Dans Queer, Luca Guadagnino revisite l’univers trouble et envoûtant de William S. Burroughs à travers son livre éponyme, plongeant le.la spectateur·rice dans un Mexique moite et oppressant des années 50. Si l’esthétique léchée est bien au rendez-vous, cette adaptation parvient-elle à capturer l’essence hallucinée de l’œuvre originale ?

Dans Call Me by Your Name, Guadagnino signait un long métrage solaire et mélancolique, où l’éveil au désir se teignait de légèreté et de rêverie. Changement radical avec Queer, qui troque cette insouciance contre une atmosphère étrange et angoissante. Là où Elio vivait sa première histoire d’amour avec exaltation et innocence, William Lee, lui, se heurte à un désir plus brut, oscillant entre obsession et douleur du rejet. Call Me by Your Name célébrait l’amour naissant avec une sensualité lumineuse ; Queer plonge dans une tension âpre, où chaque regard pèse et chaque silence consume.

Call me By Your name - critique QUEER

Timothée Chalamet dans Call Me By Your Name © Sony Pictures

Un duo d’acteurs surprenant

Daniel Craig, méconnaissable, incarne un William Lee à la dérive, perdu entre nuits arrosées et errance sans but, jusqu’à sa rencontre avec Eugene Allerton. Jeune, insaisissable, ce dernier devient une obsession étouffante. Guadagnino mise sur les regards fuyants et les silences tendus, mais peine à retranscrire l’énergie brute et délirante du texte de Burroughs à l’écran.

Drew Starkey, révélé dans la série Outer Banks sur Netflix, surprend dans le rôle d’Eugene. Son jeu tout en retenue confère au personnage une intensité discrète, le rendant à la fois fascinant et insaisissable. Un regard, un silence, une esquive suffisent à semer le trouble.

QUEER

Daniel Craig et Drew Starkey dans Queer © Cinéart

Plongée dans le Mexique des années 50

Visuellement, Queer adopte une lumière tamisée et un grain brut, plongeant instantanément dans l’ambiance moite du roman. Chaque plan joue avec le désir et la frustration, soutenu par une bande-son captivante. Guadagnino soigne chaque détail — des verres d’alcool aux jeux d’ombres — pour renforcer l’immersion. Pourtant, malgré cette maîtrise esthétique, le film s’essouffle par moments, au risque d’émousser la tension.

QUEER

Daniel Craig et Drew Starkey dans Queer © Cinéart

Un nouveau succès pour Luca Guadagnino?

Si Queer séduit par la précision de sa mise en scène et la justesse de son casting, il lui manque cette brutalité dérangeante qui aurait pu en faire une plongée plus viscérale dans l’obsession et l’autodestruction. L’adaptation reste captivante, mais peut-être trop maîtrisée, trop douce face à la folie du roman.

Daniel Craig impressionne par sa performance dans un registre inédit, tandis que Drew Starkey s’impose avec brio dans un rôle empreint de mystère. Guadagnino sait filmer le désir, mais cette fois, l’incandescence attendue reste en demi-teinte.