous les désaccords professionnels tout en préservant votre relation personnelle ?
Florian : “On partage souvent la même frustration au niveau professionnel donc on cherche une solution à deux.”
Tiffany : “J’ai beau être extrêmement têtue, le fait de travailler ensemble fait qu’on doit vite passer à autre chose. Ne pas se parler ou râler rendrait nos journées invivables et non productives. Généralement, c’est notre chien qui met fin à un désaccord quand il nous râle dessus.”
Florian : “Je challenge n’importe quel couple de ne pas s’engueuler quand tu dois traverser tout Paris à pieds avec une table de tatouage, une lampe, deux imprimantes et deux valises car il y a grève des taxis.
Tiffany : “Mais il faut dire que tu as été tatouer ce client car je rêvais d’un de ses gâteaux pour mon anniversaire, donc c’était très mignon et ça en valait la peine !”
Vos conseils pour entretenir un équilibre vie pro/ vie perso ?
Tiffany : “On n’a jamais scindé les deux. On parle de tout, tout le temps et travaillons à toute heure de la journée ou de la nuit. Mais le fait qu’on accepte ça l’un de l’autre facilite la chose. On est peut-être pas un exemple à suivre, mais cela fonctionne pour nous.”
Florian : “On essaye toujours de combiner le travail avec quelque chose de sympa en privé. Que ce soit un resto , un lieu à visiter ou une destination.”
Quelles sont les clés pour réussir un business en couple ?
Tiffany : “La communication c’est primordial. Il faut parler et envisager tous les cas de figures, les défis… avant de lancer son entreprise ensemble, mais aussi oser poser toutes les questions, même celles qui fâchent. Et aborder la question de l’argent !
Florian : “Commencer un projet à deux dès le départ et ne pas s’ajouter au projet de l’autre pour partir sur des bases stables et équitables, cela évite les sujets qui fâchent, et que l’un·e ait le dessus sur l’autre.”
À quel moment votre relation personnelle a-t-elle renforcé votre entreprise ?
Florian : “Le confinement !”
Tiffany : “Ça a été une période idéale pour Florian, cauchemardesque pour moi. Lui avait enfin quelques mois de repos qui lui ont permis de rebooster sa créativité, alors que moi je m’écroulais devant la télé à chaque comité de concertation à l’idée de décaler des client·e·s parfois jusqu’à 8 fois ! Vivre la même situation de manières totalement différentes nous a confirmé qu’on était bien ensemble et qu’on ne se verrait pas faire autre chose et encore moins l’un sans l’autre. En plus, c’est pendant le confinement que Florian a réfléchi au fait de se marier donc… Merci la Covid !”
Emna et Alain, les fondateurs de Kazidomi
Emna et Alain, le couple fondateur de l’e-shop de produits sains Kazidomi, se sont rencontrés il y a 10 ans sur les bancs de l’université Solvay dans laquelle ils ont tous deux étudié. Ce sont leurs passions communes pour le sport et la nutrition qui les ont poussé à développer ce projet ensemble.
Travailler ensemble a toujours été une évidence ?
Emna : “L’idée m’est venue quand j’étais toute petite. Issue d’une famille de médecin dont un père spécialisé dans le domaine de la nutrition, je me suis toujours passionnée de tout ce qui touchait à la santé et ai toujours fait très attention à ce que je consommais. Mon père rêvait d’ouvrir un jour un supermarché où l’on pouvait faire ses courses en toute confiance, sans avoir à se soucier des compositions des produits. À douze ans, je lui ai dit qu’un jour je réaliserai son rêve. Je me suis donc inscrite dans une école de commerce avec cette idée forgée en tête. Quelques années plus tard, j’ai rencontré Alain qui m’a vraiment soutenu dans mon idée. Ceci dit, ça n’a certainement pas été une évidence de le faire à deux directement, au début nous avons préféré limiter les risques. Alain a donc travaillé deux ans dans le conseil avant de me rejoindre à temps plein chez Kazidomi. Pendant ce temps-là, il s’est cependant fort investi dans le projet et me soutenait sur de nombreux sujets jusqu’au jour où il a décidé de démissionner et de me rejoindre pour de vrai.”
Comment répartissez-vous les responsabilités au sein de votre entreprise ?
“Alain est responsable de toutes les opérations et du catalogue. C’est lui qui gère la logistique, les aspects RH et financier et décide de l’assortiment produits. Pour ma part, je m’occupe des clients : marketing, branding, service client, site internet et app. Mon rôle est d’assurer la meilleure expérience possible tout en faisant connaitre la marque au plus grand nombre.”
Un moment marquant lié à votre collaboration en tant que couple ?
“Ça fait 7 ans maintenant qu’on a lancé Kazidomi. Un jour, on avait oublié de mentionner à de nouveaux employés que nous étions en couple, il y a une rumeur qui a circulé pendant des semaines au bureau parce qu’on venait et partait du bureau ensemble ou encore mangeait le même lunch… On a bien ri quand on l’a appris !”
Quels sont les gros challenges dans le fait de lancer un business et de bosser en couple ?
“J’en vois trois principaux. Lorsque les deux partenaires sont impliqués dans la même entreprise, cela peut créer une pression financière supplémentaire, surtout si l’entreprise traverse une période difficile. Ensuite, il est important de définir clairement les rôles et responsabilités de chacun dans l’entreprise pour éviter les chevauchements et les malentendus. Et finalement, les désaccords professionnels peuvent facilement déborder dans la sphère personnelle. Il est crucial d’apprendre à gérer les conflits de manière constructive pour ne pas nuire à la relation de couple.”
Quels sont les avantages de travailler ensemble en tant que couple ?
“Il y a en plein ! On se fait confiance à du 200%. On a les mêmes passions, on se comprend mieux que personne,… Ça nous permet d’avoir beaucoup d’empathie l’un pour l’autre aussi dans le cadre perso car Kazidomi impacte forcément beaucoup aussi nos humeurs. Bref, que du positif et contrairement à ce que beaucoup pensent, le fait de régulièrement parler du travail en dehors du bureau n’est pas du tout un poids pour nous.”
Quels conseils donneriez-vous à d’autres couples qui envisagent de se lancer ensemble dans un business ?
“De prioriser leur couple avant toute chose. Si à un moment les choses dérapent (ce qui arrive souvent en entreprise), il faut savoir se protéger et ne pas laisser son couple prendre de coups.”
Cyrielle et Maxime, les fondateurs de KURE
Il y a 17 ans, Cyrielle Christiaens et Maxime de Changy ont eu le coup de foudre l’un pour l’autre à l’Université. Après avoir fait chacun le tour de leurs activités professionnelles, ils ont décidé de se lancer ensemble dans le projet de leur vie, KURE. Un concept store mutlimarque qui, depuis des années, séduit le cœur des bruxellois·e·s férues de mode et de design.
Qui fait quoi au sein de KURE ?
Maxime : “Je fais tout ce qu’on ne voit pas, par exemple le contractuel, la gestion et l’administration. Cyrielle, de son côté, est la directrice artistique de KURE. On se complète parfaitement !”
Quelles questions faut-il se poser avant de se lancer dans l’entrepreneuriat ?
“Justement, il ne faut pas trop se poser de questions. Quand on a lancé KURE, on ne s’est pas dit : est-ce que ça va marcher ? Est-ce que ça va plaire aux gens ? Est-ce qu’on se met au bon endroit ? Est-ce qu’on a raison de faire ça ? Est-ce que ce n’est pas un trop gros risque ? Évidemment, on peut stresser et il y a quelques questions qui peuvent intervenir, mais a priori, si vous savez que votre projet est bon, que c’est une bonne idée, alors il faut se lancer. La seule question à se poser c’est : est-ce qu’on croit vraiment en notre projet ?”
Est-ce que tout coule toujours de source entre vous ? Comment réglez-vous les désaccords ?
“C’est peut-être étonnant mais pour nous, tout coule toujours de source. Et on est toujours d’accord avec l’autre. Et je ne dis pas ça d’une façon imagée, c’est vraiment vrai. Ça n’arrive jamais qu’on se dise ‘oh là là, qu’est-ce que tu as fait là ? Pourquoi tu as pris cette décision ?’ En fait, on se fait confiance à 100% et on a quasiment tout le temps le même avis. Par exemple, nous avons un appartement commun, mais c’est moi qui l’ai acheté, qui l’ai visité. J’ai envoyé un message à Cyrielle pour lui dire qu’il était dingue et que c’était celui-là qu’il nous fallait. Elle m’a dit ‘je te fais confiance, tu peux l’acheter.’ Elle ne l’a même pas visité. Et on fonctionne comme ça à peu près pour tout.”
Quel est votre le plus gros challenge auquel vous devez faire face ?
“On vit dans un milieu qui change tout le temps. Le commerce, comme on le voyait il y a 10 ans, n’est plus du tout le même par rapport à aujourd’hui et honnêtement, il change tous les 6 mois. Quand on a commencé, le lèche-vitrine existait encore, alors que c’est quelque chose qui a complètement disparu. Maintenant, on est plus vers des commerces de destination, c’est-à-dire que les gens ne flânent pas dans la rue pour se dire ‘Ah tiens, j’entrerais bien là’. C’est beaucoup plus rare. Maintenant, les gens décident de venir chez nous et puis peut-être dans deux autres magasins de la rue, mais ils repartent directement chez eux. Notre approche commerciale change parce qu’on est obligés de s’adapter. En fait, des défis à relever, on en a tout le temps et on trouve ça assez gai.”
Le projet dont vous êtes le plus fier en tant que duo ?
“Notre premier bébé, c’était KURE. Maintenant, on a un second job qui a pris le pas sur le premier. C’est le fait d’être parent. Je dis ‘job’ entre guillemets parce que c’est chronophage. Mais le fait d’être parent, c’est peut-être la chose dont on est le plus fier. Notre couple aussi, ça fait 16 ans qu’on est ensemble. On a vécu pas mal de choses ensemble. On s’est connus en tant qu’étudiants, en tant qu’employés salariés, en tant qu’entrepreneurs, dans la réussite, dans l’échec, avec des moyens financiers, sans aucun moyen financier. On a vraiment connu beaucoup de phases différentes de notre vie ensemble. On est un couple super solide. On n’a d’ailleurs jamais été aussi amoureux l’un de l’autre que maintenant. C’est assez génial.”
Comment voyez vous l’avenir de votre entreprise ?
“J’espère que l’on sera toujours sur le boulevard de Waterloo, qui pour nous était une vraie consécration. C’est sur la plus belle rue de Bruxelles, avec une clientèle qui est quand même assez formidable et qui vient de tous les milieux, de tous les horizons. On ne se voit pas avec plus d’employé·e·s et on ne voit pas KURE devenir une boîte encore grande, mais ce qu’on veut vraiment c’est d’améliorer notre projet, avoir encore une meilleure direction artistique, un meilleur service client, une meilleure expérience en magasin, une meilleure expérience online, et développer encore d’autres outils pour améliorer notre quotidien.”
Edna et Raphaël, fondateurs de Room 260
Mariés depuis 15 ans, ils se sont lancés dans l’entrepreneuriat ensemble il y a maintenant 13 ans en ouvrant leur première boutique de vêtements à Waterloo sous l’enseigne Yes Boutique. Juste à côté, il suffit de passer les portes de leur boutique mutlimarque Room 260 pour voir à quel point ces deux-là sont fous de mode, mais également l’un de l’autre.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir entrepreneurs en couple ?
Edna : “On vient de deux familles qui ont ce schéma-là, d’entrepreneurs qui bossent ensemble. À la base, je bossais dans les bureaux. Et j’ai vraiment poussé Raph à se lancer parce que je sentais bien que c’était sa vocation. Il m’a dit ‘OK, mais j’ai besoin de toi pour ça’. Du coup, j’avais deux jobs full time. J’ai donc pris la décision de quitter mon premier job et de rejoindre Raph.”
Raphaël : “Au tout début, je dois dire que ça a été difficile pour chacun de trouver ses marques. Il y a eu une période de rodage qui a duré un an, voire un an et demi, et ensuite on a réussi à trouver notre place et à décider qui fait quoi et comment.”
Edna : “Moi, je m’occupe de l’organisation des shootings et Raph du merchandising, c’est-à-dire la mise en valeur des vêtements dans la boutique. Il a vraiment un don pour ça ! Ensemble, on s’occupe de l’étalage, des ressources humaines, du conseil client, le contact avec les fournisseurs, on voyage toujours à deux pour aller choper les pièces des futures collections que l’on veut dans la boutique.”
Bosser ensemble, est-ce que ça a changé votre relation ?
Raphaël : “Oui et non. Ça n’a pas changé la base de notre couple, mais en même temps, tout changé. Notamment depuis les réseaux sociaux, où ça a encore pris un autre tournant. En plus de notre job de parent, notre job de CEO d’entreprise, c’est encore une casquette en plus. Et ce job-là, il est en même temps très gratifiant (comme tout ce qu’on fait), mais c’est un job full time à part entière. C’est vrai, c‘est moins facile pour le moment d’avoir des moments relax à deux.“
Edna : “Parce qu’on sait que de 6h30 du matin à 19h, on bosse. Et à 19h, c’est consacré vraiment aux enfants, sauf exception. Mais même quand on part du boulot, ça ne piétine pas notre vie privée, parce que c’est naturel, en fait. Et les enfants aiment bien écouter nos histoires. C’est beaucoup de partage. Par contre, ce à quoi il faut faire attention, c’est de ne pas ramener les soucis du boulot à la maison. Parce que parler du travail, c’est chouette et enrichissant, tant que ce n’est pas le seul et unique sujet de conversation. C’est sûr qu’il y a des moments de tension, mais cela nous a aussi permis de nous découvrir sous un autre jour, de reconnaitre nos forces respectives et de nous serrer les coudes face aux difficultés. Et puis, rien ne vaut la satisfaction de voir le fruit d’un travail commun.”
Quels sont les principaux défis ?
Raphaël : “Je dirais que la principale difficulté, c’est de trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Parce que dans notre situation les deux sont très liées et parfois on a du mal à trouver la limite. Il faut être très vigilant pour ne pas laisser le travail envahir tout l’espace.”
Edna : “Il y a plusieurs tâches dans notre journée de boulot : la gestion des papiers, des finances et de la compta, le merchandising, l’étalage, le choix de la collection, la mise en place de la collection. Et puis il y a les enfants à côté, tout ce qui est aussi personnel, qui prend énormément de temps. Il y a aussi le fait qu’on peut avoir des visions différentes sur certains sujets, il faut alors prendre le temps de discuter, de peser le pour et le contre jusqu’à trouver un consensus. Ce n’est pas toujours évident.“
Quels sont les bons côtés de lancer une entreprise à deux ?
Raphaël : “La confiance, c’est le pilier de notre relation professionnelle. Sachant que tu peux compter sur l’autre sans aucun doute, ça change tout. Ça rend les choses plus fluide, on est à l’aise pour déléguer certaines tâches, et puis on a une meilleure connaissance de nos points forts et nos points faibles.
Edna : “J‘ajouterais aussi que de travailler en couple, ça permet d’avoir des débats et des discussions très franches et sincères. J’estime que personne ne peut me dire les choses plus clairement et honnêtement que lui. C’est quelque chose de précieux dans une entreprise.”
Pouvez-vous nous partager une anecdote amusante ou inspirante liée à votre collaboration ?
Edna : “On nous a lancé un challenge fou au lancement de Room 260 : créer une mini-collection capsule de 5 pièces en Italie, et en seulement 48 heures. Donc deux jours seulement pour la création du logo, le design des modèles,… Et livré en 3 semaines. Je dois dire que 4 produits sur les 5 ont été un carton plein. Ça nous a vraiment boosté, on s’est dit qu’on pouvait tout surmonter !”
Et si vous deviez donner un conseil à des couples qui envisagent de travailler ensemble ?
Raphaël : “Je dirais qu’il faut être très clair sur les rôles de chacun dès le départ, pour éviter les confusions et les frustrations plus tard. Communiquez ouvertement et régulièrement, et n’hésitez pas à faire appel à un tiers si nécessaire, par exemple un conseiller ou un médiateur pour vous aider à résoudre les problèmes.”
Edna : “Moi je dirais effectivement que la communication est la clé. Il faut être capable de parler de tout, pas seulement du business mais aussi de vos sentiments, de vos aspirations… Et il faut aussi savoir mettre des barrières entre le professionnel et le personnel, savoir décrocher et ne pas toujours parler de travail à la maison par exemple. C’est un exercice périlleux mais tellement enrichissant.”
Marion et Gauthier, fondateurs d’Orta
Il y a 6 ans, Marion Schoutteten et Gauthier Prouvost ont lancé Orta, la marque belge de vêtements écoresponsable et éthique suivie aujourd’hui par plus de 216 000 personnes sur Instagram. Malgré les épreuves de la vie, ils sont restés soudés et ont continué à faire évoluer cette entreprise avec le cœur.
Comment a commencé votre histoire d’amour ?
Gauthier : “C’est vrai qu’on a jamais raconté ça. En plus, c’était une jolie rencontre. Marion habitait à Londres à l’époque, elle était en colocation avec ma sœur.”
Marion : “J’ai présenté sa soeur à l’un de mes très bons amis lillois, qui était de passage à Londres. Ils se sont mis en couple et ont emménagé ensemble. Et la maman de Gauthier habitait au Portugal à l’époque, elle était tombée raide dingue d’un portugais. Et la soeur de Gauthier a décidé d’aller lui rendre visite et de lui présenter son amoureux, mais elle était stressée donc elle m’a proposé de les accompagner. Clairement, un week-end gratuit au Portugal, j’ai dit oui ! Et Gauthier était là, ce n’était pas du tout prévu. Et maintenant, ça fait 10 ans !”
Bosser ensemble, c’était une évidence ?
Gauthier : “Alors, pas du tout ! Au départ, je n’était vraiment pas chaud parce qu’on passait déjà beaucoup de temps ensemble. On a les mêmes potes, les week-ends, les vacances, la vie quoi. Et puis on a habité ensemble à Bruxelles très vite, seulement 3 mois après notre rencontre. Mais bosser ensemble, ça veut dire être h24 ensemble, je me suis dis que ça allait poser problème à un moment, qu’on allait en avoir marre l’un de l’autre.”
Marion : “Et puis au début Orta ne rapportait pas d’argent. À la base, j’ai commencé toute seule. Mais c’est un projet qu’on a imaginé à deux, c’est Gauthier qui m’a donné l’idée de devenir entrepreneure. À partir du moment où Orta a commencé à prendre de l’ampleur, c’était une priorité qu’il me rejoigne.”
Comment vous répartissez-vous les rôles ?
Gauthier : “Quand Orta a commencé à vraiment se développer, j’ai pu commencer à définir un rôle plus particulier. Au départ, on est tous des couteaux suisses dans une petite société. Et au bout d’un moment, je suis spécialisé dans la stratégie de la société, dans la technique d’ingénierie textile. Alors que Marion, de son côté, est directrice artistique et s’occupe de la communication.”
Comment gérez-vous le fonctionnement vie perso/vie pro ?
Marion : “Déjà, on essaie d’éviter de parler boulot le soir. On essaie de séparer la vie de famille et la vie professionnelle. Autant au début, c’est difficile parce qu’on est dans le feu de l’action, on y va à fond. On est toujours à fond, mais Orta a une autre dimension aujourd’hui ; ce n’est plus une petite barque, c’est un paquebot. On essaye donc d’éviter autant que possible les conversations pro quand on rentre à la maison. Parce qu’on a aussi un petit garçon de 3 ans et demi qui s’appelle Marceau et qui a besoin de ses parents. Et puis, ce n’est pas une bonne chose de brainstormer toute la journée. On finit par être complètement dans une bulle et on ne prend plus suffisamment de recul si on fait ça.”
Pour vous, quels sont les gros avantages d’avoir un business en couple ?
Marion : “Tu sais vraiment ce que pense ton associé·e. Tu sais aussi qu’il ou elle a un objectif commun qui est le même que le tien. Et ça c’est hyper rassurant dans le business, je trouve. Il n’y a pas d’arrière-pensée en tant que couple.”
Gauthier : “Tout avance plus rapidement aussi, parce qu’on ne prend pas de pincettes pour se parler. On ne passe pas par quatre chemins. Ce qui est chouette, c’est d’avoir l’opportunité de faire marche arrière. Sans se faire juger, au contraire. Je pense que c’est important. Après, j’en connais d’autres, des couples qui fonctionnent très bien. C’est toujours un peu le même système. Mais c’est vrai que c’est beaucoup plus intense comme vie… C’est l’aventure ! C’est ça qu’on aime aussi. Quelle chance de pouvoir faire tout ça en couple. Ce n’est pas donné à tout le monde.”
À quel moment votre relation a-t-elle été renforcée par ce projet à deux ?
Gauthier : “En fait, c’est plus des anecdotes pas forcément rigolotes, mais il y a eu toutes ces maladies de mon côté. C’est un peu la probabilité de la chance. Est-ce qu’on va guérir ? Est-ce qu’on ne va pas guérir ? Les problèmes entrepreneuriaux, on peut les résoudre, il y a toujours des solutions. Mais je me souviens quand même, à l’époque notamment du Covid, les chiffres d’affaires étaient dingues. On n’arrivait pas à fournir la demande, clairement. Et Marion me disait ‘je m’en fous. La maladie, ça, c’est un vrai problème’.”
Marion : “D’ailleurs une fois, on s’est rendu compte que les infirmières de Gauthier étaient habillé·e·s en Orta, en dessous de leurs blouses. Et ça, ça donne du sens aussi à ce qu’on fait, je dirais. Mais c’était assez cocasse.”
Comment gardez-vous la passion et l’excitation dans votre projet malgré les défis du quotidien ?
Marion : “Justement, pour moi, les défis du quotidien fédèrent cette passion et cette création. C’est justement parce qu’on n’a que des challenges, qu’ils soient professionnels, médicaux ou familiaux, qui nous tombent dessus toute la journée, qu’en fait, on est pris dans ce rouleau compresseur qui nous donne envie d’aller toujours plus loin. On se pose même pas la question en fait, parce que la passion est encore là. C’est un challenge à chaque fois. Quand rien ne va, on prend beaucoup de recul et on se donne un objectif très haut. Et en général, on y arrive. C’est un peu comme la définition du bonheur, au final. On ne peut pas être heureux s’il n’y a pas un peu de malheur derrière.”
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