Elle parle doucement, mais avec cette intensité typique des gens qui pensent en même temps qu’ils ressentent. Depuis la fin de sa tournée marathon, la chanteuse belge s’est accordé un luxe rare : le silence. Angèle revient là où on ne l’attendait pas tout à fait – dans un sillage floral et éclatant, égérie de Chance Eau Splendide de Chanel. Une collaboration pleine de sens pour une artiste qui voit dans la chance un moteur d’élan.

Pour une chanteuse belge, devenir égérie d’un parfum Chanel, ce n’est pas rien. Est-ce que tu crois à la chance ?

Grande question. En ce qui me concerne, je ne pourrais pas ne pas y croire. Ce serait fou de dire que ça ne me concerne pas. Il y a des moments dans ma vie où j’ai juste eu de la chance. Rien qu’à voir le pays dans lequel je suis née : pas en guerre, avec des parents aimants, pas de soucis de santé ni financiers. C’est une immense chance.

Ensuite, il y a aussi la chance qu’on crée, qu’on va chercher. Parfois, des opportunités arrivent et il faut suivre son instinct. Ce que je crois, c’est qu’on ne prend jamais vraiment de mauvaise décision sauf si on ne décide rien. Le vrai danger, c’est la paralysie. Se lancer, c’est déjà se donner une chance.

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Flacon du nouveau parfum Chance Eau Splendide de Chanel.

©presse Chanel Beauté

L’instinct, c’est ta boussole ?

Oui, et il me trompe rarement. Quand j’ai commencé, je faisais tout à l’instinct. J’ai toujours voulu faire des choix qui me ressemblent. Un exemple tout bête : la pochette du premier album. On avait fait toute une série de photos, pensé à un concept. Et puis cette photo de moi petite, sur un fond bleu… C’était ça. Plus fort que tout. Les gens autour de moi n’étaient pas tous convaincus. Mais j’avais trop à dire pour ne pas suivre ma propre voix.

Il y a cinq ans, tu disais dans nos pages que “personne n’est totalement libre mais qu’il faut s’en rapprocher”. Est-ce que tu sens que tu t’en es rapprochée ?

J’ai pris une vraie pause, aussi médiatique. Parce que l’œil médiatique n’est pas toujours juste. Et j’avais besoin de me reconnecter à qui j’étais, en dehors de cette grande image que je m’étais construite. Est-ce que j’ai réussi ? Je ne sais pas. Ce serait trop facile de dire que plus rien ne m’atteint. Mais je sens que j’avance. Je crois que je fais ce métier aussi par besoin de reconnaissance. J’aimerais arriver à ne le faire que pour l’amour de l’art. Et ça, c’est un chemin.

Tu as composé la musique de la campagne Chance. Une première expérience dans la musique de film. Une envie de te réinventer ?

C’était un exercice passionnant. Faire une chanson de 30 secondes, répondre à une demande, rentrer dans des contraintes… Moi qui décide de tout dans mes projets, c’était nouveau. Et étonnamment libérateur. Parce qu’on peut s’amuser dans un cadre.

J’ai adoré travailler avec Jean-Pierre Jeunet. Concernant le fait de me réinventer, depuis toujours, j’aime créer de mes mains. Petite, je faisais de la couture, je dessinais. J’avais des visions très artistique et un peu plastique de ce que je faisais en musique. Je vois des couleurs dans les notes, j’ai toujours eu cette perception instinctive. Tout ça est lié. La musique est devenue le chemin principal, mais il y a plein d’autres chemins qui peuvent habiller cette musique.

Tu dessines toujours ?

Oui, dans mes carnets. J’adore dessiner les gens, ce qui peut être un peu gênant parce que parfois ils ne savent pas pourquoi je les regarde intensivement (rires). Je dessine mieux quand je ne suis pas concentrée dessus.

La chance, c’est aussi le mouvement, la transformation. Est-ce qu’Angèle est encore en train de changer ?

C’est marrant que tu parles d’Angèle à la troisième personne, parce que c’est justement la question que je me pose en ce moment. Bien sûr que c’est moi, mais à quel point ? Je vais de nouveau parler comme Jean-Claude Van Damme (rires), mais je dirais que la version de moi que je suis redevenue — ou que j’ai retrouvée en m’éloignant des projecteurs — m’a permis de redonner de la place à une Angèle plus intérieure, plus vulnérable, qui avait besoin de vivre autre chose que la scène et le métier.

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« Ce que je crois, c’est qu’on ne prend jamais vraiment de mauvaise décision sauf si on ne décide rien. Le vrai danger, c’est la paralysie. »

Aujourd’hui, je cherche à équilibrer ces deux parts. C’est une question qui m’habite depuis toujours : comment être heureuse et épanouie en étant artiste et connue ? Comment ne pas tout miser sur l’adrénaline de la scène pour se sentir vivante ? Comment faire une vraie place au reste — à la vie, tout simplement ?

Alors oui, c’est toujours moi, Angèle. Ce n’est pas une Angèle fictive, ni une projection. Mais je sens que j’évolue encore, dans tous les domaines. La grande bascule, pour moi, ça a été de ralentir. De revenir à quelque chose de plus sincère, aussi bien personnellement qu’artistiquement. Aujourd’hui, je fais de la musique pour le plaisir de créer, pas pour répondre à une attente. J’ai monté mon label pour ça : pour avoir la liberté d’avancer à mon rythme. Et je crois que mon public comprend cette démarche. Ça me touche profondément. J’ai envie de leur offrir la meilleure musique possible. Mais pour ça, il faut du temps, de l’implication, et c’est exactement ce que je suis en train de construire maintenant.

Tes chansons ont souvent parlé de liberté, de cœur, d’émancipation. Est-ce que tu ressens aujourd’hui l’envie d’aller ailleurs ?

Peut-être. Mais je crois que j’écris toujours sur ce qui m’inspire dans ma vie. Et ces sujets-là sont tellement ancrés en moi… Je pense que je reviendrai toujours à eux.

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« J’ai appris à vivre avec un joli chaos – celui de la tournée, de la création. Et puis j’ai construit une bulle, un espace plus calme, plus doux. »

Dans “Nonante-Cinq”, tu parlais beaucoup d’introspection, de recherche d’équilibre. Tu l’as trouvé, cet équilibre ?

Je crois que ça va mieux qu’avant. J’y mets beaucoup d’attention. Mais le chaos reste présent, autour de nous et parfois en nous. J’ai appris à vivre avec un joli chaos – celui de la tournée, de la création. Et puis j’ai construit une bulle, un espace plus calme, plus doux. Je crois que même si je redeviens plus exposée un jour, j’aurai besoin de garder ce noyau apaisé.

Est-ce que tu t’imagines un jour écrire pour d’autres, produire, réaliser ?

Oui, j’adorerais. Mais ça demande du temps, et de la concentration. Il faut savoir se mettre au service d’un autre artiste, se décaler. C’est un exercice que j’aimerais explorer plus tard.

À vingt ans, tu chantais “Balance ton quoi”. Et à trente ? Qu’est-ce que tu voudrais dire aux filles d’aujourd’hui ?

Je n’ai pas de phrase toute faite. Mais j’ai toujours les mêmes valeurs. L’ouverture, le respect, la tolérance. Et l’envie d’en faire quelque chose de positif, de créatif, de joyeux. J’aime que cette campagne raconte aussi ça. On a besoin de bulles. De légèreté. De danse et d’imaginaire.