C’est le terme que l’on retrouve partout en ce moment. Le polyamour est sur toutes les bouches. Le principe ? Entretenir simultanément des relations amoureuses consenties avec plusieurs partenaires, le tout dans la confiance et le respect mutuel. Une nouvelle way of life qui contraste avec la monogamie traditionnelle qui implique des relations exclusives avec un.e seul.e partenaire. Mais est-ce fait pour tout le monde ? Pour mieux cerner le phénomène, on a interrogé Marie-Claude L’Arché, autrice de “Pourquoi pas le polyamour ?” et détentrice d’une maîtrise en histoire à l’Université de Montréal.

Pourquoi parle-t-on de plus en plus de polyamour ?

De plus en plus de personnes se rendent compte que les modèles qui leur étaient imposés auparavant ne leur conviennent plus. Et, contrairement à avant, elles ne veulent plus s’y conformer à tout prix. La jeune génération regarde leurs parents et se dit que, finalement, ce n’était peut-être pas si génial que ça. Certain.e.s sentent qu’au fond de leurs tripes, la monogamie n’est pas fait pour eux ou elles. Avec ces interrogations naît une nouvelle ouverture d’esprit. Ce qui ne signifie pas que les gens ne vivaient pas ces interrogations autrefois, mais leur tâtonnement se faisait le plus souvent dans le secret.

Il y a une dizaine d’années, la fondation du groupe polyamour de Montréal comptait 12 personnes autour d’une table. Aujourd’hui, elle réunit plusieurs milliers de membres. La pandémie a provoqué une véritable explosion du phénomène. Beaucoup de couples se sont retrouvés pour la première fois coincés ensemble, certains ont survécu, d’autres ont éclaté, d’autres encore ont simplement décidé de revoir leur organisation. Le nombre de couples polyamoureux a augmenté, et les personnes qui le vivaient ont voulu sortir de l’anonymat. Après tout, quand on est amoureux, on a envie de le crier sur tous les toits.

Peut-on aimer deux personnes en même temps ?

Cela va dépendre de chaque personne. Certains sentent qu’ils ne pourront jamais aimer deux personnes en même temps, d’autres aiment naturellement plusieurs personnes simultanément. Je pense que c’est dans la capacité de la plupart des gens, mais la société dans son ensemble nous a tellement convaincus du contraire que l’on se retrouve souvent à penser que c’est impossible. Lorsque je suis moi-même tombée amoureuse de quelqu’un d’autre alors que j’étais mariée, je me cherchais des excuses, je me disais que ça ne pouvait pas être ça, puis j’ai compris que j’étais amoureuse de deux personnes. J’ai été forcée de mettre de côté toutes mes idées et mes préjugés pour constater ce qui était là, juste devant moi. Ce qui ne m’empêche pas d’aimer chaque partenaire différemment, comme deux enfants ou deux amis. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la chose. S’il s’agissait d’une réplication du même amour, ce serait sans intérêt. La richesse, c’est que chaque personne apporte une saveur et une couleur différente.

Comment gérer le sentiment de jalousie ou de possessivité ?

Il n’y a pas de réponse unique, ce serait trop facile. D’abord parce qu’il s’agit souvent d’un amalgame entre plusieurs émotions et pensées qui se mêlent. Mais aussi parce que la jalousie est situationnelle. Il y a des périodes où l’on ne sera pas du tout jaloux, puis d’autres où l’on deviendra très dépendant. C’est tellement multifactoriel que c’est difficile à expliquer, c’est d’ailleurs ce qui rend le travail sur la jalousie aussi complexe et aussi fascinant. Certain.e.s vont transcender leur jalousie très facilement, pour d’autres, ce sera le combat de toute une vie.

Personnellement, la jalousie me touche une fois par année. Elle est présente, mais pas suffisamment que pour me pourrir la vie. J’y ai travaillé bien sûr, ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air. Cela passe d’abord par un éventail de besoins qui doivent être satisfaits au préalable : les besoins émotionnels, le besoin de transparence, de valorisation ou encore le besoin de compersion. Soit le fait d’être naturellement heureux de voir notre partenaire épanoui en relation amoureuse avec d’autres. Tous ces besoins vont énormément varier d’une personne à l’autre. Lorsque nos besoins sont remplis, nos sentiments négatifs s’apaisent. Cela peut parfois passer par un travail sur nos blessures d’enfance, nous arrivons toutes et tous avec différents bagages liés à nos relations amoureuses passées, mais aussi aux traumas de la vie. Travailler là-dessus va permettre d’estomper ce sentiment de jalousie. D’ailleurs, la jalousie est une réalité dans le polyamour, mais aussi dans la monogamie.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Polyamour_euse (@polyamour_euse)

Pourquoi est-ce toujours tabou ?

La différence dérange et effraie. Cela prend parfois du temps de se confronter à d’autres réalités que celles que l’on nous a inculquées. Cela peut passer par le fait de rencontrer des couples polyamoureux par exemple, et en discutant du sujet avec eux, pour démanteler les préjugés et voir que d’autres modèles fonctionnent dans les faits et pas uniquement en théorie.

Un modèle ne doit pas pour autant supplanter un autre. J’espère que les gens pourront simplement vivre avec les différences des autres à l’avenir, entre celles et ceux qui croient plutôt au mariage ou plutôt la polygamie ou celles et ceux qui ne croient pas au couple du tout. Le polyamour n’est pas un nouveau modèle qui doit s’imposer à tout le monde.

Comment savoir si je suis fait pour le polyamour ?

Si je me sens un peu coincé.e dans mon mariage ou ma relation monogame. Alors que j’avais le mariage parfait sur papier, je tombais toujours de haut. Je tombais amoureuse de quelqu’un d’autre et, ne pouvant pas consommer cette relation, je ressentais un chagrin immense. Pour moi, c’était ça. Pour d’autres, ce sera différent. Ce n’est pas une décision que l’on peut prendre avant de l’avoir essayée. Il faut se poser la question et essayer de savoir si oui ou non cela nous convient. Pour certain.e.s ce sera la meilleure décision de leur vie, quand d’autres se diront “plus jamais”.

Comment se lancer ?

Si deux personnes se rencontrent en étant déjà polyamoureuses, ce sera forcément plus facile qu’en présence de deux débutant.e.s qui vont devoir déconstruire toutes leurs habitudes et assises de sécurité. Beaucoup de personnes se lancent dans le polyamour en étant déjà en relation, cela nécessite beaucoup d’honnêteté. On ne sait jamais comment l’autre va réagir, cela demande de très bonnes aptitudes de communication aussi.

La meilleure méthode pour aborder la question est toujours de commencer par quelque chose comme “Il y a quelque chose dont je voudrais te parler”. Ensuite, “Voici ce que j’aimerais atteindre comme objectif”. On peut ensuite aborder les peurs qui se cachent derrière : “J’ai peur que tu me quittes, que la relation dégénère…”. On peut ensuite lancer le sujet, dire que l’on a entendu parler du polyamour et l’aborder comme un objectif que l’on a et de laisser à l’autre le soin de coopérer s’il ou elle le souhaite sans imaginer d’emblée le pire scénario.

Qu’est-ce que l’on recherche dans le polyamour ?

La liberté. Mais aussi aussi de répondre à certains besoins émotionnels auxquelles une seule personne ne peut pas répondre. Les besoins de chacun sont très diversifiés et il est impossible qu’une seule relation comble tous vos besoins. Le polyamour diversifie les sources d’amour et de connexion humaine, mais aussi les expériences vécues. Avoir une sexualité diversifiée est notamment l’un des avantages, on peut avoir une vie sexuelle qui va dans toutes les directions.

Être polyamoureux nécessite le soutien de toute une communauté autour. On dit qu’il faut un village pour élever un enfant, mais il faut aussi un village pour faire évoluer une relation polyamoureuse. Cela fait déjà 10 ans que j’expérimente le sujet et je découvre encore des choses.

À LIRE AUSSI

Test : quels sont vos fantasmes inavoués ?

Plans cul : quand les sentiments amoureux ne sont plus une priorité

Théorie triangulaire de l’amour : Voici le secret d’une relation qui fonctionne