[caption id="attachment_71342" align="alignnone" width="600"] Bea Diallo, ancien boxeur aujourd'hui député bruxellois : « En tant qu’hommes, nous avons une responsabilité : celle de dire non à la violence, de vouloir que les femmes soient respectées dans leur identité et leur intimité, qu’elles aient un même droit à une sexualité épanouissante. »[/caption]
Des hommes se lèvent, des programmes démarrent. Objectif : mettre fin aux mutilations génitales.
En Guinée-Conakry, pays d’origine du père de Bea Diallo, 95 % des femmes sont excisées. Pour l’ancien boxeur et député régional bruxellois (PS), la lutte contre les violences faites aux femmes compte parmi les priorités. « Il faut informer sur le vrai visage des mutilations génitales et dire aux garçons : “Si tu veux que ta femme reste près de toi, fais en sorte qu’elle se sente si bien à tes côtés qu’elle ait envie de rester. Si tu veux que ta fille soit respectée, commence par la respecter toi-même.” »
Bon sang, mais c'est bien sûr ! Jusqu'ici, les pères et les maris ont été les grands absents des campagnes de sensibilisation. Étonnant. D'autant que, d'après des études réalisées par l’Unicef en Afrique, les hommes sont souvent plus nombreux à être opposés à la pratique que ce que les femmes imaginent. Fabienne Richard, sage-femme et membre du GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles), confirme : « Lors d’un des groupes de parole que nous organisons, le public était mixte. Ce jour-là, les femmes ont osé témoigné de ce qu’elles avaient vécu, malgré la présence des hommes. Un jeune Guinéen les écoutait, presque en pleurs. “Si j’avais su qu’on avait fait ça à mes sœurs...” Il était révolté, affirmait qu’il n’en avait jamais parlé avec elles, que c’était la première fois qu’il entendait tout cela. »
Les mutilations génitales féminines (MGF) sont, par définition, une « affaire de femmes ». Beaucoup d’hommes ne savent rien de cette pratique qui touche leurs sœurs, leurs filles, leurs amies. Pourtant, le rôle des pères peut être déterminant dans la décision de mutiler une enfant : alors que la mère subit une pression directe (de la part de sa propre mère, de ses tantes ou de ses sœurs), l’homme peut apporter un regard distancé et éclairé sur cette pratique. « On entend très souvent des histoires de femmes qui disent avoir été protégées par leur père », confirme Fabienne Richard. Sur le plan sexuel aussi, le regard de l’homme peut être déterminant pour aider les femmes malheureusement excisées à reprendre confiance en elles. C'est l'idée du projet Men Speak Out qui, piloté par des associations de lutte contre les MGF en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, vient tout juste de démarrer. En Belgique, c'est le GAMS porte le projet. « On veut entendre la voix des hommes, qu’ils sortent de leur tanière. Toute la sensibilisation, en Europe, est tournée vers les femmes. On a un peu raté cette cible. »
En Europe, on estime à 500 000 le nombre de femmes excisées et à 18 000 le nombre de filles « à risques », celles qui sont susceptibles de subir une forme de mutilation, souvent lors de vacances dans leur pays d’origine. Concrètement, le projet Men Speak Out formera des éducateurs, qui seront porteurs de changement au sein de leur communauté. Il ouvrira le dialogue, en partenariat notamment avec des radios en langues nationales d’Afrique. « L’autre jour, un homme a accompagné sa femme aux séances de préparation à la naissance que nous organisons pour les femmes excisées, conclut Fabienne Richard. C’était la première fois. On voit des changements avec la nouvelle génération. » Une note d’espoir pour ce 6 février, journée internationale de lutte contre l’excision.
Céline Gautier