Québécoise, muse de Xavier Dolan, auteure et réalisatrice, elle a passé 3 mois en région liégeoise le temps du tournage de “Je suis à toi” de David Lambert.
L’histoire de Lucas, un prostitué argentin qui vient travailler comme apprenti dans une petite boulangerie de Belgique. Son patron tombe amoureux de lui, Lucas ne pense qu’à la vendeuse, qui elle, rêve d’autre chose…
A tout juste 32 ans, Monia Chokri multiplie les casquettes mais ne perd pas la tête. Entretien en décalage horaire et philosophique avec une actrice réfléchie et féministe, qui ne s’en laisse pas conter. Sauf si c’est elle qui l’écrit.
Pensez-vous que les Belges ressemblent aux Québécois ?
On le dit souvent, oui, il y a quelque chose de familier. Mais moi, je me sens très Britannique. A Montréal, on est des Anglais francophones. Là où on ressemble aux Belges, c’est dans nos fictions : nous sommes des producteurs d’anti-héros. Pas comme les Français.
Qu’est-ce que ce tournage en Belgique vous a apporté ?
On ne connaît pas un pays tant qu’on n’y a pas vécu. Chaque tournage à l’étranger permet un accès privilégié à une autre culture. Surtout que dans ce film, j’interprétais une Belge. Quand je suis arrivée pour la première fois à Liège, je ne connaissais de la Belgique que les films des frères Dardenne. J’y voyais un certain misérabilisme, une tristesse sociale. Mais en tournant en banlieue liégeoise, j’ai mieux compris leur univers. Il y a quelque chose de dur dans la vie en Wallonie. Et un côté naïf dans la façon de faire la fête. Au fond, les gens ne sont pas trop malheureux, ce sont les paysages, entre octobre et décembre, qui étaient tristounets.
Pourquoi toujours du cinéma d’auteur ?
C’est celui qui m’intéresse, même si ce terme est bizarre : même les superproductions ont un auteur… Je pense surtout qu’on attire les gens qui nous ressemblent. Avec Xavier Dolan, on a des goûts communs, de fortes affinités. Ma filmographie, c’est donc un semi hasard, et un semi choix de ma part. On m’a déjà proposé des films commerciaux, mais les rôles féminins n’y sont en général pas très intéressants.
Vous avez écrit et réalisé votre premier court-métrage l’année dernière…
Oui, je veux me développer dans cette voie-là. J’ai un long-métrage en écriture. Raconter ou interpréter une histoire, c’est un peu le même métier, mais on a une prise différente sur la narration. Moi, ce qui m’intéresse, c’est de créer. Quel qu’en soit le moyen. Et je donne aux personnages féminins des rôles valorisants.
Vous avez l’impression que les femmes sont mal traitées – ou traitées mal – au cinéma ?
Le cinéma et l’écriture sont encore majoritairement dominés par les hommes. Ils racontent les femmes telles qu’elles sont dans leurs fantasmes. Il y a des exceptions, bien sûr. Mais il est temps que les femmes, elles aussi, racontent le monde et racontent les autres femmes. Avec, peut-être, un peu plus d’acuité et de vérité.
“Je suis à toi”, déjà en salles.