Travailler moins pour gagner le même salaire, on en rêve tous. C’est la promesse de la semaine de quatre jours dont on parle beaucoup depuis la pandémie. Certain·e·s la considèrent comme une utopie de gauche, d’autres comme une solution d’avenir ou comme un vaste mythe. Pendant ce temps, une suggestion intrigante fait son bout de chemin : et si cette nouvelle organisation du travail permettait de promouvoir l’égalité homme-femme ?

C’est en tout cas ce que démontre un rapport publié l’année dernière par le Women’s Budget Group (WBG) au Royaume-Uni. Partant du constat que deux tiers des tâches domestiques et parentales continuent à être endossées par les femmes, celui-ci s’est penché sur l’évolution de la balance travail rémunéré/travail non rémunéré au sein des couples si l’ordre naturel des choses venait à être bouleversé. Prenons une petite pandémie par exemple. Le WBG a constaté que lorsque le travail des hommes avait diminué durant le premier confinement, leur implication dans les tâches domestiques et l’éducation des enfants avait augmenté. Cette tendance s’était inversée lors du deuxième confinement, lorsque leur travail avait repris.

« Une semaine de travail plus courte peut amener les hommes à s’impliquer davantage dans l’éducation des enfants et donc à répartir les tâches plus équitablement », conclut le Dr Sara Reis, directrice adjointe au WBG. « Mais elle doit s’intégrer dans une vision plus large (…) qui comprend une réforme de notre système de congé parental. Si les femmes consacrent leur temps supplémentaire aux travaux domestiques et les hommes à la détente, nous ne parviendrons jamais à la parité dans le partage des soins. »

Ne plus passer sa vie à la gagner

Un constat partagé par Mélody Coomans, fondatrice de Switch Lab Coaching, qui explique qu’au-delà d’un changement d’organisation, c’est un vrai switch de mentalité qui doit s’opérer au sein des couples « Ce qui est sûr, c’est que cela rendra l’argument du manque de temps obsolète pour certains hommes », explique-t-elle. « Bien qu’ils soient de plus en plus nombreux à souhaiter s’impliquer davantage dans leur vie de famille. Il est loin le temps où l’on travaillait comme un dingue pour en profiter sur son bateau une fois à la retraite. Le bateau, c’est maintenant. » 

En cause ? Une sorte de morosité ambiante liée au contexte actuel selon la coach. La crise climatique, l’inflation et la guerre poussent au « maintenant ou jamais », mais aussi à un repli sur soi, dans le sens positif d’un retour à son intériorité mais parfois plus redoutable, d’un désir d’isolement social pour se protéger de l’hostilité du monde. Plus que l’accumulation de richesse, les travailleurs et travailleuses cherchent aujourd’hui une réelle flexibilité, ce que pourrait permettre la semaine de quatre jours. Plus de temps en famille pour les hommes, moins de charge mentale pour les femmes. Le win-win parfait ? 

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Une semaine de 4 jours oui, mais une vraie  

Cela dépend de la semaine de 4 jours dont on parle. Depuis le 21 novembre 2022 en Belgique, il est possible de travailler quatre jours par semaine en conservant son temps plein. Seul bémol, on bosse tout autant, mais simplement dans un laps de temps plus compressé. Une personne qui travaille 38 heures par semaine a désormais la possibilité de travailler 9 h 30 (pause non comprise) par jour. Celles et ceux qui prestent un horaire de 40 heures travailleraient quatre journées de 10 heures par semaine.

On fait des journées plus longues et on accumule plus de fatigue et plus de stress. Cette solution offre certes plus de flexibilité aux salarié·e·s, mais elle ne leur libère pas plus de temps. Or, c’est exactement ce que recherchent les travailleurs et travailleuses qui ont des responsabilités parentales. Pour celles et ceux qui ne pouvaient pas déposer et venir chercher leurs enfants à la crèche, le problème ne risque pas de se régler avec des journées à rallonge. Bien plus ambitieuse est la semaine où l’on ne travaille que quatre jours, mais payé·e·s comme cinq. Pour y arriver, il s’agit tout simplement de gagner en productivité. On fait la chasse aux heures gaspillées, au présentéisme inutile ou aux réunions interminables.

L’enjeu principal ? Les temps partiels

Au-delà de la répartition des tâches et de la charge mentale, la semaine de quatre jours pourrait surtout intervenir sur les disparités salariales. Aujourd’hui, on constate que le temps partiel est majoritairement féminin (40,7 % des femmes salariées) tandis que les hommes n’en ont recours qu’à 11,9 % selon Statbel. Seul bémol, les emplois les plus hauts gradés et les plus rémunérés sont ceux qui requièrent un grand nombre d’heures de boulot et le plus gros investissement. Aux États-Unis, on parle de « greedy job » pour désigner ces emplois dans la finance, la gestion ou le droit, dont les femmes sont le plus souvent exclues. 

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Cela parce qu’elles demeurent encore les premières à sacrifier leur carrière pour assumer les responsabilités familiales. « À tel point que certains métiers dits “féminins” sont passés à temps partiel par essence : femmes de ménage, auxiliaires de vie, infirmières, secrétaires médicales… », explique Véronique De Baets, porte-parole à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. Ce travail à temps partiel étant plus précaire, moins bien rémunéré et offrant moins de possibilités d’avancement, il induit un écart de revenus qui ne fera que se creuser au fil des années, jusqu’à la pension. La semaine de quatre jours pourrait, à l’inverse, permettre aux femmes de maintenir un emploi à temps plein tout en offrant une flexibilité accrue.

À condition que les partenaires jouent le jeu, eux aussi. « Qui va prendre cette semaine de 4 jours ? Comme pour les congés parentaux, les crédits temps et les autres aides mises en place, ce sont majoritairement les femmes qui y ont recours », témoigne Véronique De Baets. Finalement, proposer ce genre de rythme est un message fort de la part d’une entreprise. Une façon de
prôner une culture plus inclusive, mais aussi un modèle attractif dans lequel les femmes auront envie de prospérer professionnellement dans un contexte de guerre des talents.

Notre façon de travailler n’est pas gravée dans le marbre. La généralisation du télétravail post-pandémie en est la preuve flagrante. Espérons néanmoins que le prochain accélérateur de changements ne soit pas une crise sanitaire, mais une politique volontariste engagée à faire progresser l’égalité femmes-hommes.

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