La frontière entre vie professionnelle et personnelle n’a jamais été aussi hermétique que chez Lumon Industries. Et pourtant, dans Severance, il ne s’agit pas d’un simple équilibre à trouver, mais d’une scission totale et théoriquement irréversible : grâce à une procédure chirurgicale, les employés voient leur mémoire divisée en deux, créant des alter egos distincts, l’un au bureau, l’autre à la maison. Deux existences cloisonnées, deux consciences prisonnières d’un système opaque. Une idée brillante qui, en 2022, a propulsé la série au rang de phénomène. Trois ans plus tard, la saison 2, enfin disponible sur Apple TV+ depuis le 17 janvier, reprend ce puzzle psychologique là où il l’avait laissé, avec encore plus d’intensité.

Une masterclass marketing

Impossible de passer à côté de la saison 2 de Severance. Avant même son arrivée sur Apple TV+, la série s’était déjà infiltrée partout, notamment grâce à une opération marketing qui a retourné TikTok. Apple TV+ a installé un cube de verre en plein Grand Central Terminal à New York, transformant l’endroit en un open space dystopique grandeur nature. À l’intérieur, des employés de Lumon Industries, en costard impeccable, s’adonnaient à des tâches absurdes : nettoyer frénétiquement des tapis, faire du yoga sans conviction, échanger des regards vides et des conversations stériles sous l’œil fasciné des passants.

Mais la mise en scène a pris une nouvelle tournure : les vrai·e·s acteurs·rices, Adam Scott, Britt Lower, Patricia Arquette et Zach Cherry se sont mêlés au décor, reprenant leurs rôles d’”inters, avant que Ben Stiller ne débarque pour saluer la foule.

Severance, saison 2 : le cauchemar corporate continue

La première saison était un mélange maîtrisé de thriller psychologique et de satire du monde du travail, quelque part entre Black Mirror et The Office. Mark S. (Adam Scott), ancien prof en deuil, a choisi la dissociation pour échapper à sa douleur. Mais au fil des épisodes, son alter ego de bureau – son “inter” – commence à comprendre que quelque chose cloche. Helly R. (Britt Lower), nouvelle recrue de Lumon, refuse d’accepter sa condition et se heurte au mur opaque de l’entreprise.

ATTENTION SPOILER. Le final de la saison 1 laissait les employés dissociés au bord du gouffre : Mark comprenait que sa femme, supposément décédée, était en réalité une employée de Lumon, tandis qu’Helly, découvrant qu’elle était la fille du PDG, tentait d’exposer la vérité au grand jour. Un cliffhanger maîtrisé qui rendait l’attente de la saison 2 aussi insoutenable qu’un lundi matin sans notre dose de café.

Après trois ans d’attente, la saison 2 reprend là où tout s’était arrêté. Et elle ne fait aucun cadeau. L’étau se resserre sur les employés dissociés, qui commencent à se rebeller contre le système. La tension monte d’un cran, l’intrigue se densifie et chaque épisode distille de nouvelles révélations qui nous retournent le cerveau.

Severance

© Apple TV+

Visuellement, la série garde sa patte si particulière : des plans froids, une esthétique minimaliste et des couloirs sans fin qui accentuent l’oppression. Ben Stiller et Aoife McArdle, aux commandes, jouent avec nos nerfs comme des chefs d’orchestre sadiques, et on en redemande !

Severance n’est pas juste une bonne série à twist. C’est une réflexion brutale sur le travail, l’identité, et cette foutue illusion du work-life balance. Jusqu’où peut-on fragmenter une identité avant de la briser ? La dissociation est-elle un confort ou une aliénation absolue ? Et surtout, que reste-t-il de nous lorsque nos souvenirs sont effacés ? Autant de questions qui prennent un écho troublant dans une époque où la frontière entre vie pro et vie perso est plus floue que jamais.

Severance

© Apple TV

Le casting, toujours impeccable, continue d’exceller. Adam Scott joue un Mark de plus en plus hanté, Britt Lower est magistrale en rebelle tourmentée, et Patricia Arquette excelle en boss aussi glaçante qu’imprévisible. Ajoutez à ça l’arrivée de nouveaux visages comme John Noble et Gwendoline Christie pour une nouvelle dose de mystère.

Et maintenant, on attend (encore)

Avec cette saison 2, Severance s’impose définitivement comme l’une des séries les plus marquantes de la décennie. Brillante, captivante et diaboliquement bien écrite, elle joue avec notre perception de la réalité. Seul bémol ? Comme toujours, la fin de cette nouvelle salve d’épisodes nous laisse avec plus de questions que de réponses, renforçant une seule certitude : l’attente pour une saison 3 sera une nouvelle torture.