Il s’agit d’une légende bien ancrée au sein de la société. Chaque femme posséderait en elle un besoin d’enfanter plus grand que les hommes, l’appel du ventre comme on le surnomme, et par là même un instinct maternel inné qui interviendrait pour former un joli package. Sauf que tout ceci est faux.

L’instinct maternel n’a rien d’inné

L’instinct parental ne serait pas quelque chose d’inné, mais d’acquis. Des recherches récentes ont ainsi démontré que les nouveaux papas subissent des changements cérébraux similaires à ceux des nouvelles mamans, même sans avoir vécu l’expérience physique de la grossesse. “La notion selon laquelle l’altruisme et la tendresse dont les bébés ont besoin sont uniquement ancrés dans la biologie des femmes, prêts à se manifester en appuyant sur un interrupteur, est relativement moderne – et pernicieuse. Elle a été construite au fil des décennies par des hommes qui vendaient une image de ce qu’une mère devrait être, détournant notre attention de ce qu’elle est en réalité et appelant cela de la science”, témoigne Chelsea Conaboy dans un article d’opinion publié dans le NY Times.

Comme le rapporte la Harvard Business Review, “comme tout programme d’entraînement, la véritable croissance – la véritable confiance, la véritable victoire – de l’entraînement cérébral vient avec le dur labeur de prendre soin d’un enfant en bas âge”.
Le “cerveau parental” est quelque chose qui se développe tout simplement en passant du temps avec son bébé. Le congé de paternité apparaît dès lors comme un programme d’entraînement cérébral gratuit pour les pères.

 

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Le mythe de l’amour inconditonnel

Si le mythe de l’instinct maternel est particulièrement vicieux, c’est d’abord parce qu’il suggère aux mères qu’elles posséderaient en elles de façon innée les ressources nécessaires pour s’occuper d’un nouveau-né. Comment peuvent-elles dès lors intégrer le choc, la peur, l’incertitude et la colère qui accompagnent la joie et l’émerveillement d’avoir un enfant ?

De même, nombreuses sont les mères à ne pas ressentir un amour inconditionnel pour leur bébé au moment de la naissance. De nombreuses personnalités ont enfin brisé le tabou. Parmi elles, la tenniswoman Serena Williams ou encore l’autrice Lili Sohn qui s’est exprimée avec franchise sur son post-partum : “C’est comme n’importe quelle relation humaine. En fait il n’y a pas d’amour instantané, il n’y a pas de coup de foudre. J’ai mis peut-être trois mois à lui dire “je t’aime”. Mais peut-être que s’il avait pu s’exprimer, il aurait pu dire la même chose.”

Une construction sociale liée au patriarcat

Outre ce lien intime entre mère et enfant, c’est aussi un énorme pied de nez que la société adresse aux femmes. En consolidant ce mythe, elle suggère qu’elles posséderaient davantage de compétences que les hommes. Alors qu’être parent est un apprentissage comme un autre, on suppute que la gente féminine sait naturellement mieux y faire. Par conséquent, les 3/4 des taches domestiques et familiales sont encore endossées par les femmes aujourd’hui. C’est elles que l’école contacte lorsqu’un enfant a des problèmes scolaires, à elles que le médecin s’adresse quand il est malade. Elles finissent alors par acquérir les compétences qu’on leur présume. “L’instinct maternel, c’est plutôt une construction sociale qui est liée au patriarcat, mais aussi au fait que les mères sont assignées au soin des enfants et développent une expertise principale en étant le plus longtemps et le plus souvent à leur contact”, explique à ce propos l’anthropologue Mounia El Kotni.

En réalité, et c’est une nouvelle formidable pour les pères (sans parler des mères adoptives et de certains parents transsexuels), les cerveaux des jeunes parents entreraient dans une phase d’hyperréactivité lors des mois qui suivent l’accouchement. Un processus d’adaptation naturel se crée. Il est d’ailleurs souvent éprouvant, le cerveau étant exposé pour la première fois à des hormones et des stimulis qu’il n’avait jamais ressentis jusqu’alors. Bref, toute personne qui s’engage à s’occuper d’un bébé développe son cerveau parental, quel que soit son sexe. Et le vécu d’une femme face à son enfant relève avant tout de son histoire personnelle, mais aussi de de son contexte social, économique et politique. Pour contrez le mythe, un changement de mentalité au sein des couples s’impose, mais cela nécessite également des dispositifs forts de l’Etat pour favoriser la présence des pères auprès des jeunes enfants. Ensuite, peut-être, on dira adieu à au fantasme d’un savoir-faire inné et universel.

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