Comment sont fixés les prix ? Qui trouve les vêtements ? À qui profite le vintage ? Qu’est-ce qui est vintage ? On a posé la question aux pros.

D’abord, de quoi parle-t-on ? Il y a plusieurs sortes de vintage : si les boutiques de seconde main (Oxfam, les Petits Riens, la Croix-Rouge…) récupèrent les vêtements de toutes époques sans distinction, les fripiers achètent et vendent au kilo et les boutiques vintage sélectionnent les pièces pour leur époque, leur matière et leurs finitions. Leur seul point commun : proposer un autre mode de consommation du vêtement, basé sur la récupération.

1. Le vintage profite aux petites

Selon Ramon, de la boutique Ramon & Valy à Bruxelles, « le corps des femmes a changé. Elles sont plus grandes qu’autrefois. Il y a 17 ans, on vendait beaucoup de pointures 36/37. Maintenant, on ne me réclame plus que du 40/41. Des pointures exceptionnelles dans les années 60. »

À quoi ressemblait-on, avant ? « Je modifiais souvent les vêtements rétro parce que leurs poitrines sont trop fortes, les tailles trop petites. Dans le passé, les femmes étaient plus frêles, avec des bras plus fins, explique Jacqueline Ezman. D’ailleurs, le prix d’un vêtement dont la taille correspond à un 34 est toujours moins élevé car plus difficile à vendre. » Et pour cause, seulement 0,7 % des femmes sont concernées* aujourd’hui.

2. Le vintage commence à la collection de l’an dernier

« On trouve dans ma boutique des pièces qui ont un siècle et d’autres à peine un an. Pour moi, la seule chose qui compte est que le vêtement puisse s’intégrer dans une garde-robe contemporaine », explique Isabelle Bajart, propriétaire de la boutique éponyme. Si des boutiques comme Ramon & Valy ne vendent que l’ancien, d’autres, comme FoxHole, proposent des pièces encore disponibles sur le marché : « Nous sommes à cheval entre le fripier et le vintage shop pur, avec des pièces qui remontent aux années 60 », explique le propriétaire. Parfois, la provenance est précisée, parfois pas. « Le vintage, c’est aussi du Zara dont on enlève les étiquettes, commente Jacqueline Ezman, propriétaire de feu Idiz Bogam. Au fond, ce n’est pas si grave : il faut juste le savoir. »

Comment faire la différence ? En analysant les vêtements. Lorsqu’ils sont plus anciens, il y a moins de confection : les ourlets sont faits à la main, les matières moins mélangées, les tissus plus épais. On trouve plus de tailles hautes.

3. La même pièce peut coûter plus cher à Bruxelles qu’en province

Dans les magasins de seconde main, le prix répond à des règles précises, explique Stéphanie de Mossarts, responsable des boutiques des Petits Riens : « Chez nous, c’est un quart du prix du neuf. Tout en gardant un œil sur la concurrence, je vais voir dans les enseignes les différents prix de vente en fonction des tendances. Nous fixons une liste de base pour chaque type de produit : une jupe 5 €, un pull 7,50 €, un manteau 12,50 €, etc. Si la pièce est brandée, on double son prix. » Une même organisation peut proposer des tarifs différents en fonction du pouvoir d’achat d’une ville. « Les prix de Bruxelles ne sont pas les mêmes qu’à Athus, dans la province du Luxembourg.

Une jupe coûtera 5 € pour la capitale et 3 € dans une plus petite ville », explique Valérie Dheur, responsable des vêtements de seconde main chez Oxfam Magasins du Monde. Quant aux grossistes, leur démarche est simple : « Nous achetons des vêtements à un particulier à 50 cents du kilo. Il sont revendus aux professionnels 9 € le kilo, ou 12 € lorsqu’il s’agit de chaussures », explique Johannes Westbroek, gérant du centre de tri de vêtements de seconde main Belgotex.

4. C’est sur les vêtements très chers qu’on fait les meilleures affaires

Dans les boutiques vintage, le prix est fixé en fonction de la rareté, de la qualité, de la taille… mais il y a des limites. Ramon : « Les pièces ne partent pas au-delà d’un certain prix. J’ai proposé des fourrures Dior des années 60 et 80, des pièces extraordinaires qui coûtaient des dizaines de milliers d’euros à l’achat : si j’en demandais au-delà de 600 € ou 700 € en boutique, je ne les vendais pas. »

5. Moins de 10 % du vintage belge est vendu en Belgique

Laurent Cambier, directeur de la filiale textile Les Petits Riens  : « Nous collectons 6 000 tonnes de vêtements par an, nous en trions 20 tonnes quotidiennement. Seulement 10 % se retrouvent en magasin. Les produits moins à la mode (35 %) partent en Afrique . Le reste (40 %) est orienté dans les circuits de recyclage, en fonction de la nature du vêtement. Un t-shirt en coton troué partira en Hongrie pour servir de chiffon. » Et les 15 % qui restent ? Au feu. Valérie Dheur, d’Oxfam : « Tout ce qui n’est pas vendable chez nous est vendu à un prix symbolique (14 cent/kg) à l’étranger via un grossiste. Les vêtements atterrissent en Afrique et dans les pays de l’Est. » Le grossiste Johannes Westbroek complète : « Les vêtements inutilisables partent en Inde et au Pakistan, où la fibre est recyclée. Finalement, à peine 1 % de nos marchandises vintage reste en Belgique. Le Japon, par exemple, est très friand de ce type de pièces. »

vintage

Sarah Jessica Parker et son jupon vintage trouvé dans une friperie

6. Chasseur de vintage, c’est un métier

Une minorité de la marchandise provient des particuliers. Pour le reste, des rabatteurs sont chargés de dénicher les pièces rares. « Les déposants achetaient la marchandise qui correspondait à ma boutique, c’est une véritable relation de confiance qui s’établit au fil des années” explique Jacqueline Ezman. “Ils viennent proposer leurs trouvailles en début de collection, on fixe les prix ensemble et, quand c’est vendu, on partage les bénéfices ». Chez FoxHole, les propriétaires chinent et farfouillent eux-mêmes dans les brocantes.

7. Le dépôt est parfois confondu avec la poubelle

Laurent Cambier, des Petits Riens : « Une partie des vêtements que nous recevons est tellement abîmée que nous devons l’incinérer. Poubelles ménagères, tissus sales, vieux sacs de couchage… » Chez Oxfam, les vendeuses ont déjà reçu des langes usagés ! Il est donc préférable d’emballer les vêtements avant de les déposer dans les containers : Les Petits Riens distribuent des sacs de 60 litres à cet effet.

8. Le vintage, ce n’est pas que pour les fauchées et les hipsters

Il n’est pas rare que des maisons de couture rachètent leur patrimoine pour les nouveaux designers. Ils désirent s’inspirer des pièces pour perpétuer l’histoire de la marque. Il y a également des musées . « Nous venons justement d’acheter un perfecto dans une boutique vintage pour reconstituer une silhouette punk, dans le cadre de notre exposition 70’s », explique Caroline Esgaim, responsable du Musée du costume et de la dentelle de Bruxelles. « Ce n’est pas systématique mais cela arrive. Je me souviens d’un parapluie des années 60 déniché aux puces, c’est l’occasion qui fait le larron. »

9. Le vintage suit la tendance

Pour coller à la demande, les boutiques respectent l’air du temps. Ramon : « On se tient au courant de ce qui se fait au niveau de la création et on essaye de répondre à la demande, même si au fond la mode est un cycle. C’est la façon d’assembler la silhouette qui correspond ou non à une mode plutôt que la pièce en elle-même. » Pourtant, il y a malgré tout des valeurs sûres, qui se vendent toujours et rapidement : le Kelly, la maroquinerie et le carré Hermès, les pièces 60’s de Courrèges et Emilio Pucci, la robe Léonard…

10. Le vintage s’épuise

Jacqueline Ezman : « Des marques de mass-market comme Urban Outfitters ou Topshop se mettent à faire du vintage et épuisent les stocks. Il y aura toujours trois, quatre sapes disponibles, mais un jour, le vieux vêtement sera rare. Il n’y a déjà presque plus de pièces des années 40-50. »

Adresses: Ramon et Valy, 19 rue des Teinturiers, 1000 Bruxelles Isabelle Bajart, 25 rue des Chartreux, 1000 Bruxelles FoxHole, 4 rue des Riches-Claires, 1000 Bruxelles, 6 rue des Renards, 1000 Bruxelles, www.foxholeshop.com Les Petits Riens, 10 rue Américaine, 1050 Bruxelles, www.petitsriens.be, Oxfam Magasins du Monde. www.oxfammagasinsdumonde.be Belgotex, 1A Staplestraat, 2830 Willebroek, www.belgotex.net

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