Beauté responsable : quelles sont les dernières avancées ?

Mis à jour le 10 juin 2024 par Monique Le Dolédec et ELLE Belgique Photos: Christine Kreiselmaier
Beauté responsable : quelles sont les dernières avancées ? ©presse

Bonne nouvelle pour celles qui cherchent à adopter les meilleures pratiques possible pour protéger la planète : l’industrie de la beauté explore de plus en plus des voies prometteuses. La preuve par 9. 

Dans les années 2000, le développement durable était à peine pris en compte par l’industrie cosmétique. Aujourd’hui, il est au cœur des stratégies créatives, sous l’impulsion des réglementations gouvernementales, des initiatives et d’une prise de conscience grandissante des consommateurs·rices. Delphine Viguier-Hovasse, directrice internationale de L’Oréal Paris, a déclaré : « Il est temps de fusionner innovation, développement durable et progrès pour accélérer notre transition vers une économie circulaire et réduire l’impact environnemental de nos produits. »

Au cours des dix dernières années, les nouvelles start-ups de beauté ont suscité des ambitions révolutionnaires qui ont non seulement modifié les perceptions, mais également établi de nouvelles normes. Parallèlement, les consommateurs·rices affichent une exigence croissante, réclamant davantage de transparence et des pratiques respectueuses de l’environnement. Les grands groupes cosmétiques, en tant qu’acteurs économiques majeurs dans leurs pays respectifs, ont pris la mesure de leurs responsabilités en énonçant des objectifs concrets dans leurs publications et rapports annuels. Parmi ces initiatives figurent des engagements tels que « L’Oréal for the Future » et « Life 360 » pour le groupe LVMH, ainsi que la philosophie des 5 R de Shiseido (Réutiliser, Recycler, Réduire, Remplacer avec Respect), le Plan de transition climatique des Estée Lauder Companies, et les programmes de préservation de la biodiversité de Clarins sous le nom de « We Care », pour n’en citer que quelques-uns.

Outre les changements industriels et sociétaux, et les résultats concrets observés, nous assistons également à l’établissement de collaborations fructueuses entre des entreprises qui étaient autrefois en concurrence. Le changement est en marche, et pour le mieux.

1. Viser le long terme

Comment pouvons-nous réduire notre impact environnemental en évitant le gaspillage ? Une solution proposée par les maisons de luxe consiste à concevoir des objets attrayants que les acheteurs·euses seront fier·e·s de conserver. Façonnés comme des œuvres d’art, avec une attention méticuleuse portée aux détails, aux proportions, aux matériaux et aux couleurs, ces articles incarnent le summum du raffinement. L’objectif est clair : les réutiliser une fois que leur contenu est épuisé.

Un exemple phare est le nouveau « Le Rouge 31 » de Chanel, le premier rouge à lèvres présenté dans un contenant en verre et en métal. Conçu par deux experts japonais, il s’inspire de la célèbre bouteille de parfum N° 5 et des jeux de miroirs de l’escalier de la boutique 31 rue Cambon à Paris. Sylvie Legastelois, directrice de la création de l’emballage et de l’identité graphique chez Chanel, explique : « Nous avons voulu créer un produit ultime, doté des qualités d’un design durable et d’une désirabilité qui résiste à l’épreuve du temps, un produit que les gens aimeront au point de le transmettre à la génération suivante. » À souligner également, 75 % de la formule contient du raisin rouge naturel. Dans cette même optique, Dior propose « Le Rouge Premier », un boîtier en métal doré recouvert de céramique produite par Bernardaud. Les élégants contenants bicolores du designer belge Dries Van Noten, ainsi que les éditions limitées de Rouge Hermès conçues par Pierre Hardy, contribuent également à cette démarche.

2. Le retour des systèmes de dépôts

L’objectif ici est de limiter l’utilisation d’emballages à usage unique en instaurant un système de dépôt pour les bouteilles, notamment en verre, à l’image de ce qui se faisait il y a cinquante ans avec les bouteilles de lait et de limonade. Une récente étude en France (Leko x Circul’R, octobre 2023) a révélé que 94 % des consommateurs·rices sont prêt·e·s à adopter la réutilisation de leurs flacons de shampooing. Les fabricants collaborent étroitement pour étudier de près cette approche, poussés par des exigences réglementaires croissantes.

Des marques émergentes telles que Amalthea.bio ou BeautyGarden.com ont déjà lancé des systèmes de dépôt, encourageant les consommateurs·rices à retourner leurs produits par la poste, tandis que TheNakedShop.fr propose des distributeurs en libre-service. Par ailleurs, certaines maisons de parfumerie ont déjà mis en place des dispositifs de nettoyage et de remplissage de leurs flacons de luxe, comme les flacons rechargeables « Abeilles » des boutiques Guerlain, les designs de Marc Newson et Franck Gherry pour Louis Vuitton, ou encore les best-sellers Angel et Alien de Mugler, rechargeables aux Fontaines Mugler, disponibles depuis des années dans leurs boutiques de parfumerie.

3. Optimiser l’utilisation de l’eau

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Sur notre planète, 97,2 % de l’eau est salée, laissant seulement 2,8 % d’eau douce disponibles. Selon l’ONU, la demande mondiale en eau douce augmentera de 50 % d’ici à 2030 en raison de la croissance démographique et de l’accroissement de la consommation, notamment pour l’élevage et l’agriculture. L’industrie cosmétique figure parmi les grands utilisateurs d’eau. Cette ressource précieuse est mobilisée indirectement dans la culture et la production des matières premières naturelles, nécessitant l’irrigation des sols, ainsi que directement dans les formules, les processus de fabrication et le nettoyage des installations industrielles. L’émergence de produits « secs », tels que les savons et les poudres diluables, a suscité une prise de conscience croissante quant à la quantité d’eau contenue dans les produits traditionnels, ainsi que sur l’utilisation de conservateurs pour maintenir leur stabilité dans le temps.

Yodi Beauty et la marque canadienne Attitude, avec leur gamme de soins du visage «Oceanly», se sont engagées dans cette mission. Elles proposent des produits anhydres, conditionnés dans des tubes en plastique zéro. Vous pouvez également contribuer à cette démarche en limitant les bains et en privilégiant les douches rapides, ce qui permet d’économiser jusqu’à 100 litres d’eau par jour. Optez également pour des produits nécessitant peu ou pas de rinçage.

Une innovation récente : en partenariat avec la start-up Gjosa, L’Oréal Professionnel a développé un système de pomme de douche économique pour les lavabos des salons de coiffure, réduisant la consommation d’eau de 69 %. Le Water Saver est déjà distribué dans 3. 100 salons à travers le monde.

4. Des flacons dans un emballage en fibres végétales

Adieu les empilages de carton rigide interminables ! Pour réduire le nombre de boîtes à usage unique jetées dès leur ouverture, certains des plus beaux flacons de parfum ou de soins sont dorénavant emmaillotés dans des cocons conçus à partir de fibres végétales et de pâte de papier biodégradable provenant de forêts gérées de manière durable. Ces cocons thermoformés s’ajustent tel une seconde peau, mariant à la fois esthétique, praticité et durabilité. C’est le cas de la nouvelle ligne Sauvage de Dior, tant pour son parfum que pour sa gamme de soins. Ingénieux et novateur!

5. Protéger les fonds marins

Les océans, gardiens du climat et de la biodiversité, sont aujourd’hui menacés par plusieurs fléaux : le réchauffement climatique, l’acidification croissante de l’eau et la pollution plastique. Chaque minute, ce sont 20 tonnes de plastique qui viennent souiller les eaux de notre planète. Face à cette crise, il est impératif d’agir de manière décisive : réduire considérablement notre utilisation de plastique, nettoyer les eaux polluées et préserver la vie marine. Cette cause, souvent évoquée sur les emballages de crème solaire, incarne le délicat équilibre entre protection personnelle contre les rayons du soleil et respect de l’environnement.

Dans cette optique, Lancaster s’associe à la Fondation Prince Albert III de Monaco, engagée dans la lutte contre le changement climatique, pour présenter une nouvelle Lotion Protectrice SPF 50. Conçu avec soin, son tube en plastique hautement épuré et son bouchon permettent de réduire de 54 % l’utilisation de plastique par rapport aux produits conventionnels. Sa formule est soumise à des tests rigoureux afin de préserver les écosystèmes marins, notamment le phytoplancton, le zooplancton et les coraux. D’autres marques telles que La Roche-Posay et Garnier s’engagent également dans des initiatives remarquables, développant des tubes à moitié plastique, à moitié carton. Ces dernières vont même jusqu’à introduire un indice d’évaluation de l’impact environnemental et social mondial pour chacun de leurs produits, accessible sur leur site web. 

6. Exiger la transparence

Les pandémies, les conflits politiques, les incertitudes climatiques et les réglementations locales ou internationales ont entraîné une augmentation considérable du nombre d’intermédiaires impliqués dans la fourniture des ingrédients et des matériaux nécessaires à la création de produits de beauté. Par conséquent, la chaîne d’approvisionnement devient de plus en plus opaque et difficile à surveiller, allant du bois et du métal au soja et à la noix de coco. Pourtant, la transparence est une exigence primordiale des consommateurs·rices, qui se sentent plus rassuré·e·s par les marques locales ayant des chaînes d’approvisionnement courtes. Dans ce contexte compétitif et relativement secret, l’idée novatrice est de partager les processus de traçabilité afin de surveiller l’impact des produits sur les personnes et l’environnement.

À l’initiative de Chanel et avec le soutien de la Fédération des entreprises de la beauté, un consortium de 15 grandes entreprises cosmétiques, nommé TRASCE (TRaceability Alliance for Sustainable CosmEtics), vient d’être établi pour cartographier leurs chaînes d’approvisionnement sur une plateforme numérique commune. Jusqu’à présent, les membres incluent Chanel, Dior, Estée Lauder Company, Nuxe, Shiseido, Sisley, L’Occitane et d’autres. Par ailleurs, Clarins a développé T.R.U.S.T, un système de traçabilité du processus de fabrication de ses produits, accessible à tou·te·s sur son site Web grâce à un numéro de lot.

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7. Extraire les parfums de manière plus naturelle

Les parfumeurs se réjouissent de l’émergence des sciences environnementales, car cela leur ouvre les portes vers une gamme de fragrances se rapprochant au maximum del’essence même de la fleur : « En utilisant uniquement de l’air, cette technologie capture les molécules volatiles parfumées des fleurs, des fruits et d’autres ingrédients naturels, sans avoir recours aux procédés de distillation traditionnels ni aux solvants chimiques », explique Barbara Lavernos, directrice générale adjointe en charge de la recherche, de l’innovation et de la technologie chez L’Oréal et Cosmo International Fragrances, la société à l’origine de cette innovation. « Les fleurs conservent ainsi leur intégrité et peuvent être réutilisées lors d’une seconde extraction, participant ainsi à la réduction des déchets. » La toute première extraction sans eau, économe en énergie et lente, des fleurs de tubéreuse sera présentée dans la collection de parfums Valentino, qui sera dévoilée au monde en juillet 2024.

8. S’offrir m’expérience d’un parfum vertueux

Bien que la notion de produit écologique ne soit pas universelle, certaines marques émergentes se démarquent. C’est le cas de la jeune maison de parfums Nissaba, fondée par un ancien gestionnaire d’approvisionnement en ingrédients naturels, qui répond à de nombreux critères en matière de soutien à l’économie circulaire. Inspirés par les terres lointaines d’où proviennent les principales matières premières de la parfumerie – comme la vanille de Madagascar, le palo santo du Paraguay ou le patchouli d’Indonésie –, leurs délicates fragrances, imaginées par les plus grands nez, participent également au financement de projets visant à soutenir les acteurs de la chaîne de production. Leur flacon en verre léger et rechargeable contribue à réduire leur empreinte carbone. Sans étiquette, il évite l’utilisation d’encre ou de colle, et se recycle aisément. Quant au bouchon en bois, dépourvu d’inserts en plastique ou en métal, il est entièrement recyclable.

9. Cultiver les nouvelles cultures écologiques

L’agroforesterie, l’agroécologie, l’agriculture biologique... ces termes sont séduisants pour celles et ceux qui recherchent des produits cosmétiques riches en extraits végétaux. Ils représentent de nouvelles approches agricoles qui évitent l’usage de pesticides chimiques, préservent les sols et favorisent la biodiversité. Ces pratiques s’inscrivent dans une démarche empirique tout en renouant avec les techniques ancestrales et les savoir-faire locaux oubliés. Certaines marques contribuent à revitaliser ces méthodes.

L’Occitane, par exemple, s’engage dans cette voie avec ses amandiers en Provence. D’autres vont jusqu’à contrôler entièrement le processus, transformant leurs champs en laboratoires à ciel ouvert. Le groupe Pierre Fabre détient ainsi 180 hectares où poussent les avoines Realba (pour A-Derma), la calendula, le bleuet et la menthe aquatique (pour Klorane). Clarins, il y a quelques années, a investi dans 10  hectares au cœur des Alpes, pour produire désormais une Eau Micellaire Démaquillante à base d’extraits de gentiane jaune et de mélisse des Alpes. La ferme Verdura en Sicile fournit quant à elle de nombreux ingrédients à la marque Irène Forte, dont des extraits d’amande, de citron, d’orange et d’olive.

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