Derrière l'une des marques de mode préférées d'Instagram (Rihanna et Gigi Hadid sont également des adeptes de son blazer boyfriend) se cache une femme aux goûts exceptionnels en matière de décoration d'intérieur et dont la garde-robe attise toutes les convoitises. Bienvenue chez Gaëlle Drevet de The Frankie Shop.
Si la marque populaire The Frankie Shop prône l’élégance dans la vie réelle, sa fondatrice, Gaëlle Drevet, met en pratique ce qu’elle prêche. L’entrée de son appartement du Marais, situé au sixième étage, présente certes les moulures d’un couloir parisien classique, mais aussi deux tricycles soigneusement garés, appartenant à son fils de cinq ans. « Mon compagnon dit toujours que c’est une maison “no design”», explique Gaëlle. « C’est comme ça qu’on l’aime. Il n’y a pas d’encombrement, pas de décoration – il s’agit simplement de choses intéressantes et pratiques. »
L’espace principal répond à ce cahier des charges : un immense salon au parquet à chevrons est agrémenté d’un tapis berbère déniché à Marrakech. Le couple s’approvisionne en pièces vintage auprès de galeries, de marchés aux puces et de maisons de vente aux enchères pour donner une touche seventies à l’ensemble. Il y a une table basse très prisée, fabriquée par le designer italien Willy Rizzo, et un canapé Tito Agnoli incurvé, tout aussi désirable – et très blanc. Le thème du blanc se poursuit sous la forme d’un classique du design moderne : une table à manger et des chaises Eero Saarinen.
Des signes de la vie familiale sont également disséminés, de la guitare miniature alignée à côté de plusieurs guitares de taille adulte, aux chaussons de bébé que Gaëlle ne peut se résoudre à donner. Ici, le blanc n’est pas synonyme de minimalisme immaculé. C’est une toile de fond amusante, comme les bols rose fluo en équilibre sur une chaîne hi-fi vintage ou le bouquet de plumes de paon qui se révèle derrière une enceinte.
Lumière et espace (de stockage)
Gaëlle – une présence énergique avec une chevelure de corbeau lustrée et des lunettes de vue assorties – explique que deux facteurs ont attiré le couple dans cet espace : la lumière, qui entre par les fenêtres des deux côtés, et l’espace de rangement généreux, mais élégant – les murs sont tapissés d’armoires blanches discrètes. « Il y en a une que je n’avais même pas remarquée – c’est comme Louis XIV avec ses portes secrètes », plaisante-t-elle. Ses vêtements sont derrière ces portes et rangés sur un rail dans une chambre d’amis, même si, admet-elle, « ce n’est pas très organisé… J’ai besoin de Marie Kondo avant qu’elle ne démissionne ». Si les tringles à vêtements bénéficient du travail de Gaëlle, les murs ici reflètent celui de son compagnon – il travaille à la Galerie Hussenot à Paris, dédiée aux artistes contemporain·e·s. L’art est partout.
Gaëlle apprécie particulièrement le portrait d’une jeune femme du peintre japonais Yu Nishimura, ainsi qu’une œuvre de l’artiste marocain Mounir Fatmi réalisée à l’aide de fils téléphoniques. « Il s’agit d’un verset du Coran, qui évoque le lien entre Dieu et les nouveaux médias et la technologie dans le monde d’aujourd’hui », explique-t-elle. Le couple a commencé à vivre dans l’appartement il y a une dizaine d’années, même si Gaëlle voyageait beaucoup à l’époque. Elle s’est installée définitivement à Paris en 2017 après avoir vécu à New York et travaillé comme journaliste d’investigation pendant deux décennies (à un moment, elle essayait de retrouver Oussama ben Laden). L’appartement était une bonne transition par rapport à la vie dans la Grosse Pomme, puisqu’il se trouve sur un grand boulevard : « Autant je pourrais me plaindre du bruit, autant je ne pense pas que je pourrais vivre dans un quartier calme. J’aurais peur la nuit. »
Entre Londres et Paris
Gaëlle a d’abord songé à devenir styliste pendant son enfance à Saint-Étienne, dans le centre de la France, mais s’est tournée vers le journalisme, une voie professionnelle moins risquée. Ce n’est qu’au milieu de la trentaine qu’elle a renoué avec son rêve d’enfant, alors qu’elle séjournait à Londres en attendant de résoudre un problème de visa pour son job aux États-Unis. Ses employeurs ayant pris en charge son logement, elle a pu économiser suffisamment d’argent pour commencer à produire des vêtements. En 2014, The Frankie Shop – ou, comme l’appelle Gaëlle, « Frankie » – a vu le jour.
Aujourd’hui, près de dix ans plus tard, c’est un succès fulgurant avec plus d’un million de followers sur Instagram et un look signature immédiatement reconnaissable : le blazer boyfriend surdimensionné. D’un point de vue esthétique, Frankie est né du constat que Gaëlle ne trouvait rien à se mettre sur le dos. « Je voulais un look de tous les jours qui ne soit pas trop artificiel, qui ne soit pas trop pouponné », se souvient-elle. « Je voulais du minimalisme, mais aussi un peu d’audace. » Londres avait un rôle à jouer. « Nous [les Français·es] avons des tonnes de règles, et ils [les Londonien·ne·s] les enfreignent et c’est incroyable », dit-elle. « Je me souviens d’avoir été inspirée par mes amis londoniens et par la façon dont ils assemblent les choses de manière plus audacieuse. Sinon, je n’aurais porté qu’une marinière et un jean. » Jane Birkin – la Franco-Britanique par excellence – reste une muse.
Selon Gaëlle, un trait de personnalité l’a aidée dans sa carrière. « Je n’ai pas peur », dit-elle. « C’est ce qui me fait me lancer – et en fait, il faut juste y aller. » Sa formation en journalisme lui a permis d’appréhender rapidement le pouvoir des réseaux sociaux. « Je pouvais faire mes propres relations publiques. Je n’avais pas besoin de payer un·e attaché·e de presse. J’étais ma propre directrice artistique et je savais exactement quel genre de photos je voulais... Grâce aux réseaux, les choses se sont mises en place de manière organique. En décembre, The Business of Fashion a qualifié Frankie de « marque de mode préférée d’Instagram » et a révélé un chiffre d’affaires net de 40 millions de dollars en 2022. En plus de son activité en ligne, Frankie dispose d’une boutique physique à New York, et d’autres sont prévues, ainsi que de deux boutiques à Paris, une boutique prévue à Londres et plusieurs pop-up.
Ne jamais avoir peur
Grâce à son ancienne carrière, Gaëlle s’exprime sur les questions qui la passionnent. Après que l’arrêt Roe vs Wade a privé de nombreuses femmes de leur droit à l’avortement aux États-Unis, elle a lancé un T-shirt avec le slogan « If You Are Not Angry You Are Not Paying Attention » (« Si vous n’êtes pas en colère, vous ne faites pas attention »), dont les bénéfices sont reversés au National Network of Abortion Funds (réseau national de fonds pour l’avortement). « On ne peut pas être une marque et être complètement déconnectée de ce qui se passe autour de soi », dit-elle. « Cela signifierait que je ne suis pas humaine, vraiment. »
Si des marques comme Celine et The Row sont des géants du minimalisme, leurs prix les rendent inaccessibles pour de nombreuses personnes. En revanche, Frankie est relativement abordable, avec une paire de jeans autour de 100 euros et des blazers autour de 200 euros. La marque est également conçue pour être intemporelle. « Je veux m’assurer que toutes les filles qui aiment la mode comme moi puissent se permettre d’avoir des pièces de qualité qui dureront, je l’espère, pour toujours », explique Gaëlle. Un certain pragmatisme – la même approche que pour les intérieurs de son appartement – est également présent ici. « Je veux simplement offrir des outils pour vous simplifier la vie », dit-elle.
Le succès de Frankie a sans doute compliqué sa propre vie, car il a coïncidé avec la naissance de son fils. « À l’époque où j’ai emménagé dans cet appartement, Frankie décollait et je venais d’avoir un bébé en même temps », dit-elle. « J’ai donc dû m’occuper de deux bébés. » Ces préoccupations tout aussi exigeantes les unes que les autres ont entraîné un changement dans son mode de vie – un changement qui reste présent dans le lien qu’elle entretient avec son cocon. « Je dois dire que les souvenirs de cet appartement sont liés au fait que j’ai eu un enfant », dit-elle. « J’aimerais pouvoir dire qu’il est toujours rempli d’amis, mais il y a surtout ma mère et ma famille. » Comme son fils est maintenant en âge d’aller à l’école, elle pense que ça pourrait changer – l’activité autour de la table de Rizzo pourrait bientôt se résumer à du vin et des conversations d’adultes plutôt qu’à du lait et des bavardages de cour de récré.
Et quel sera le prochain ajout à la maison ? « Nous aimons la musique », dit-elle. « Je voulais mettre un piano ici. Nous avons eu des négociations très animées, mais ce n’est pas encore fait. » Étant donné sa détermination d’abandonner une carrière de journaliste pour lancer une marque de mode encore plus florissante, il y a fort à parier que Gaëlle ajoutera bientôt quelques notes d’ivoire à cet espace des plus parisien.
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