Derrière les platines, elle électrise les foules. Mais Blck Mamba ne se contente pas de mixer, elle façonne la scène, casse les codes et impose sa vision. Avec la sortie de Fragments et une tournée qui s’annonce intense, elle passe à la vitesse supérieure. Et se livre sans filtre. Rencontre.
La sortie de votre nouvel EP « Fragments » s’accompagne d’une tournée. Une nouvelle étape dans votre carrière ?
“Je pense. J’ai l’habitude de jouer à l’étranger, mais là, c’est à une autre échelle ; je serai sur la route pendant environ six mois. C’est une période passionnante, car la vie nocturne est très mouvementée. Ce n’est pas idéal pour quelqu’un qui aime l’ordre. Voyager, c’est toujours un peu lâcher prise et se laisser porter, mais heureusement, je ne pars pas seule cette fois-ci. Mon petit ami a appuyé sur le bouton « pause professionnelle » et sera de la partie. En fait, nous nous sommes rapidement mis d’accord sur le bien-fondé de cette opportunité, et le moment était parfait pour nous deux.”
Avez-vous toujours été une passionnée de musique ?
“J’ai grandi dans une famille de mélomanes. Ma mère avait une armoire pleine de CD et de cassettes. Avant l’ère Spotify, c’était une vraie collectionneuse. Quand on recevait la famille ou des amis, elle leur montrait ses dernières trouvailles. Sa collection balayait un éventail très large, qui pouvait aller des classiques belges à l’afrobeats, via mon père. D’ailleurs, mes parents se sont rencontrés lors d’un festival. Après leur divorce, mon frère et moi avons été élevés en grande partie par ma mère. Aujourd’hui, nous partageons toujours un groupe WhatsApp où nous échangeons régulièrement des liens Spotify et des playlists. Sans en être conscients, ils m’aident à composer mes DJ sets (rires). Bien entendu, ils écoutent religieusement mon émission sur Studio Brussel et mes mix sur Rinse.fm au Royaume-Uni. Ils ont toujours été une formidable caisse de résonance.”
Aujourd’hui, vous avez le monde à vos pieds, mais qui vous a donné votre première chance ?
“Le propriétaire d’un café à Sint-Niklaas, où j’ai grandi. Mon amie et moi – à l’époque, nous mixions encore en duo – avons eu l’occasion de mixer lors d’une soirée importante. Seul hic, on n’y connaissait rien. On a donc appris en deux semaines auprès d’amis avec qui nous étions en colocation. Ce jour-là, on a joué de 22 h à 5 h du matin. J’étais épuisée, mais j’ai tout de suite su que je voulais continuer. On est comme ça dans la famille. On s’engage à fond dans ce qu’on entreprend. On donne toujours le meilleur de nous-mêmes. Et voilà, depuis maintenant six ans, je fais ce métier à temps plein.”
C’est à ce moment-là qu’est né le pseudo Blck Mamba. Un nom qui ne va pas de soi…
“Pourtant, rien de spectaculaire derrière ce blase, ni de signification profonde (rires). On était en train de mixer dans un café à Sint-Niklaas et on avait absolument besoin d’un nom. Après une brève séance de brainstorming avec quelques amis, ce pseudo s’est imposé comme la meilleure option.”
En tant que jeune DJ, vous avez eu l’occasion de travailler pour Studio Brussel, un rêve pour beaucoup. N’auriez-vous pas pu vous en contenter ?
“Studio Brussel m’a offert un terrain de jeu. J’y ai compilé une playlist hebdomadaire et j’ai saisi l’occasion de faire découvrir aux auditeurs un nouveau son, influencé par la diaspora africaine. J’y ai consacré beaucoup de temps, mais ce job a largement contribué à faire de moi la DJ que je suis aujourd’hui. Pourtant, après un moment, j’ai senti qu’il fallait que je passe à autre chose. La pandémie et l’espace mental qu’elle a libéré n’ont fait que renforcer ce sentiment. La musique n’est pas seulement quelque chose d’universel, je la vois comme un moyen de promouvoir l’inclusion.”
Plus de femmes derrière les platines ?
“Je n’ai jamais eu à mixer sous un pseudonyme comme Charlotte De Witte ou Amélie Lens par crainte du sexisme, mais c’est un véritable fléau dans l’industrie musicale. Et en dehors aussi d’ailleurs.”
Vous faites référence aux médias ?
“(Elle acquiesce.) Les promoteurs, par exemple, programment beaucoup de femmes DJ, mais la tête d’affiche reste invariablement un homme. Pour contrecarrer cette vision archaïque, un changement structurel est nécessaire. Une équipe inclusive doit veiller à assurer un bon équilibre.”
Grâce à Blck Mamba, on voit dans la vie nocturne bruxelloise davantage de femmes derrière les platines, mais aussi plus de personnes racisées.
“C’est évidemment très gratifiant, car j’adore vraiment ce que je fais. Et il en faut, de la passion, parce qu’en tant que DJ, on travaille surtout la nuit. Je ne me souviens même plus de ce que ça fait d’avoir un week-end libre. De travailler dur toute la semaine en attendant le vendredi avec impatience. En même temps, c’est une sorte d’addiction positive. Mon but est de créer la soirée club parfaite, celle qui nous laisse sur les rotules le lendemain. Une fête où toute l’énergie que je donne m’est rendue par le public. C’est ça qui me fait avancer !”
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