Vacances enfants non admis : pause bien méritée ou symptôme d’une société individualiste ?

Mis à jour le 10 septembre 2024 par Camille Vernin
Vacances enfants non admis : pause bien méritée ou symptôme d’une société individualiste ? ©Adobe Stock

Partir sans ses kids… La pratique reste encore marginale en Belgique, mais elle cartonne à l’étranger, de l’Angleterre à l’Allemagne en passant par l’Espagne.  Les vacances « no kids » trouvent de plus en plus leur clientèle. La preuve.

Trains, hôtels, restos… Les enfants deviennent persona non grata dans de plus en plus d’espaces publics. Même les compagnies aériennes s’y sont mises. Malaysia Airlines a ainsi annoncé ouvrir des vols entièrement ou partiellement réservés aux adultes. Sur TUI, 15 % des vacancier·e·s ont opté pour un hôtel « adults only », contre 12 % en 2019. Une progression relative, mais qui ne montre que la partie émergée de l’iceberg. Puisque la plupart des hôtels, resorts, campings et restaurants se gardent généralement bien d’indiquer qu’ils n’acceptent pas les enfants. Ils contournent le tabou plus subtilement, en affichant des couples amoureux sur leurs annonces comme Club Med ou en insistant sur l’absence de services pour les enfants. 

« Adults only »

C’est le parti-pris de l’hôtel Capo d’Orso en Sardaigne. Ce boutique-hôtel de 86 chambres propose un parc de 10 hectares avec un golf neuf trous, un centre de thalasso, une vaste piscine d’eau de mer, trois restaurants bord de mer, une pizzeria, des excursions en pleine nature ou des mini-croisières vers la Corse. Mais rien qui ne ressemble de près ou de loin à une activité en famille. « Nous sommes orientés vers les séjours romantiques », explique Tamara Amadu Pro, attachée de presse de la chaîne d’hôtels de luxe Delphina Hôtels & Resorts. « Si une personne nous demande d’amener ses enfants, nous ne dirons pas non, mais nous précisons bien que rien n’est prévu pour eux. »

Retraites slow, randonnées yoga, trips 100 % féminins, voyages bien-être… le lexique ne manque pas pour signifier « adults only ». « Nos client·e·s viennent recharger leurs batteries loin du quotidien », continue Tamara. « Beaucoup n’osent pas le dire à voix haute de peur du jugement. Je pense au contraire que se retirer une courte période est le meilleur moyen d’apprécier ensuite sa vie de famille. » 

Où profiter loin des mômes ?

D’autres établissements n’hésitent pas à s’afficher ouvertement « adults only » afin d’attirer une clientèle peu encline aux bombes dans la piscine ou aux crises de larmes inopinées à table. TUI propose sa catégorie « For Two ». En scrollant, on découvre l’hôtel cinq étoiles Baron Palms à Sharm El Sheikh, interdit aux moins de 16 ans. Mais aussi un tas de complexes 4 étoiles espagnols interdits aux moins de 18 ans, de Tenerife à Marbella en passant par Majorque.

Club Med, pourtant célèbre pour ses vacances en famille, propose lui aussi des resorts uniquement réservés aux adultes comme le all inclusive Turkoise aux Caraïbes. Le géant français du voyage a également mis en place des « Zen Zones », des espaces de détente loin des enfants qui s’amusent au Mini Club. De quoi réconcilier tout le monde. Le site spécialisé Let’s Go My Love compile les cachettes romantiques en Belgique et ailleurs pour raviver la flamme loin des mômes. Mira collective propose des week-ends en couple à 20 minutes de Bruxelles pour explorer son ennéagramme le temps d’un week-end.

La tendance skip-gen travel

Mais où sont les enfants pendant que leurs parents se prélassent au soleil ? À côté de la tendance « no kids », on voit émerger le mouvement « skip-gen travel », élu l’une des grandes tendances voyage de l’année 2024 par Condé Nast. Ce mot-valise désigne le fait de sauter une génération en encourageant les grands-parents à partir en vacances avec leurs petits-enfants. Plusieurs agences de voyages ont créé des itinéraires pour répondre à cette demande de niche.

Le terme « gramping » a également vu le jour pour désigner les virées camping du troisième âge avec leurs petits-enfants. Des week-ends moins stricts qu’avec les parents, dans des lieux plus informels, pour renforcer le lien intergénérationnel. Un phénomène encouragé par la combinaison de l’allongement de l’espérance de vie et la baisse du nombre d’enfants par personne. Résultat ? Le ratio mondial de grands-parents vivants par rapport aux petits enfants est plus élevé que jamais. Si l’on omet les enjeux liés au vieillissement de la population, cela fait une pluie de baby-sitters à moindres frais pour les jeunes parents. À condition que ceux-ci acceptent de se prêter au jeu en jouant les nounous à plein temps.

Un symptôme de société 

Si les vacances sans enfants peuvent être perçues comme une pause bien méritée, certain·e·s y voient le signe d’une société de plus en plus individualiste. Si de plus en plus de restaurants, d’hôtels, de restos et de campings proposent des offres «adults only », ce serait surtout pour répondre aux exigences d’une clientèle qui ne tolère pas ou plus le bruit et l’agitation. Une forme de discrimination liée à l’âge pour laquelle il n’existe aucune jurisprudence en Belgique pour l’heure. Chez nous, il n’y a donc rien d’illégal à placarder en grand « interdit aux enfants » sur son établissement.

« Le confinement nous a encouragés à vivre dans des bulles sécurisantes et un dans un certain repli domestique. Lorsqu’on retourne dans le monde extérieur, on souhaite désormais retrouver notre petit monde », explique le sociologue Vincent Cocquebert. « Cela traduit un rapport à l’altérité de plus en plus compliqué. L’autre est perçu comme une barrière plutôt que comme une cellule avec laquelle interagir. » Or, selon l’auteur de « La civilisation du cocon », l’enfant, en tant qu’être « non fini » ne contrôle pas ses affects et ses pulsions. Il est bruyant, turbulent, imprévisible. Autant de désagréments à notre expérience qui va rendre complexe l’articulation de nos valeurs autour de lui. Une réalité qui, en rencontrant aujourd’hui le concept de l’enfant roi, encourage cette tendance « adults only ». « Aujourd’hui, les familles assument de moins en moins la fonction mondaine qui prépare l’enfant à la société. La maison devient davantage un cocon qu’un espace d’apprentissage et d’éducation. On laisse cette tâche à l’école. » Le sociologue tempère néanmoins : « Les adultes deviennent également de grands enfants impatients qui ne supportent plus grand-chose. Il convient donc de ne pas se prendre trop au sérieux non plus. »

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