Évidemment, on n’en pense pas un mot. Mais c’est tout à fait le type de discours que l’on peut entendre de la part du mouvement MGTOW (Men Going Their Own Way), sous-groupe de la manosphère des masculinistes apparu dans les années 2000 aux États-Unis, et qui se compose d’hommes choisissant de s’affranchir des relations avec les femmes en les punissant – oui oui, nous punir vilaines filles que nous sommes – en refusant d’avoir aucune relation longue ou sérieuse.

Ils considèrent que les relations avec les femmes sont intrinsèquement désavantageuses pour les hommes, estimant que les femmes sont principalement motivées par des intérêts matériels et hédonistes. Cette perception les conduit à éviter les engagements sentimentaux, le mariage et, pour certains, toute interaction avec les femmes. Le mouvement se divise en plusieurs niveaux, allant du simple refus du mariage à une vie en marge de la société.

Incel VS. Volcel

En raison de leur vision misogyne et de leur rejet des valeurs égalitaires, les MGTOW (prononcez Megto) se retrouvent souvent associés à d’autres courants de la manosphère, tels que les « Incels » (célibataires involontaires) et leurs opposants – bien que faisant partie du même courant -, tantôt appelés MGTOW et plus rarement « Volcels » (célibataires volontaires). Alors que les Incels se définissent par leur frustration, leur sentiment d’injustice face au rejet et blâment les femmes pour leur incapacité à établir des relations amoureuses ou sexuelles, les Volcels revendiquent quant à eux un choix délibéré de rester en dehors du système relationnel, adoptant ainsi une posture de “liberté” radicale face aux exigences féminines castratrices.

Ces groupes partagent une rhétorique antiféministe et véhiculent des discours de haine envers les femmes, relayés sur les réseaux sociaux, et contribuant ainsi à la normalisation de la dévalorisation féminine. En France, bien que le mouvement soit moins structuré, des communautés en ligne diffusent ces idées, créant un écho qui alimente la polarisation et endoctrine les jeunes garçons/hommes à adopter ce genre d’idéologie basées sur des arguments sans fondement et des croyances limitantes, appuyées par des chiffres inventés de toutes pièces.

La pilule rouge ou la pilule bleue

Empruntant au film Matrix la métaphore des pilules, la manosphère – et plus précisément ces détracteurs du féminisme que sont les MGTOW – utilise l’image de la « pilule rouge » pour désigner l’éveil à une réalité qu’elle juge brutale et inévitable : selon eux, l’homme serait en déclin face à une domination féminine devenue systématique. À leurs yeux, les avancées politiques et technologiques n’ont fait qu’accentuer ce déséquilibre, la pilule contraceptive ayant donné aux femmes un pouvoir disproportionné sur la sexualité et la parentalité, tandis que les lois sur le divorce favoriseraient quasi systématiquement les mères dans l’attribution de la garde des enfants.

Pour ces adeptes, la « pilule bleue » symbolise un monde illusoire, dans lequel la majorité des hommes restent aveuglés par l’idée d’une égalité des sexes alors que, selon eux, la réalité prouverait le contraire. Ils mettent en avant des chiffres sur le taux de suicide masculin plus élevé, le chômage qui toucherait davantage les hommes, ou encore la pénibilité de certains métiers largement masculinisés (travaux publics, armée, industrie). En se revendiquant de la « pilule rouge », les MGTOW affirment rejeter ce qu’ils perçoivent comme une soumission au système, préférant se retirer des relations amoureuses et prôner un retour à une virilité absolue. Un réveil qui, pour eux, justifie non seulement leur rejet des femmes, mais aussi leur vision du monde profondément réactionnaire.

Derrière le vernis pseudo-philosophique de la « pilule rouge » et du rejet des relations avec les femmes, le mouvement MGTOW n’est qu’une énième expression du backlash antiféministe. En s’appuyant sur des arguments fallacieux et une victimisation exagérée des hommes (avec un petit h), il alimente un ressentiment qui trouve un écho grandissant sur les réseaux sociaux, notamment auprès des jeunes générations en quête de repères et de construction sociale.

Si ces discours se présentent comme une forme d’émancipation masculine, ils ne font en réalité qu’entretenir une vision caricaturale et toxique des rapports de genre, où les femmes sont perçues comme des prédatrices vénales et les hommes comme des victimes d’un système qui, selon eux, leur serait défavorable. Une dynamique qui, loin d’offrir une véritable réponse aux enjeux qu’elle prétend dénoncer, ne fait qu’exacerber les tensions et les stéréotypes, rendant encore plus difficile l’avènement d’une société égalitaire et d’un espace public sécurisé pour les femmes.