Beyoncé, Barbie, Britney, Miley and co revendiquent un féminisme bien burné. Opération de com’ ou volonté de porter la cause hors des milieux autorisés ?
Le cas Britney
«Work Bitch ! » (« Travaille, salope ! »). Il y a pile un an, en une chanson, Britney Spears reboostait son image et se plaçait au centre d’une polémique. Son titre est-il ou pas le nouvel hymne du féminisme moderne ? Après des années de galère et de troubles bipolaires, un divorce ultra-médiatisé et une carrière moribonde reconstruite par un plan marketing colossal, l’ex-petite fiancée de l’Amérique revenait avec des leçons à donner. « Tu veux un hot body, tu veux une Bugatti, tu veux une Maserati ? Tu ferais mieux de travailler, salope. Tu veux une Lamborghini, siroter des Martinis, être bonne dans ton bikini, tu ferais mieux de travailler, salope… » Les paroles vantent-elles l’autonomie, le courage, l’indépendance financière, ou la recherche désespérée d’une existence futile faite de dépenses inutiles ? Les interprétations varient selon que l’on soit pro ou anti. Dans le camp des défenseurs d’un nouveau féminisme mainstream qui s’adresse à une certaine jeunesse dans un langage qu’elle comprend, Britney devient un exemple. Une femme qui paie une pension alimentaire à son ex. Une femme puissante en bas résilles et minishort.
Le cas Beyoncé
Le magazine Time la classe en tête des personnes les plus influentes du monde. Et Queen B. en fait un paquet. À son actif, des paroles de chansons ultra-autonomisantes et le détournement de la célèbre affiche de propagande américaine visant à encourager la participation des femmes à l’effort de guerre. Elle est aussi l’un des visages de la campagne « #chimein » lancée par Gucci, qui réclame « éducation, santé et justice pour chaque fille, chaque femme, partout ». Elle reprend dans une chanson un discours de l’écrivaine nigériane féministe Chimamanda Ngozi Adichie, et publie une tribune pour l’égalité des genres sur le site de l’ONG ‘The Shriver Report’. « Nous devons enseigner à nos garçons les règles de l’égalité et du respect afin qu’en grandissant, l’égalité entre les genres devienne un mode de vie. Et nous devons apprendre à nos filles qu’elles peuvent gravir les échelons aussi haut qu’il est humainement possible de le faire. » Ou : « Les femmes représentent plus de 50 % de la population et plus de 50 % des électeurs. Nous devons réclamer de pouvoir accéder à 100 % des opportunités. » Déroutant dans la bouche de cette femme d’affaires redoutables dont le corps est calibré pour répondre aux fantasmes masculins, non ? Faut-il pour autant bouder notre plaisir ?
L’avis de la pro
Bénédicte*, féministe engagée et chef de projet dans une maison de disques internationale.
« L’hypersexualisation, c’est le trait commun des nouvelles icônes pop féministes. Derrière cette apparente liberté et ces prises de position, il faut tout de même se souvenir que leur premier job, c’est de vendre des disques. Je ne suis pas cynique, et si elles utilisent leur notoriété pour faire passer un message sincère et positif d’émancipation, c’est vraiment bien. La bonne parole d’une grosse star peut constituer une porte d’entrée vers le féminisme, car elles dédramatisent et déringardisent le mot et le concept. Mais il faut absolument aller plus loin pour éviter de tout mélanger, de réduire le féminisme à la seule liberté sexuelle. Elles sont nombreuses à entretenir la confusion.
C’est bien là que se situe le problème et les incompréhensions. Être une super performeuse qui plaît aux hommes, tirer la langue, montrer ses seins en public ne fait pas d’une femme une traînée, une idiote ou une victime. Mais ça n’en fait pas non plus une féministe. En mettant au même niveau le combat pour l’égalité et le droit à disposer librement de son corps, ces stars choquent plus qu’elles ne fédèrent. Pourtant, tout ça est très travaillé. Il ne faut pas oublier que derrière chaque déclaration d’une mégastar, il y a une armada de pros de la communication. Avant, on parlait de “ trash “ ou de “ pas trash “. Comme pour Madonna qui était “juste“ considérée comme provocatrice et libérée. Mais ça ne suffit plus. Pour le moment, les sujets qui font réagir, et donc vendre, sont l’obésité et le féminisme. Ça se ressent concrètement dans les choix stratégiques des artistes. Des exemples ? Quand Lily Allen sort son “Hard Out Here“, elle ne se contente pas d’une chanson et d’un clip qui sonnent bien. Elle en profite pour dénoncer le sexisme dans le milieu musical et lance une polémique. Quand Miley fait une performance dans une émission télé, on en parle pendant quelques jours. Si elle justifie son geste par un engagement – le féminisme, en l’occurrence –, les “pour“ et les “contre“ s’en mêlent et on en parle pendant des semaines. C’est tout bénéf’. »
* Qui souhaite conserver l’anonymat.