Si vous nous suivez sur Tiktok, vous savez que la Fashion Week 2025 (FW25) automne/hiver de prêt-à-porter s’est clôturée le mardi 11 mars. Un évènement qui peut paraître assez futile pour certain·es, source de vide pour d’autres et pourtant, tellement représentatif de la société et de ses normes. Alors comme d’habitude, on a décidé d’y regarder d’un peu plus près et de se demander si cette saison, la Fashion week a réellement été inclusive en terme de corps et de genres ?
Sans vouloir partir avec un a priori, à la saison dernière déjà les chiffres annonçaient un revirement en terme de body positive.
Alors qu’en 2023, le mannequin de l’année a été Paloma Elsesser considérée comme un mannequin plus-size, il semblerait que l’inclusivité en termes de diversité des corps ait marqué son paroxysme à ce moment-là. Comme à son habitude en fin de Fashion weeks, Vogue Business rédige un rapport sur l’inclusivité, et celui de la saison dernière était déjà annonciateur d’un retour à une minceur extrême : sur près de 8 763 looks présentés dans les quatre grandes capitales de la mode, environ 95 % étaient portés par des modèles dits de straight‑size – c’est-à-dire ultra‑minces – avec seulement 0,8 % pour les plus‑size et 4,3 % pour les modèles mid‑size.
En d’autres termes, malgré des discours qui prônent l’inclusivité dans l’espace public, la réalité reste désespérément figée sur un canon de beauté filiforme aux allures d’héroïne chic – dont Kate Moss était l’égérie dans les années 2000.
En termes d’inclusivité des genres certaines initiatives sont à souligner, mais elles restent des cas isolés dans un océan de castings toujours très standardisés. Par exemple, lors de la FW25 homme de janvier, Willy Chavarria a mis en avant des célébrités et mannequins transgenres et/ou faisant partie de la communauté LGBTQIA+ avec sa collection Tarantula. À la fin du show, il a salué le public avec un t-shirt portant le message “How We Love Is Who We Are” – littéralement “Notre façon d’aimer est ce que nous sommes” – fruit d’un partenariat avec Tinder et la Human Rights Campaign. Malheureusement, ce genre de parti pris reste assez anecdotique que pour être raconté et est plus perçu comme un évènement à part entière que comme une normalité.
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Le nouveau visage de 2024 – et donc de la FW25 – : Alex Consani. La première mannequin transgenre à être nommée modèle de l’année au Fashion Award. La mannequin a été repérée sur les défilés lors de cette Fashion week : Versace, Alaia, Schiaparelli, Isabel Marant, Givenchy, Coperni, Courrèges, Tom Ford, Duran Lantink, Ann Demeulemeester et on en passe. On pourrait se réjouir de voir une mannequin transgenre autant mise sur le devant de la scène, mais cela nous laisse tout de même un goût amer quand on s’aperçoit qu’elle a été quasiment la seule à représenter l’ensemble de la cause LGBTQIA+. D’une certaine façon, Alex Consani joue-t-elle un rôle d’alibi ?
Le phénomène Ozempic VS. le body positive
Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore le nouveau médicament star du moment, il se nomme : Ozempic. À la base, ce traitement est destiné aux diabétiques, mais il s’avère qu’il ralentit la digestion et coupe drastiquement l’appétit, entraînant une importante perte de poids. Ni une, ni deux et le tout Hollywood s’est mis à s’en procurer. Adieu les silhouettes pulpeuses façon Kim K (elle est aussi concernée, d’ailleurs), bonjour les corps filiformes dignes du Quiet Luxury.
Mais quel rapport cela a-t-il avec la Fashion week ? Eh bien comme on l’a dit précédemment, la mode – d’autant plus le prêt-à-porter – n’est que le reflet de la société.
Ces dernières saisons, sur les catwalks, le bodyshaming était de mise avec des modèles ultra-minces et des vêtements mini-tiny. Ashley Graham, Precious Lee ou Jill Kortleve n’ont même pas été aperçues cette saison, pourtant toutes icônes du mouvement body positive. Celles qui incarnaient une nouvelle ère d’acceptation de soi et des corps auraient-elles déjà été reléguées au placard ? En tout cas, cela semble annoncer la fin d’un chapitre d’espoir dans lequel l’ultra-minceur referme, à double tour, une porte à peine entrouverte.
La mode n’a pas d’âge
Après quatre semaines de Fashion week, un bilan s’impose : la mode semble avoir oublié ses promesses d’inclusivité. Ou presque. Une exception subsiste : la place des mannequins plus âgées.
Quand on y réfléchit, c’est vrai, que certains supermodels comme Naomi Campbell ou Gisele Bündchen foulent encore “régulièrement” les podiums lors des Fashion weeks malgré qu’elles soient plus âgées que leurs congénères qui ont en moyenne entre 16 ans et 30 ans. Car oui, passé la trentaine, un mannequin, homme ou femme, est dans 99 % des cas « out ». Mais, jusqu’ici, ces apparitions restaient anecdotiques, vu comme un coup marketing pour les marques.
Or, la diversité des âges est également un pilier essentiel de l’inclusivité, notamment pour l’image que les femmes ont d’elles-mêmes. C’est donc avec un sentiment de “il n’était pas trop tôt” que l’on a vu défiler, ces dernières saisons, davantage de mannequins plus âgées. Sans doute que, dans leur quête d’authenticité, certaines Maisons ont enfin pris le train en marche, intégrant des mannequins de 40, 50 ans – voire plus – et prouvant que la beauté n’a pas d’âge. Ces femmes brisent les diktats traditionnels de la jeunesse éternelle et offrent une vision plus réaliste et inclusive de la mode – et par extension, de la société.
Si la diversité ethnique semble s’être imposée durablement, les Maisons de mode, elles, semblent faire marche arrière sur d’autres combats. À tel point qu’on en vient à se demander si ces engagements passés n’étaient pas de simples faire-valoir pour les marques, des coups marketing destinés à capitaliser sur des tendances auxquelles elles n’adhéraient pas sincèrement. Seule exception notable : la question de l’âge, qui semble avoir échappé à cette régression. Peut-être la seule lueur d’espoir dans la bataille – loin d’être gagnée – pour une mode plus inclusive.