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Quand la technologie s’empare de la mode, les vêtements s’expriment à notre place et nous soignent. Incroyable, mais en vente… 

Les vêtements sont notre premier moyen d’expression. Qui on est, d’où l’on vient, comment on se sent, quel est notre niveau d’éducation, quels choix de consommation nous faisons… Ils parlent de et pour nous. Désormais, des créateurs et des labos visionnaires leur donnent la parole. Un secteur niche ? Pour l’instant, oui. Mais, au rythme de l’infiltration des nouvelles technologies dans chaque microparticule de notre garde-robe, il ne fait aucun doute que grâce à la « wearable technology », demain, nos placards interagiront avec nous. Selon un rapport publié l’an dernier par la société de recherche technologique et conseil Gartner, la circulation de vêtements « intelligents » atteindra ainsi 91,3 millions de pièces avant fin 2016, rien que dans les domaines liés à la santé et au sport. Jusqu’où la technologie pourra-t-elle changer la mode ?

  • Ils disent « Je t’aime »

Cute Circuit est la première marque commerciale de mode interactive. Une maison de « science-fashion » anglaise fondée par l’Italienne Francesca Rosella et par l’Américain Ryan Genz. Lorsque Francesca et Ryan ont eu, en 2001, l’idée de tisser des filaments électriques dans une robe afin de la connecter à des « options d’expression » interactives, on les a pris pour des originaux. Jusqu’à ce qu’ils conçoivent, créent et commercialisent leur première pièce : la « hug shirt ». Un top, auquel ils ont intégré tout une trame de capteurs gérés par Bluetooth, et qui permet d’envoyer, via un smartphone, un câlin à qui porte le t-shirt. Même si on se trouve à l’autre bout du monde. La technique paraît simple : des capteurs sensitifs sont disposés aux endroits de contact qui se réchauffent quand  on prend quelqu’un dans ses bras, et lorsqu’on envoie par SMS une « hug request », le destinataire l’accepte via son propre téléphone, qui envoie une commande au vêtement. Là où normalement on ressent la pression et la chaleur d’une accolade lors d’un véritable câlin, la chemise se resserre et se réchauffe. Détail romantique : la « hug shirt » passe sans problème en machine…

C’est pour quand ? La « hug shirt » est disponible depuis février sur www.cutecircuit.com

  • Ils racontent nos états d’âme

Pour aller encore plus loin, les créateurs laborantins de Cute Circuit se font designers-électriciens et développent et vendent une ligne complète de vêtements brodés de dizaines de milliers de mini leds qui permettent, à l’aide d’une appli téléchargée dans son smartphone, de changer d’un clic la couleur de sa robe, de faire circuler un message qui tourne sur sa jupe comme une annonce sur les panneaux électriques de Times Square, ou de faire pleuvoir des gouttes de pluie virtuelle sur le col de sa veste de smoking. En créant un hashtag secret à l’attention de ses amis un soir de fête, on peut aussi  recevoir sur ses vêtements leurs vœux envoyés par Bluetooth. Francesca Rosella raconte : « Quand on a commencé, les gens ne comprenaient même pas ce qu’on faisait. On nous commandait des installations dans des musées. À Londres, la presse a rapidement été fascinée par nos recherches. Le Fashion Institute nous a confié gratuitement un espace de recherche pendant six mois. Par pièce, nous brodons parfois jusqu’à 24 000 leds, sur des tissus français. » ll leur a fallu deux ans de tests rien que pour rendre cette robe lavable en machine. « Nous avons également lancé une ligne d’accessoires, comme un clutch sur lequel on peut faire défiler des petits cœurs, des notes disco, un message ou des dauphins, si on aime ça. » Dernière nouveauté en date : recevoir des tweets sur son sac. « Nous mettons en place une sorte de fashion iTunes Store, avec des motifs, des couleurs, différents caractères à télécharger. » L’accessoire diva ? Les chaussures antipaparazzi. « Quand on les flashe, elles reflètent une lumière blanche éblouissante, et on ne voit absolument plus rien sur les photos. »

C’est pour quand ? Dès mars sur www.net-a-porter.com, ou sur demande sur www.cutecircuit.com. 1 915 € la robe led interactive et 385 € la minijupe (quand même…).

  • Ils nous soignent

On les appelle les « texticaments », contraction de « textile »et de « médicaments ». La Derma Silk, par exemple, est une soie imprégnée de capsules médicamenteuses (composées d’un agent antimicrobien et distribuées par le groupe Fritsch Medical), présumée soulager les poussées d’eczéma, les mycoses, les dermites de contact, le prurit et l’érythème. Comment ça marche ? Par la simple action de porter les sous-vêtements, pyjamas, gants et cagoules traités de manière permanente avec des molécules curatives brevetées. Un mode d’administration qui remplacerait avantageusement l’utilisation de corticoïdes, en particulier sur les enfants. Un laboratoire belge est, de son côté, en train de tester un système de tissus contenant des molécules de confort pour les patients atteints de maladies graves. Le procédé est au stade expérimental, les infos ne seront disponible que d’ici quelques mois. En France et en Belgique, les « cosmétotextiles » à visée thérapeutique se multiplient dans les rayons des pharmacies. On trouve déjà, par exemple, des coudières renfermant des microcapsules d’ibuprofène, une façon de réguler la douleur due à l’effort ou à une blessure légère sans être obligé d’ingérer le médicament.

C’est pour quand ? Tout de suite, puisque déjà disponible en pharmacie.

  • Ils prolongent nos émotions

Iris van Herpen est une créatrice néerlandaise visionnaire qui défile en haute couture et en prêt-à-porter à Paris. Elle a été la première à commercialiser des robes issues d’imprimantes 3D. Elle taille des robes dans du cristal, fait fabriquer des matériaux de synthèse dans différents laboratoires situés un peu partout dans le monde, dessine ses pièces d’une extraordinaire poésie en concertation avec des architectes durant d’interminables conversations par Skype. En septembre dernier, elle a organisé à Paris un happening au cours duquel des mannequins portant des vêtements interactifs avec des instruments de musique créaient la musique d’une boîte de nuit par leurs seuls mouvements : un geste, un tressaillement, une émotion donnait naissance à des notes. Iris van Herpen considère que son travail « est un mix entre l’artisanat traditionnel et l’innovation. Les combiner, c’est le moyen de créer mes idées impossibles. » Pour elle, « la technologie peut développer nos sens. Ouvrir notre vision du monde. » L’année passée, l’une de ses expériences/démonstrations consistait en un corps humain devenu conducteur d’énergie. Une danseuse, portant une robe conductrice, générait un orage électrique par ses seuls mouvements. Pour Iris van Herpen, « on ne peut pas enfermer l’énergie ». Pas même dans son dressing.

C’est pour quand ? Déjà disponible.

Infos et points de vente sur www.irisvanherpen.com

  • Ils prennent soin de notre corps

Sur le même principe, on trouve depuis longtemps chez Dim ou Veritas des collants contenant des capsules hydratantes, drainantes, amincissantes, qui libèrent leurs effets actifs lorsqu’on les porte. Et qui résistent au lavage. Chez Adidas, on développe des t-shirts antibactériens, qui luttent contre les odeurs corporelles pendant l’effort. Chez Uniqlo, on trouve des chandails et des leggings thermorégulateurs ultrafins. En 2014, lors de l’US Open, Ralph Lauren avait équipé tous les ramasseurs de balles de t-shirts munis de capteurs de rythme cardiaque pour évaluer leur stress. Le Dr Amanda Parkes, responsable du département technologies et recherche dans l’incubateur de mode hybride Manufacture à New York, affirme qu’on assistera bientôt à l’émergence de fibres entremêlées d’électronique. En novembre dernier, elle déclarait ceci au blog d’infos mode et médias « Business of Fashion » : « Grâce aux continuelles évolutions entre les matériaux scientifiques et les procédés des nanotechnologies, nous pouvons maintenant fabriquer des textiles contenant des circuits complètement intégrés aussi bien que des matériaux aux propriétés et applications associées aux tissus high-tech. » Reste la question, parallèlement soulevée, du respect du champ magnétique corporel, qu’on soupçonne souvent d’être perturbé par les ondes électromagnétiques des téléphones portables, des ordinateurs ou des fours à micro-ondes, et qui n’échapperait pas à l’effet perturbant de toutes ces technologies ludiques, esthétiques ou médicales. Autant de paramètres actuellement testés dans certains laboratoires en Belgique, qui ne souhaitent pas communiquer pour le moment. En tout cas, pas avant d’avoir tiré des conclusions probantes, c’est-à-dire d’ici à deux ou trois ans.

C’est pour quand ? Les sous-vêtements cosmétiques sont déjà en vente dans les grands magasins et chez Veritas.