Il y a deux ans, ma vie m’a été volée sous mes yeux par ma collègue. Christelle. Rien que prononcer son prénom me terrorise. Tout a commencé de manière innocente, presque flatteuse. J’avais décroché un poste dans une super entreprise. Moyenne d’âge de la cinquantaine de personnes employées : 30 ans. Nickel pour la cohésion d’équipe, la motivation, le turn-over dynamique et les afterworks arrosés. Mais ce qui semblait être un bon plan s’est rapidement transformé en cauchemar.

Dès mon premier jour, Christelle s’est montrée particulièrement accueillante. Un peu trop, peut-être, mais je n’y ai vu que de la bienveillance. Elle était toujours là pour m’aider, partager des tips, me mettre en valeur. Puis, j’ai remarqué ses regards insistants, comme si elle essayait de percer mes secrets. Elle me fixait entre les deux yeux puis semblait revenir à elle comme si elle avait été hypnotisée. C’était tellement étrange et flippant que je lui ai plusieurs fois demandé si elle n’était pas épileptique, si elle avait des absences, des troubles de l’attention… Elle disait que non. Un jour, elle est venue travailler avec le même sac que moi. Un modèle que j’avais choisi pour son originalité dans une boutique de niche. Je n’y ai pas prêté attention, me disant que c’était une simple coïncidence.

Les semaines passaient, et Christelle semblait de plus en plus obsédée par mes goûts. Elle commentait toujours mes tenues, mes accessoires, posant des questions de plus en plus intrusives. Puis, elle a commencé à acheter les mêmes vêtements que moi. Peu à peu, son style est devenu une copie conforme du mien. Preppy chic, assez pensé et caractéristique d’une marque belge bien spécifique. Chemises et blouses oversize et bien coupées, dans des tissus lignés ou à carreaux, des bleus indigo, des jeans seventies, des petits bijoux discrets dorés, des bottines à bouts carrés… Impossible de ne pas faire le rapprochement. Mais ce n’était que le début, je voulais encore croire que je l’inspirais tout simplement. 

Sauf qu’un matin, elle est arrivée au bureau avec une nouvelle coupe de cheveux. La mienne. Court devant et sur les côtés, long derrière. Mon père l’appelle « le mulet » tant ma coiffure évoque cette tendance capillaire. Ça me va bien, ça colle avec ma personnalité et mon look androgyne. Et Christelle m’avait copiée : même longueur, même couleur. Encore une fois, j’ai préféré l’ignorer. Je ne voulais pas passer pour une gamine et je n’ai pas déposé de brevet sur cette coupe, donc que faire ? Les gens au bureau commençaient à trouver ça marrant. Ils faisaient des allusions au film « JF cherche appartement » et à m’appeler « la jumelle maléfique de Cristelle ». Elle riait aux éclats. Pas moi. Ce n’est que lorsqu’elle a commencé à porter des lentilles de couleur, rendant ses yeux identiques aux miens, que j’ai commencé à me sentir véritablement mal à l’aise. Elle imitait mon maquillage, mon parfum, jusqu’à ma façon de parler.

Dans le même temps, elle a commencé à infiltrer ma vie personnelle. Elle a d’abord envoyé des demandes d’amitié à mes amis sur les réseaux sociaux, puis s’est mise à fréquenter les mêmes lieux que moi en dehors du travail. Elle devenait proche de mes potes, se glissant insidieusement dans mon cercle social.

Christelle profitait de chaque occasion pour se rapprocher davantage de moi. Au travail, elle anticipait mes réponses en réunion, envoyait des e-mails à ma place, parfois en usurpant mon identité après avoir utilisé mon laptop. Elle savait toujours tout avant moi, devançait mes idées et finissait par recevoir les louanges de notre supérieur pour mon travail.

Peu à peu, elle a réussi à me faire passer pour une incompétente. Les regards de mes collègues se faisaient de plus en plus soupçonneux. On me reprochait des erreurs que je n’avais pas commises, des e-mails que je n’avais pas envoyés. Christelle jouait son rôle à la perfection, se montrant toujours sous son meilleur jour. Elle faisait tout pour m’éclipser, et je commençais à perdre pied.

J’ai essayé de parler de la situation à mon supérieur, mais Christelle avait tissé sa toile si habilement qu’elle avait réussi à me faire passer pour paranoïaque. Chaque tentative de ma part pour dénoncer ce qui se passait ne faisait qu’aggraver ma situation. On me regardait comme une folle, une personne jalouse et instable. Deux ans. C’est le temps qu’il a fallu pour que quelqu’un d’autre se rende vraiment compte de ce qui se passait. Pierre, un collègue avec qui je n’avais jamais vraiment été proche, a commencé à observer les comportements de Christelle. Il a remarqué ses manigances, ses petits coups en douce pour me discréditer. Un jour, il est venu me voir et m’a dit qu’il avait des doutes. Il avait remarqué qu’elle utilisait mon ordinateur quand je n’étais pas là, qu’elle lisait mes e-mails et s’appropriait mes idées.

Avec l’aide de Pierre, j’ai commencé à recueillir des preuves. Des captures d’écran, des enregistrements de conversations. Nous avons même réussi à la filmer en train de fouiller dans mes affaires personnelles. Armés de ces preuves, nous sommes allés voir notre supérieur une nouvelle fois. Il n’a pas pu ignorer ce qui se passait. Christelle a été convoquée, confrontée à nos preuves. Elle a nié, bien sûr, mais les faits étaient là, indéniables. La direction a finalement pris des mesures. Christelle a flippé et elle a démissionné. La sensation de soulagement que j’ai
ressentie ce jour-là était dingue. Après deux ans de cauchemar, de doutes et de peur, je pouvais enfin recommencer à vivre. Mais les séquelles étaient là. Ma confiance en moi était ébranlée, et il m’a fallu du temps pour me reconstruire. Aujourd’hui, je suis plus vigilante, plus méfiante. Cette expérience m’a appris à quel point il est important de se protéger, de ne pas laisser entrer n’importe qui dans sa vie. Christelle voulait ma vie, mais elle ne pourra jamais voler mon identité, mon essence. J’ignore ce qu’elle est devenue… 

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