On aurait pu penser qu’avec le mouvement #MeToo et #BalanceTonPorc, les différentes mesures politiques prises pour lutter contre l’inégalité salariale, les violences conjugales ou encore une plus grande représentation des femmes aux postes de leadership politique, la lutte contre le sexisme ne faisait qu’avancer. Si l’on en croit le nouveau rapport sidérant du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), c’est faux.
Ce rapport annuel qui a pour objectif d’approcher l’état du sexisme en France vient de dévoiler des conclusions affolantes mais finalement pas si étonnantes. Non seulement le sexisme ne recule pas, mais il gagne même du terrain de façon alarmante. Dans ce rapport publié ce 22 janvier 2024, on découvre non seulement que les violences sexistes et sexuelles s’accroissent, mais que le sexisme s’aggrave même chez les jeunes hommes et dans certains secteurs.
Un tiers des jeunes hommes voient le féminisme comme une menace
À l’ère des mouvements féministes omniprésent et d’un body positivisme de façade, on apprend que les hommes adhèrent de plus en plus aux stéréotypes masculinistes et les femmes aux clichés associés à la féminité. 70% des hommes pensent qu’ils doivent prendre soin financièrement de leur famille pour être respectés dans la société. Pendant ce temps, 78% des femmes (et 70% des hommes) pensent qu’on attend d’elles qu’elles soient sérieuses, 60% (45% des hommes) qu’elles soient discrètes et 52% (contre 41%) qu’elles aient des enfants. On pourrait croire ces idées réservées à une génération âgée et révolue, il n’en est rien.
Les 25-34 ans seraient un public particulièrement drillé à ces idées effrayantes. 37% des hommes de ces âges-là (+3 points en un an) estiment que le féminisme menace leur place et leur rôle. Du côté des jeunes femmes, la répartition très genre des rôles sociaux se diffuse nettement. Beaucoup ressentent une forte injonction à la maternité. Quant à la réassignation des femmes à la sphère domestique, elle se retrouve plus glamourisée que jamais sur les réseaux sociaux, notamment au travers de la trend #tradewife dont nous vous parlions récemment.
86% des femmes estiment avoir fait l’objet de sexisme
Chiffre tout aussi navrant moins étonnant, 86% des femmes déclarent avoir personnellement vécu une situation sexiste. 37% des femmes (près de 50% des 25-49 ans) ont vécu une situation de non-consentement. Le nombre de violences sexuelles enregistrées a d’ailleurs doublé entre 2017 et 2022. Les féminicides sont passés de 118 en 2022 à 94 en 2023. 92% de la population considère que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière dans au moins une sphère sociale. Le monde du travail est perçu comme la plus inégalitaire. En France, le salaire féminin est inférieur de 22% à celui des hommes.
Les 5 clichés sexistes qui ont le plus la dent dure ? Les hommes doivent protéger les femmes. Il est normal que les femmes s’arrêtent plus longtemps de travailler que les hommes après la naissance d’un enfant. Les femmes sont naturellement plus douces que les hommes. Il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants. Et il est normal que les femmes prennent plus soin de leur physique que les hommes.
Les 3 causes principales
Comment expliquer cet état de fait ? D’où naissent nos représentations et stéréotypes sexistes selon le HCE ? De trois sources principalement : la famille, l’école et Internet.
Dans la famille, les parents reproduisent les schémas genrés les plus traditionnels. Cela commence dès la petite enfance. 62% d’entre elles ont reçu des poupées (contre 3% des hommes), et 4% des petites voitures (contre 45%). Et trois quarts des femmes (et 42% des hommes) participaient aux tâches ménagères dans l’enfance. Une perception biaisée qui s’enracine à l’école, perçue comme de plus en plus inégalitaire. Les femmes représentent moins de 30% des ingénieurs. Peu de filles continuent d’ailleurs de s’orienter vers des carrières mathématiques ou numériques. En diffusant constamment une culture sexiste, Internet apparaît comme le troisième élément amplificateur de cette tendance. Entre séquences de violence envers les femmes, images stéréotypées et contenus porno violents… les rapports femmes-hommes ont de beaux jours devant eux.
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