Voilà la troisième année consécutive que le nombre de personnes infectées par le VIH augmente en Belgique alerte l’institut de santé publique Sciensano. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’épidémie de VIH en Belgique n’est pas sous contrôle, et des efforts supplémentaires seront nécessaires pour endiguer l’épidémie.
En 2023, 665 personnes ont été diagnostiquées avec le VIH en Belgique, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2022. Pour rappel, le VIH (ou Virus de l’Immunodéficience Humaine), est une infection sexuellement transmissible qui affaiblit le système immunitaire et qui, en l’absence de traitement, est responsable du sida. Mais qui sont les personnes concernées au juste ? Et doit-on s’inquiéter de cette augmentation des diagnostics ?
3 ans de hausse après 10 ans de recul
“Cela fait trois ans que l’on constate une hausse, alors que l’on avait réussi à faire reculer l’épidémie depuis dix ans”, explique Thierry Martin, directeur de la Plateforme Prévention Sida. “Ce ne sont pas des chiffres surprenants néanmoins, car on observe sur le terrain un désintérêt de plus en plus grand à l’égard du VIH. Beaucoup pensent aujourd’hui que puisqu’il s’agit d’une maladie que l’on peut traiter, elle est moins grave. Durant l’épidémie des années 80-90, les gens se renseignaient de façon plus proactive, se sentant davantage concernés. Aujourd’hui, c’est à nous de (re)venir vers eux. La prise de risque vient principalement du fait que les personnes n’utilisent pas de préservatif. On est réellement sur une banalisation de la maladie et sur la perception biaisée d’une moindre grande dangerosité qu’autrefois.”
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Le préservatif reste un outil difficile à promouvoir
“Les gens utilisent moins le préservatif, et ça ne concerne pas que les jeunes”, constate-t-il. “Les catégories plus âgées qui ont été moins ciblées par les campagnes ont l’impression d’être immunisées, que c’est ‘un truc de jeunes’. Parfois, on a été marié pendant très longtemps et on n’a perdu le réflexe au moment de rencontrer un nouveau partenaire. Ce n’est pas simple pour tout le monde de reparler prévention à 55 ans”.
On ne guérit toujours pas du Sida
“On le soigne, mais on ne le guérit pas. Les traitements sont évidemment beaucoup plus efficaces aujourd’hui, il n’est plus question de prendre 15 médicaments par jour. Par contre, ce que l’on ne dit pas, c’est qu’en vieillissant, les personnes séropositives sont plus fragiles et risquent sur le long terme de développer des comorbidités, d’être sujet à des accidents cardio-vasculaires, ou encore d’avoir des problèmes aux os. La personne séropositive vieillit plus vite que la moyenne. Sans parler des stigmates liés à la maladie. Beaucoup sont restés bloqués dans les années 90.
Mais des traitements existent pour ne pas le transmettre
“Il existe de nombreux traitements aujourd’hui, de sorte que des personnes séropositives peuvent avoir une charge virale tellement indétectable qu’elles ne transmettent plus la maladie. C’est ce qu’on appelle le TasP. Pour éviter d’être contaminé, il existe aussi la PreP, qui va empêcher le virus du VIH de se développer dès son entrée dans le corps. Ensuite, il y a le Traitement Post-Exposition (TPE) à prendre dans les 72h après le rapport et qui va permettre d’éviter que le virus ne s’installe. Pour les séropositifs, les traitements sont remboursés à 100% en Belgique. Pour la PreP et le TPE, on parle d’une dizaine d’euros. On possède donc beaucoup plus d’outils qu’avant, mais le niveau d’informations reste insuffisant. Il faut savoir que la principale source de transmission concerne les personnes séropositives qui s’ignorent, d’où l’importance de se faire dépister régulièrement.”
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Les personnes atteintes d’une IST sont plus à risque
L’augmentation en Belgique est aggravée par la hausse des autres infections sexuelles transmissibles (IST), telles que la gonorrhée et la chlamydia. En effet, les personnes atteintes d’une IST sont plus à risque d’infection par le VIH. “Lorsque l’on a été porteur d’une infection, les muqueuses de l’organisme ont été ‘abimées’ et le virus a donc plus de facilité à s’installer”.
Aucun symptôme n’indique que l’on est porteur du VIH
Après avoir été infectée, la personne porteuse du VIH ne ressent aucun symptôme alors que le virus continue de se développer dans son organisme. Cette phase silencieuse peut durer plusieurs années. Même si elle ne ressent aucun symptôme, la personne infectée peut transmettre le virus qui se multiplie activement. “C’est le cas pour le VIH, mais aussi pour bon nombre d’IST. La seule façon d’en avoir le coeur net est de réaliser un test de dépistage. Il existe des auto-tests rapides de détection du VIH par exemple, cela évite de devoir prendre rendez-vous pour une prise de sang. Il ne coûte ‘que’ 30€, même si ce prix peut être un frein pour certains.”
Le VIH touche tout le monde
“Deux populations restent très exposées : les hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes (HSH) et les populations originaires de pays où l’épidémie de VIH est très présente (Afrique subsaharienne, Guyane notamment). Mais ils ne sont évidemment pas les seuls concernés. La maladie touche tout le monde, hommes et femmes, belges et étrangers, couples hétéro et homo… L’âge le plus à risque tourne autour de 35-45 ans”, affirme Thierry Martin.
Selon les derniers chiffres de Siensano, l’augmentation des cas de VIH enregistrés chez nous concerne tant les personnes hétérosexuelles qui représentent environ 49% des diagnostics que les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes qui représentent 45% des cas. Concrètement, 297 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ont été diagnostiqués porteurs du VIH en 2023, soit une augmentation de 16% par rapport à 2022. Selon Sciensano, la moitié de ce contingent est belge et l’autre moitié d’origine étrangère. L’augmentation concerne principalement les HSH belges, en particulier dans le groupe d’âge des 30-39 ans. Dans le groupe des 20-29 ans, le nombre de diagnostics s’est stabilisé après une forte augmentation les années précédentes.
Et parmi les personnes hétérosexuelles, 328 nouveaux diagnostics de VIH ont été détectés, soit 13% de plus par rapport à 2022, tant chez les femmes que chez les hommes, tant chez les Belges que chez les non-Belges. L’augmentation la plus importante a été observée dans les groupes d’âge de 30 à 49 ans et de 60 ans et plus. Chez les femmes, la moitié des nouveaux diagnostics ont été posés chez des femmes d’Afrique subsaharienne, ce qui reste stable après l’augmentation significative de 2022.
Comment endiguer le phénomène ?
“Aujourd’hui, nous avons tous les outils pour lutter contre l’épidémie, mais l’information n’est pas suffisante par rapport à ces outils de prévention”, affirme l’expert. “L’information, c’est d’insister sur le dépistage, particulièrement pour les personnes les plus vulnérables. La gratuité des moyens de contraception et des tests pourrait également être une solution. Il faudrait finalement instaurer une large disponibilité des préservatifs partout, dans les bars, les boîtes, les universités… Il faut renforcer l’information, sensibiliser, aller sur le terrain, et réussir à ce que le message parle à tout le monde”